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Première commémoration des réfugiés juifs des pays arabes

Première commémoration des réfugiés juifs des pays arabes

 

 

 

Extrait de mon discours lors de la 1re journée de commémoration des réfugiés juifs des pays arabes, prononcé au Centre Gelber à Montréal.

L’expression « le juif errant », jamais ne fut plus justifiée que jusqu’à la moitié du 20e siècle, mais une coalition antisémite bien orchestrée, mais non organisée, a fait comprendre à ces juifs éparpillés aux quatre coins des terres arabes que notre errance prenait fin… Que ce que l’on considérait comme notre mère patrie nous rendait orphelins. En nous reniant.

 

Les pays arabes hôtes ne veulent plus de leurs juifs

Des déclarations intempestives aussi bien qu’explicites, sont lancées par le fondateur de la Confrérie des Frères Musulmans Hassan el Banna, grand père de Tariq et Hanni Ramadan. Un mois et demi après la déclaration d’indépendance de l’Etat juif, alors que l’armée égyptienne, avec cinq autres armées arabes, avaient déjà envahi le territoire retrouvé par l’Etat juif. el Banna déclare, je le cite : «si l’Etat juif est devenu un fait et si les peuples arabes en prennent conscience, ils jetteront à la mer les Juifs qui vivent parmi eux. »

De son côté, Haj Amin al Husseini, le Grand Muphti de Jérusalem (créateur de la 1ere division de Waffen SS musulmans de Bosnie) expliquait dans ses mémoires, je cite « Une des conditions fondamentales pour une coopération avec l’Allemagne, c’est de nous donner carte blanche pour éliminer chaque dernier juif de Palestine et du monde arabe tout entier »…

Dans la foulée, la Ligue arabe avait adopté à l’époque deux décisions qui se sont matérialisées par un décret saisissant les comptes bancaires de tous les juifs et les dépouillant de tous leurs avoirs, décret qui a été appliqué dans tous les pays arabes, Egypte, Libye, Syrie, Irak, pays où toutes les communautés juives ont été ainsi détruites.

 

Le renvoi du juif ne s’est pas fait systématiquement mais pernicieusement

Le juif comprend alors qu’il est persona non grata dans ce qu’il croyait un «chez lui».

Pendant des décennies, les nouveaux palestiniens inventés ont maximisé la saga de la naqba, la catastrophe, qui est devenue le leitmotiv de rassemblement de cette nouvelle identité arabe.

De son côté, Israël a choisi de minimiser les persécutions, les expulsions et les dépouillements d’avoirs des juifs des pays arabes.

C’est seulement cette année que la Knesset a décidé de consacrer une journée à la mémoire de cette « catastrophe juive », autrement plus violente et plus ruineuse.

Ainsi, ce 30 novembre 2014 fut le 1er jour où l’on commémorait, et pour la 1ère fois, la « naqba juive. »

Vous avez entendu mon collègue parler de l’Irak où il a tout perdu. J’ai été sollicité pour vous parler de la Tunisie, beau pays baigné de soleil et par la Méditerranée, qui m’a vu naitre et qui m’a renié.

Je ne vous ferais pas un cours d’histoire mais sachez que Carthage (ancienne Tunisie) fut créée par la reine Sidon vers 813 avant notre ère. L’influence de Carthage fut fondamentale car par le biais de ses colonies, elle va semer la culture des peuples sémitiques du Proche Orient unis, phéniciens et juifs confondus, jusqu‘à sa destruction par les romains, en 146.

Ce ne fut naturellement qu’après la destruction du 1er Beth a Mikhdash en 586 avant Jesus Christ que mes ancêtres juifs ont trouvé refuge sur l’Ile de Djerba. Il se dit que ce seraient des Cohanim qui auraient apporté avec eux une pierre et des boiseries du 1er Temple édifié par Salomon pour fonder la Synagogue de la Ghriba (l’éloignée) qui date de cette époque.

Cela dure sept siècles environ. Les juifs sont présents partout et la langue utilisée, le punique, est très proche de l’hébreu. Les juifs (berbères) sont chez eux, ils sont nombreux, lorsque l’empire romain s’écroule. L’invasion des arabes de Mohamed en 693 se heurte à une impératrice juive, la Kahena, dont l’empire chevauche la Tunisie, de Gabès dans le sud jusqu’è l’ouest de l’Algérie dans l’Aurès. Elle meurt au combat, et les berbères juifs sont convertis massivement, sous la menace, à l’islam.

Comprenez par là que nombre de berbères de kabyles, en Afrique du Nord ont de l’ADN juif.

 

A Kairouan, sous chaque mosquée on trouve les fondations d’une synagogue

Au début du 11e siècle, la ville sainte juive Kairouen (la Jérusalem tunisienne), fut décrétée ville sainte de l’Islam [NDLR: tout comme l’islam a décrété Jérusalem ville saint en 1967] et fut interdite aux juifs [tout comme Jérusalem envahie par les arabes entre 1948 et 1967]. Ces derniers quittent la ville, ils n’y reviendront jamais. Toutes les synagogues sont saccagées puis détruites. Aujourd’hui à Kairouan, sous chaque mosquée et pour marquer le territoire on trouve les fondations d’une synagogue [comme à Jérusalem, où la mosquée du dôme du Rocher est construite sur les ruines du Temple].

 

On se croyait protégés par la grande sœur la France, erreur

J’ai été un peu long sur cette histoire des « juifs tunes », mais comme vous pouvez le constatez, nous nous les tunes avons subi la plus terrible, la plus continuelle et épisodique expulsion de ce qui était notre terre, en 1940. Un recensement faisait mention de 140 000 juifs.

On se croyait protégés par la grande sœur la France. Erreur. Elle nous abandonna, comme elle le fit d’ailleurs aussi avec les juifs algériens à qui elle retira la nationalité française en 1940. Imaginez. Déjà le 28 juin 1941 un recensement des juifs a lieu, suivi de spoliations de biens immobiliers, de commerces, d’empêchement de pratiquer les professions libérales, comme avocats, professeurs, fonctionnaires, docteurs etc.

Les Français, sous Vichy (patrons de Tunis et du Maroc) étaient satisfaits de pouvoir cracher leur antisémitisme. Quand aux Français sous occupation, ils avaient l’excuse qu’ils n’avaient pas le choix, pour dénoncer et expédier leurs juifs dans les camps …74 000.

Nous, tunes, célébrons la libération de Tunis le 8 mai 1943, après 6 mois d’une occupation qui prit fin avec l’entrée des troupes de la 8eme armée du général Montgomery. Après une course poursuite de 3 000 kms dans les déserts de la Cyrénaïque de la Libye, la 8eme armée acculait à la mer L’afrika-corps, qui n’eut d’autre choix que de se rendre, ou de franchir le détroit de Messine pour rejoindre l’Europe.

Après la guerre, quand nous juifs tunisiens apprirent ce que les nazis avaient fait au judaïsme européen, nous réalisons après coup que nous étions des miraculés, les seuls juifs d’un pays occupé par les nazis à avoir échappé aux eisengruppen, à la gestapo, aux chambres à gaz.

 

« Je vous le dis, non pas que les Allemands ne le voulaient pas, mais B’’H ils n’ont pas eu le temps »

  • La terreur allemande se manifeste par l’assassinat de Victor Nataf, jeune talmudique arianais d’une yeshiva, dont le corps fut retrouvé sur la route deux jours après avoir été tué d’une balle dans le cœur. Motif : il a fait des signaux aux avions alliés, le 19 Décembre 1942, à 20 heures.

  • A Auchwitz, le champion du monde de boxe poids mouche, Young Perez, fierté nationale, fut assassiné par un jeune nazi lors de la marche forcée d’abandon du camp.

  • Une stèle à la mémoire des 40 ouvriers et autres victimes tunisiens de la barbarie allemande a était érigée au port de Tunis. Que leur ame soient bénies à tout jamais. Et plusieurs autres, encore, hélas….

Moins de 13 ans après avoir été sauvés de l’enfer nazi, nous avons cru les hommes assagis et les vieux démons de l’antisémitisme, du racisme et du nazisme disparus…. effacés…. ensevelies à jamais sous les décombres de la chancellerie du 3eme Reich…

Non. NON.

Ils reviennent hélas comme si de rien n’était et pire, ils font école…

D’autres apparaissent sous d’autres bannières, tous aussi fanatiques et féroces, tous aussi sanguinaires, obligeant les juifs tunes à prendre le chemin de l’exil.

Certes, pas à coup de pierre ou de coup de pied aux fesses, non. Bien-sûr. Mais la raison du plus fort est toujours la meilleur…

Le 1er ministre français (juif d’origine) Pierre Mendes France reconnait sous les coups de butoir d’un Panarabisme naissant que le protectorat aussi bien de la Tunisie que du Maroc devait prendre fin.

En 1956, retour triomphal de Bourguiba en Tunisie et de Mohamed V au Maroc, et départ moins triomphal des juifs craintifs mais clairvoyants.

En Algérie, naissance du Front de Libration National (FLN). La répression et la chasse aux juifs, en Tunisie n’est pas sauvage mais vicieuse, comme la suppression de la juridiction Rabbinique, le 15 avril 1957, par exemple, et qui fit dire à Maitre Charles Haddad Z’’l, président de la Communauté «le peuple Tunisien, le plus tolérant de l’islam, aura brisé sans nécessité immédiate un instrument de paix ». Encouragé par ce laxisme dû aux respects des lois par les juif, le gouvernement tunisien réitère, et édicte une loi dissolvant le conseil de la Communauté, un vendredi noir du 11 juillet 1958, au grand dam des juifs.

Il n’y a pas de répressions sanglantes après l’indépendance, pas un coup de feu, mais beaucoup de signes avant-coureurs de ce qui se passe aujourd’hui en 2014 avec Enahda et les autres partis islamiques.

En 1956, les remarques désobligeantes de nos voisins qu’aucun n’aurait l’audace de prononcer, et même les amis intimes de papa, l’obligent à prendre la décision. Les portes de la Gola s’ouvrent.

D’autres tunes sont restés, croyant au miracle bourguibien. Mais à chaque événement, comme la nationalisation, en 1956, du canal de Suez conduisant à la Guerre du Sinaï …. ou les vagissements de Nasser en 1967 promettant de bloquer le détroit de Tiran et asphyxier Eilat, déclenchant la guerre des 6 jours, et enfin les appels de la Ligue arabe à manger du juif, font tousser la rue tune qui se venge sur les vestiges d’un judaïsme jadis fleurissant, en mettant à feu la grande synagogue de l’avenue de Paris, et brûlent des commerces juifs. C’est le début de la fin.

Alexande Arcady cineaste et metteur en scène juif d’origine algéroise disait « les enfants reflètent la haine des adultes ».

Le temps nous presse et on me demande de terminer.

Merci…. à vous tous…

© Guy Haddad pour Dreuz.info.

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