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Processus de paix : les Américains prennent les commandes

Erekat, Kerry, Livni : eux sont pour

Processus de paix : les Américains prennent les commandes (info # 011212/13) [Analyse]

Par Sami El Soudi ©Metula News Agency

 

Le Secrétaire d’Etat américain John Kerry est de retour chez nous ce jeudi ; l’y attendent la tempête et une Jérusalem recouverte d’un manteau blanc et grelottante. Cette visite suit une réunion préparatoire tenue lundi dernier à Washington entre Kerry, Tsipi Livni, le ministre israélien de la Justice chargé des négociations avec nous, et le chef de la délégation palestinienne, Saëb Erekat.

 

Le voyage du secrétaire d’Etat a également été précédé de deux interventions importantes effectuées durant la réunion du "Forum Saban", dimanche à Washington. Le Président Obama et M. Kerry y ont dévoilé leurs intentions pour la résolution définitive du différend israélo-palestinien.

 

Leur plan s’articule en deux temps et prévoit une participation majeure des Etats-Unis : premièrement, Washington va élaborer un "basic framework", à savoir, un "accord cadre". Celui-ci comprendra les lignes directrices pour toutes les questions situées au cœur du conflit : les frontières, les réfugiés, Jérusalem, la reconnaissance mutuelle, et la fin de toutes les exigences des deux parties.

 

Les détails seront ensuite finalisés lors de discussions entre Israéliens et Palestiniens, là encore, avec une participation prépondérante des Américains.

 

L’"accord cadre" est attendu dans les toutes prochaines semaines par Jérusalem et Ramallah ; il prendra certes en compte les desideratas des deux camps, et c’est pour prouver qu’il les écoute, que John Kerry rencontre Messieurs Netanyahu et Abbas aujourd’hui et demain, mais le document final sera rédigé sur les rives du Potomac et c’est là que l’on tranchera sur les divergences inconciliables.

 

Au "Forum Saban", le secrétaire d’Etat a indiqué que les solutions de chaque question du cœur du conflit s’inspireront des idées présentées par Bill Clinton en 2000 ainsi que des rencontres d’Annapolis en 2007-2008.

 

Mais surtout, les solutions reprendront les conclusions des rounds de pourparlers précédents, particulièrement, celles envisagées lors de la "Grande négociation" de 2008-2009. A l’issue de celle-ci, Mme Livni et M. Erekat étaient pratiquement parvenus à un accord. A l’époque, dans les rangs des émissaires de l’AP que je fréquentais alors assidument, on disait que 97 à 98 pour cent des problèmes étaient résolus. A Ramallah, on a même hésité, juste avant le retour de Binyamin Netanyahu aux affaires, à déclarer publiquement, de concert avec Tsipi Livni, qu’un accord avait été conclu. Ce fut une décision politique qui poussa la Moukata à ne pas franchir le pas.

 

Dans les colonnes de la Ména nous nous sommes souvent demandé comment les mêmes protagonistes qu’en 2008 pouvaient aborder les mêmes sujets depuis quatre mois et élaborer des solutions différentes de celles qu’ils avaient adoptées alors.

 

Il nous semblait certain que cela était impossible, et cela explique, en partie du moins, que lors des vingt dernières rencontres, aucune avancée n’a été enregistrée, les participants campant sur leurs positions, tels les poilus de 14 terrés dans leurs tranchées.

 

Les récentes déclarations de la Maison Blanche indiquent que l’ère de ces longues audiences stériles sera bientôt révolue et qu’on allait prochainement arriver au stade des transactions pénibles et décisives. On va passer dans les faits des "propositions de compromis" à la négociation reposant sur le "basic framework".

 

L’objectif visé par l’Administration Obama consiste à obliger Netanyahu et Abbas à se décider sur les questions-clé du différend.

 

Au "Forum Saban", Barack Obama a déclaré que l’un des objectifs de l’ "accord cadre" était de "nous amener à un moment où chacun se rendra compte qu’il est préférable d’aller vers l’avant plutôt que vers l’arrière".

 

Au siège du gouvernement de l’AP, la Moukata de Ramallah, où je suis passé humer l’atmosphère ce matin en dépit des conditions hivernales, on se réjouit de l’implication nouvelle d’Obama dans le processus de négociation. En fait, ici, on a toujours appelé cet interventionnisme de ses vœux, persuadé de trois choses : 1. Seuls face à Netanyahu et à sa coalition, la seule chose qui peut avancer, ce sont les tracteurs construisant de nouvelles implantations. 2. Barack Obama, dans ses sympathies et sa vision du monde est en tout cas aussi proche de nous que des Israéliens. 3. En dépit du manque évident de qualité qui prévaut dans l’administration actuelle, de la confusion qui y règne et de la détérioration de ses positions dans la région, l’Amérique est en mesure de forcer, si elle le désire, les protagonistes à faire la paix.

 

Et en Cisjordanie, la plupart des responsables politiques palestiniens sont en faveur d’un règlement axé sur le principe des deux Etats pour deux peuples ; de plus, ils ne sont pas mécontents du fait que ce sont les USA qui désirent, en fin de compte, "imposer" un traité. Car cela leur permettra de faire accepter par le peuple des concessions que l’AP n’aurait pas pu faire admettre à elle seule, munies de l’explication : "Ce sont les Américains qui nous les ont imposées – notamment à propos des réfugiés et du renoncement aux exigences historiques – que pouvions nous faire ? C’était à prendre ou à laisser et c’est ainsi que nous avons obtenu notre Etat".

 

Côté israélien, c’est plus compliqué. Yaïr Lapid et son parti Yesh Atid (il y a un avenir) (19 sièges sur 120) est plutôt favorable à la tournure que prennent les évènements. Tsipi Livni, la négociatrice d’Israël, et sa Tnua (le mouvement) (6 sièges), se montrent enthousiastes ; hier, à l’Université de Tel-Aviv, Mme Livni a dit : "Les décisions doivent être prises par une direction qui comprend le prix que nous devrons payer si les bonnes décisions ne sont pas prises". Puis d’ajouter : "Nous avons en face de nous une fenêtre d’opportunité pour la paix et ne devons pas la manquer. Je désire que ceux qui siègent à mes côtés dans le cabinet sachent qu’il y a un prix politique à payer pour ceux qui ne se décident pas à temps".

 

Parmi les droitiers de la coalition, la Bayit ha-Yehoudi (maison juive) (12 sièges) de Naftali Bennet et la fraction Israël Beïténou (Israël, notre maison), d’Avigdor Lieberman, qui a fusionné avec le Likoud de Netanyahu pour les dernières élections, il n’est pas même question d’entrer en matière sur le projet américain ni, d’ailleurs, sur quelque formulation que ce soit d’un Etat palestinien. Pour Bennett et Lieberman, Tsipi Livni est une "dangereuse gauchiste" et Barack Obama un ennemi.

 

Celui qui va décider si Israël participe de son plein gré au projet d’ "accord cadre" des Américains, ou si l’Etat hébreu va emprunter une trajectoire de confrontation avec Washington, c’est le 1er ministre Binyamin Netanyahu. Et il est difficile, pour l’instant, de savoir quelle sera l’attitude qu’il adoptera.

 

S’il décide d’avancer avec le processus Kerry, il perdra probablement, d’abord Bennett, et Lieberman ensuite – juste avant la signature ? -, mais il peut les remplacer à n’importe quel moment  par les travaillistes (15 sièges), toujours favorables à la paix.

 

L’hypothèse retenue par mes amis à Métula : Netanyahu suivra mais en traînant les pieds et en multipliant les incidents. Ce, car le 1er ministre connaît la difficulté que rencontrerait le pays qu’il dirige s’il perdait l’appui de la présidence US.

 

Parce que quand on est les Etats-Unis, et que l’on dispose de leur puissance, on n’a pas besoin de diplomates et de leaders de génie. Il suffit qu’ils imposent leurs vues de façon convaincue et bien ordonnée – ce qu’ils sont à peine capables de faire - à n’importe quelle autre nation de la planète, pour que cela devienne une "option politique raisonnable".

 

Observer la capacité qui est la leur à imposer à la Terre entière, y compris aux gouvernements et à tous les journalistes (à part ceux de la Ména), le mensonge grossier selon lequel un accord aurait été conclu avec la "République" Islamique d’Iran à Genève, constitue à mes yeux la preuve de la survivance de la toute-puissance américaine. Le monde est toujours celui que l’on décide de voir à la fenêtre de la Maison Blanche.

 

Et cette fois-ci, à moins que mes années d’expérience ne m’aient pas apporté un peu de lucidité, je parierais qu’Obama est prêt à aller très loin avec son plan. Peut-être jusqu’à la création de mon Etat, et peut-être jusqu’à la paix entre les Arabes et les Juifs. Ses dernières sorties ont démontré qu’il ne craint pas le Congrès et qu’il entend faire "presque" tout ce qui lui plaît dans les années de pouvoir qui lui restent.

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