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Quelle que soit leur nationalité, les juifs étaient et seront toujours les bienvenus en Tunisie, Par Nizar BAHLOUL !

Quelle que soit leur nationalité, les juifs étaient et seront toujours les bienvenus en Tunisie !

 

 

Par Nizar BAHLOUL

Et une nouvelle diversion encore ! Les élus de l’Assemblée nationale constituante ne manquent pas de filons pour perturber le début d’espoir de reprise de l’économie tunisienne. L’essentiel est que l’on parle d’eux et qu’ils occupent le devant de la scène et la une des médias. 

On ne les a pas entendus parler de la crise économique, on ne les a pas entendus réclamer l’audition du ministre des Affaires étrangères à propos de la prise d’otage de deux Tunisiens (dont un diplomate) en Libye, on ne les a pas entendus exiger des poursuites judiciaires contre les anciens ministres mêlés à des scandales de népotisme, d’emplois fictifs et de malversation. 

Non, nos députés sont préoccupés par la visite de quelques dizaines d’Israéliens venus accomplir le rite du pèlerinage dans un des lieux les plus hautement symboliques pour eux, la Ghriba à Djerba. 

La Ghriba est là depuis plus de deux millénaires, bien avant l’arrivée de l’islam en Tunisie. Le pèlerinage y est effectué depuis plus de deux millénaires, bien avant que les Tunisiens ne deviennent arabes et musulmans. 
Nos députés n’en ont cependant cure devant l’Histoire de ce pays et de ses ancêtres. Rien ne vaut devant une apparition télévisée et quelques hypothétiques dizaines de voix dans les urnes. 

En janvier 2012, à l’occasion de l’arrivée du leader palestinien de Hamas Ismaïl Haniyeh, des centaines de Tunisiens se sont rassemblés à l’aéroport Tunis Carthage et ont commencé à crier « Mort aux juifs » . Les députés, à l’époque, n’ont pas bronché. Le parti islamiste Ennahdha a réagi rapidement pour calmer ses troupes et a publié un communiqué condamnant ces slogans antisémites. L’avertissement a été entendu et le langage a changé. On n’insultera plus les juifs, puisque c’est politiquement incorrect, on insultera désormais les sionistes et les Israéliens. 

Avril 2012, à l’occasion du pèlerinage de la Ghriba, Hamadi Jebali, alors chef du gouvernement, indique que la Tunisie accueillera les pèlerins juifs à la Ghriba comme chaque année. Le message est clair de la part du chef du gouvernement islamiste, les Israéliens sont les bienvenus, puisqu’il y a toujours eu, et de tous temps, des Israéliens parmi les pèlerins de la Ghriba. Et pour ceux qui avaient un doute, l’agence de presse tunisienne officielle, TAP, le dissipera. Dans sa dépêche datée du 16 avril 2012 on lit : « La synagogue de la Ghriba à Djerba accueille chaque année près de 6 mille pèlerins juifs, en provenance essentiellement, d'Europe et d'Israël » (lire notre article à ce sujet). Sous le gouvernement de Ali Laârayedh, on a vu le ministre du Tourisme de l’époque, Jamel Gamra, poser en photo avec un célèbre chanteur israélien. Aucun député n’a alors réagi à cela. Pourquoi donc aujourd’hui ? 

Comme l’a si bien dit Mehdi Jomâa, actuel chef du gouvernement, et comme l’ont si bien rappelé Perez Trabelsi et la Fédération tunisienne de l’Hôtellerie, le pèlerinage de la Ghriba est un événement important pour le tourisme tunisien. Une députée de Wafa, un des partis tunisiens les plus extrémistes, feint de ne pas comprendre le lien qu’il y a entre la visite d’Israéliens et le tourisme. Faut-il lui expliquer que l’essentiel des tours opérateurs européens, qui remplissent nos hôtels, appartiennent à la communauté juive et ne supporteraient pas que leurs coreligionnaires soient ainsi discriminés ? Et ne leur dites surtout pas qu’Israël est un Etat voyou qui ne respecte pas les religions et les libertés, ils vous diraient tout simplement, « moi je n’en ai rien à foutre de la politique, moi je veux accomplir mon rite religieux ».

Au-delà de ces questions bassement matérielles, il y a une question de principes. La Tunisie n’a pas le droit, moralement, d’interdire à une personne d’accomplir son rite religieux, sous prétexte qu’elle a l’autorité sur l’accès à ce lieu religieux. C’est à la fois indécent et immoral. Et les musulmans sont les premiers à connaitre ce sentiment d’injustice lorsque les Israéliens interdisent l’accès de la mosquée Al Quds aux Palestiniens. Nous n’avons pas, nous autres Tunisiens, à nous conduire comme les Sionistes extrémistes d’Israël. On parle bien de l’islam, religion de pacifisme et de tolérance ? Appliquons-nous alors ces préceptes ! 

Quant à Israël et la question de la normalisation avec l’Etat hébreu, la question n’a jamais été posée, ni même réfléchie, par le gouvernement Mehdi Jomâa. Même Ben Ali et Bourguiba n’ont pas mis le sujet sur la table d’une manière claire. Il a été question, sous Ben Ali, d’un bureau de liaison et ce dans un contexte géopolitique et historique bien particuliers. A l’époque, c’était en 1994, Yasser Arafat a obtenu le Nobel de la Paix conjointement avec Shimon Peres et Yitzhak Rabin. A l’époque, il y avait toute une dynamique de paix et de normalisation qui a échoué à cause des faucons de part et d’autre. Cela s’est terminé par l’assassinat en novembre 1995 d’Yitzhak Rabin. 
On ne fait la paix qu’avec ses ennemis. Cela fait des décennies que les pacifistes de part et d’autre, essaient de convaincre leurs compatriotes de cela, mais de part et d’autre, on ne retrouve que surdité et aveuglément. « On tue d’abord, on discute après », entend-on du côté israélien. « On récupère notre terre d’abord, on verra après », entend-on du côté arabe. 

Feu Habib Bourguiba s’y est essayé et s’est cassé les dents en abordant le sujet. C’est bien lui qui leur a dit « prenez ce que l’on vous donne et continuez à négocier » ? Il a été lynché médiatiquement et politiquement. Si Habib Bourguiba, avec toute la légitimité et l’ascendant psychologique qu’il avait, a échoué, ce n’est certainement pas Mehdi Jomâa qui va réussir pareil exercice ! 

Les députés tunisiens le savent parfaitement, mais ils chercheront quand même à le déstabiliser, lui et ses ministres. Non seulement ces surenchères populistes ne vont pas nous rendre la Palestine, mais elles sont en plus nuisibles pour la Tunisie, surtout en cette période critique. 

Nos ministres doivent-ils céder à ces caprices odieux de députés qui jouent sur la fibre sentimentale de plusieurs Tunisiens ? 
Oui, je verrai bien Ridha Sfar, ministre de la Sûreté et Amel Karboul, aller à l’ANC. Mais ils doivent leur dire ceci, et de manière brute et peu diplomatique de préférence : « Mesdames et messieurs les députés, vous avez été élus pour un an et votre mandat s’est achevé le 22 octobre 2012. Vous avez été élus pour rédiger la Constitution et cette Constitution a été rédigée. Vous vous êtes tus quand des Israéliens sont venus en 2012 et 2013 sous les gouvernements de la troïka. Vous vous êtes tus également quand des Tunisiens ont été tués sous la troïka et vous faites preuve de peu de sentiments à l’égard de nos compatriotes kidnappés. Alors maintenant taisez-vous ! Vous ne comprenez rien à la politique, vous ne comprenez rien à l’économie, vous ne comprenez rien à l’Histoire, alors taisez-vous et laissez-nous travailler, nous servirons mieux la Tunisie quand vous serez silencieux !»

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