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Tel-Aviv, la vie continue, par Valerie Abecassis

 

Tel-Aviv, la vie continue, par Valerie Abecassis

 

dimanche 17h

5e sirène sur Tel-Aviv.

Dizengoff, le centre commercial ni cher, ni pas cher est illuminé et attire toujours le sud de Tel-Aviv en mal de shopping. Un sud plus oriental, plus populaire. A l'entrée le russe, qui normalement avachi donne un petit coup sur le sac histoire de faire sécurité, fouille, palpe, scanne, bippe. Cela prend du temps, il est âgé, il y a donc la queue pour rentrer. Placide. Dedans l'on fait pourtant ses courses plus rapidement. Les allées sont-elles clairsemées ou c'est une fiction ?

Dehors, aux cafés c'est tellement agité, à moins que ce ne soit qu'une idée. Chez Zara, la vendeuse explique que les retours ne vont pas aller vite, tout arrive et part du port d'Ashdod et à cause de la situation, le pantalon avec un défaut, façon Isabel Marant ne reviendra pas avant des semaines d'Espagne. C'est chiant. Mais quand juste après, la sirène déboule comme cela au milieu de rien, c'est plus chiant.

On se retrouve dans les escaliers d'un immeuble vers Dizengoff. Deux très vieilles femmes en peignoir, voisines de pallier se demandent comment elles vont. Kol Beseder, tout va bien disent-elles. Détonation, puis encore détonation. Le son est fort, les trucs ont du être interceptés. On attend les dix minutes réglementaires. Elles remontent péniblement les étages de cet escalier gris et on se précipite sur les tweets de Tsahal. On ne dit pas take care, on ne dit pas goodbye, on dit rien, on regarde les tweets de Tsahal car Tsahal tweete et on s'en va.

Laurent Fabius a aussi entendu la sirène. Il est à Jaffa, à la résidence de l'ambassadeur pour une conférence de presse. Décor surréel. La mer, la vue, la résidence majestueuse, quatre 4x4 SUV, des jeunes en costard façon Men in Black avec le truc à l'oreille et de gigantesques fusils mitrailleurs, une limousine avec gyrophare et son chauffeur à kippa arrive. Aucun véhicule n'a de plaque d'immatriculation, c'est hyper étrange. Ca, plus la nuit qui tombe, plus l'agitation dans la rue, plus Charles Enderlin là devant moi, en vrai, ca fait guerre. Non ca fait film. Les journalistes doivent donner leur nom à l'entrée, l'un dit Bibi Netanyahou, l'autre dit Bibi Fricotin. La presse israélienne ne saisit pas. Les gros lapins blancs des enfants de l'ambassadeur passent. Il y a des lapins blancs à la résidence et cela fait du bien.

Laurent Fabius, qui ressemble de plus en plus à Michel Jonas est là pour faire la paix je crois. Il explique qu'il a vu tout le monde pour cela. Arrivé ce matin reparti ce soir. D'Hillary Clinton, à Bibi, le vrai, en passant par Ban Ki-Moon, Barak, Perès, les Egyptiens, Abbas, les Turcs, le Quatar, j'ai pas tout entendu, pas tout noté mais cela en fait du monde à voir. Je suis au fond, un notebook H&M Versace imprimé panthère vert et doré, j'ose pas trop tourner les pages, je fais tache, ca rigole pas. Il a vu beaucoup de monde, c'est la paix en marche. Et puis, il dit un mot hyper bizarre,facilitateur, la France est un "facilitateur.

Il parle de garanties, de négociations, de cessez-le-feu, il évoque les morts et la souffrance. La presse française lui pose des questions, il répond mais ne veut pas trop rentrer dans les détails, la presse israélienne ne pose pas de questions. Il s'en va, chacun fait son direct. Je pense à ce passage exceptionnel de Belle du Seigneur, lorsque les Valeureux vont visiter Solal à la société des Nations. Facilitateur... Les hélicos passent devant Jaffa, et couvrent le son de la conf, craint-on une nouvelle sirène ? On l'attend peut-être, dans les films avec Brad Pitt, il y en a une. Plus tard à la Cantina, le Flore local, on croise le réalisateur Eytan Fox, heureux et accablé. Heureux parce qu'il vient de finir son dernier film avec Roshdy Zem, accablé parce que cet ancien parachutiste dans Tsahal, fer de lance de la gauche arty israélienne sait que c'est sans fin. Cela ne s'arrêtera jamais. Sa mère invitait des palestiniens pour Chabbat, aujourd'hui c'est inenvisageable, inimaginable, impossible. A Gaza la nouvelle génération n'a jamais vu de Juif, jamais vu d'Israélien et n'a évidemment pas vu son film emblématique sur Tel-Aviv, The Bubble, la Bulle.

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