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Torah et Coran, par le Rabbin André Chalom ZAOUI

Torah et Coran

 

par le Rabbin André Chalom ZAOUI

 

 

Revue d'études et de libres débats publiée sous les auspices de l'Alliance Israélite Universelle

 

Dans le Coran, Mahomet parle souvent des juifs et des chrétiens de son temps et de son pays. Beaucoup de ceux-là étaient des prosélytes, anciens idolâtres qui avaient définitivement choisi leur voie religieuse dans le judaïsme, notamment les Himyarites d'avant la période islamique, comme Samuel ben Adiya, roi de Taymâ et, au VIe siècle, le roi Yusuf Dhu Nuwas qui s'était aussi converti au judaïsme, avec beaucoup d'autres éléments des populations sud-arabiques. D'autres Himyarites, qui n'avaient pas craint l'influence abyssine sur leur culture, avaient choisi le christianisme. Les premières communautés juives. sud-arabiques remontent à l'an 25 av. J.-C. quand le roi Hérode avait expédié une brigade juive au Sud-Yémen. Par la suite, le déclin de la culture himyarite commença avec le déclin de l'Empire romain et avec le succès du christianisme. 
La question se pose de savoir quelles avaient été les sources bibliques et néo-testamentaires du Prophète. 
Certains auteurs ont prétendu que Mahomet était un ancien évêque converti, d'où ses connaissances des traditions bibliques et ses confusions volontaires ou involontaire... Rien de moins certain que pareille assertion. 
Toutefois, de deux choses l'une : ou bien les faits rapportés à Mahomet, à La Mecque ou à Médine, le rédacteur trouve bon de les mentionner dans le Coran, par souci d'attirer les chrétiens et de les convertir à l'islam, ou bien la Révélation est entière, et ces faits anciens ont été "racontés" et révélés au Prophète par Allah. 
Mais alors surgit la difficulté théologique suivante : si c'est le Dieu Unique qui s'est révélé, pourquoi aurait-il changé son propre message donné auparavant aux chrétiens, et avant eux, aux Fils d'Israël, au moins en ce qui concerne certains détails importants, comme par exemple, celui que précise le v. 48 de la troisième Sourate selon lequel c'est Dieu qui fit mourir Jésus et non les Romains ni les juifs.

D'autre part, dans plusieurs chapitres du Coran, relatifs à Israël, le Prophète reprend à son compte les paroles bibliques pour admonester le peuple qui ne peut se "racheter de ses péchés" que par la conversion à l'Islam, tout comme saint Paul et les Apôtres avaient proposé à Israël, pour le "racheter de ses péchés", la foi en le Messie sauveur, la foi en sa mort et sa résurrection. Ce même procédé, six siècles avant Mahomet, consistait à dire aux juifs que seule la foi dans la nouvelle Révélation (1) et les nouveaux Apôtres et Envoyés de Dieu, pouvait les sauver. On se souvient cependant qu'avec des admonestations et des reproches souvent plus sévères, les Prophètes bibliques avaient invité Israël auretour, à la Loi de Moïse et au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Les Prophètes savaient bien, en effet, que "Dieu n'est pas un homme pour mentir" (Nombres 23, 9) (2).

Qu'en est-il alors des données mêmes de la Révélation du Prophète ? Un mot tout d'abord sur le style coranique. Il est souvent poétique, notamment quand il s'agit d'une réminiscence biblique expresse. Dans ce cas, le texte semble alors couler de source. Ce fait pourrait confirmer la thèse des rédacteurs du Coran, juifs ou chrétiens convertis à l'islam, qui connaissaient bien la Bible et le Nouveau Testament et, dans une certaine mesure aussi, les développements talmudiques et patristiques. 
Selon le Coran, les livres révélés des juifs, des chrétiens et des musulmans ont la même valeur. Aussi, Mahomet est-il étonné de n'être suivi ni par les juifs ni par les chrétiens qui devraient accepter le Coran, comme il "accepte" lui, le Nouveau et l'Ancien Testaments. En vérité, on ne voit nulle mosquée ou la Bible soit unie dans un même livre, avec le Coran (3), comme les chrétiens l'ont fait pour l'Ancien et le Nouveau Testaments. Certes, Mahomet accepte les données de la Révélation de l'Ancien Testament, mais il ne se sent pas engagé par certains commandements fondamentaux, comme celui du sabbat que les juifs auraient "inventé". Mahomet cite bien les profanateurs du sabbat, mais il fait du vendredi, le jour de l'assemblée Yaum el Djamâ et non un jour complet de repos, comme c'est le cas, dans la Torah, pour le sabbat. Le Prophète dit bien (S.3,2) que la Loi et l'Evangile sont des guides pour les hommes. Pris en bloc, l'Ancien et le Nouveau Testaments sont reconnus comme livres inspirés. Toutefois, ils n'engagent pas le musulman : à l'instar des bouddhistes qui reconnaissent dans les livres sacrés des juifs, des chrétiens et des musulmans, des livres inspirés, sans qu'ils soient engagés par tout ce qui y est écrit et ordonné.

Selon certains historiens, le Coran aurait donc été écrit et prêché par quelques juifs et chrétiens convertis qui auraient été les "saint Paul" de l'islam. On comprendrait, dès lors, le souci permanent du texte coranique d'affermir les relations judéo-islamo-chrétiennes. Les auteurs présumés voulaient, sans nul doute, attirer plus aisément les juifs et les chrétiens à la nouvelle doctrine. Que ces auteurs présumés fussent les auteurs réels ou non, il reste que l'islam n'a pas pris l'importance escomptée par le Prophète, dans les milieux juif et chrétien de son temps. Et cela était naturel, tout comme, six siècles auparavant, le christianisme n'avait pas pris d'importance essentielle dans l'ensemble du peuple juif. 
Pour mieux comprendre la situation, Imaginons l'hypothèse suivante : dans le cas où un prophète se serait déclaré, plusieurs siècles après Mahomet, et aurait fondé une nouvelle religion, en produisant un texte révélé inspiré de la Bible et du Coran, ce nouveau prophète aurait-il trouvé audience chez les musulmans qu'il aurait appelés à la convention ? En vérité, les sectes druze, ismaélite et béhaïste sont bien des hérésies de l'Islam, mais elles n'ont fait que très peu d'adeptes chez les peuples musulmans, bien qu'elles aient eu leurs visionnaires et leurs prophètes ! 

Rappelons cependant que les théologiens juifs, Maïmonide et Juda Hallévi, au XIIe siècle ont reconnu que le christianisme et l'islam, issus du judaïsme, étaient des religions nécessaires à la rédemption de l'humanité, puisqu'elles avaient converti de nombreux peuples de Gentils au monothéisme biblique et à la morale prophétique.
Par ailleurs, c'est un fait que, malgré le caractère universel des trois révélations juive, chrétienne et musulmane, chacune garde son particularisme. Il faut même se féliciter de voir quelques intellectuels et chefs spirituels des trois religions révélées, siéger ensemble dans les grandes capitales du monde, pour examiner fraternellement les points communs et les différences de leurs doctrines. Il est vrai que le droit à la différence est prévu dans le Coran (cf. S.3, 57). Ce droit indique le bien-fondé du pluralisme religieux qui correspond au pluralisme des caractères des hommes et des sociétés. Ce n'est pas Dieu qui est divisé en plusieurs divinités : c'est la nature des choses qui fait que les hommes sont différents les uns des autres et que chacun, tout comme chaque société, est animé, en principe, de la même essence spirituelle universelle, l'adapte et la présente, d'une manière particulière, selon son génie propre.

Il est certain que Mahomet sut apprécier l'importance du judaïsme. Il s'inspira beaucoup de son enseignement. Il puisa directement ou indirectement dans la Bible, les Apocryphes, le Talmud et les Midrashim, tout comme il s'inspira des récits évangéliques et de la tradition chrétienne. Que peut-on dire alors des contradictions entre le texte biblique et les relations coraniques ? Elles sont résolues selon A. Katsch (4), dans l'abondant apport midrashique contenu dans le Coran. Toutefois, la connaissance directe ou indirecte des traditions juive et chrétienne n'empêche en rien l'originalité du texte coranique, sa richesse littéraire et sa forme poétique. Il s'ensuit qu'indépendamnent de l'inspiration des sources judéo-chrétiennes, la richesse de la langue et la qualité littéraire du Coran lui assurent son originalité particulière et séduisante.

Ici, à tous les croyants se pose la question de l'authenticité du texte révélé. Et tout d'abord, quelle est en fait la cause du confit entre le judéo-christianisme et l'islam ? Admettons un instant, comme le Coran, que les juifs et les chrétiens aient "falsifié" (5) les Ecritures (S.7, 162). On s'attendrait à des preuves fournies par des manuscrits anciens ou des découvertes archéologiques qui viendraient justifier la thèse coranique. Or, six siècles séparent la naissance du christianisme de celle de l'islam et près de vingt-cinq siècles, la naissance d'Abraham de celle de Mahomet. Ces temps rendent plus difficiles les témoignages littéraires d'inspiration monothéiste. Cependant, on a découvert dans le nord et le centre du Hedjaz (en 1952) des milliers de graffiti - noms de divinités et d'hommes himyarites, et aussi près de trois mille inscriptions Thamoud (ce nom se trouve déjà dans le Talmud, Yeb. 17a) mais dans aucune d'entre elles, il n'est question ni de monothéisme arabe anté-islamique ni d'Abraham ni d'Ismaël. On ne peut oublier que Mahomet est né à La Mecque dans la tribu païenne des Qoreïshites. Si même, comme l'atteste seule, la tradition musulmane Abraham était venu avec Ismaël, bâtir le Temple de la Ka'ba, vingt-cinq siècles avant le Prophète, le texte de la Genèse aurait mentionné le fait, et surtout, les tribus sud-arabiques auraient conservé plus ou moins cette tradition, dans des documents écrits, sur parchemin, papyrus, os, pierres ou tablettes de bois. Or, ni à l'époque du Prophète, ni après lui et jusqu'à nous, pareils témoignages n'ont été confirmés ni par l'archéologie ni par la paléographie(6)

Pour ce qui est de la pensée objective du Coran, elle relate que la révélation est divine et parfaite. Elle ne peut changer fondamentalement car Dieu est immuable et parfait, mais elle est perpétuellement interprétée par les hommes au cours des âges. La vérité révélée est une. Le Verbe divin est, comme on l'a vu, immodifiable : S.18, 26 et S.2, 80. Il faut rappeler cependant qu'aucun des Prophètes d'Israël après Moïse (7) ne s'est déclaré, à la manière de Mahomet, détenteur d'une révélation nouvelle et en même temps, le dernier prophète ou le "sceau" de la Prophétie. Au contraire, les prophètes bibliques se reportent toujours à la doctrine mosaïque de la Torah qu'ils citent et n'entendent changer, en aucune manière. Par ailleurs, le judéo-christianisme du premier siècle, avait compris cette philosophie religieuse. Il se trouve que les fondateurs du christianisme étaient juifs. C'est parce que la doctrine paulinienne a changé, en partie, l'esprit et la lettre de la Torah, qu'elle n'a pas eu de prise dans le peuple juif. Le christianisme s'est alors répandu essentiellement dans la Gentilité de l'Empire romain. De même, Mahomet n'a pu avoir de succès que chez ses congénères, les Arabes païens, bien qu'il se réclamât constamment de la Torah et de l'Evangile, de Moïse, de Jésus et des prophètes (8)

On peut constater, avec la fin de la sourate 9, que les rédacteurs du Coran connaissaient bien la Bible et l'Evangile auxquels ils se réfèrent expressément ou indirectement, en reproduisant certains récits et toute leur substance morale et religieuse. Il n'est donc pas exagéré de dire que le Coran reprend à son compte, pour une large part, l'essentiel du message biblique quant à la crainte et d'amour de Dieu, la solidarité des Croyants, la justice et la vérité, l'aumône, la prière et l'humilité.
Ainsi, l'importance de la Bible et de ses récits est indiscutable, dans le fait que les rédacteurs du Coran y ont puisé - avec le monothéisme d'Abraham et de Moïse les histoires les plus édifiantes et les plus empreintes de spiritualité.
Cependant, nous pouvons constater, dans les différentes sourates, qu'il n'est pas aisé d'accorder la révélation coranique avec l'exérèse et la critique historique. En effet, le procédé littéraire du Coran consiste souvent à étayer le texte biblique avec beaucoup de contes et légendes qui lurent élaborés plus tard, de sorte que dans la Prédication du Prophète, la valeur de ces contes équivaut à celle du texte biblique lui-même. C'est pourquoi, selon certains auteurs, la révélation faite au Prophète se présente davantage comme un syncrétisme où sont mêlées les révélations précédentes et celle fait au "dernier prophète". Ce procédé employé dans certains récits bibliques reproduits dans le Coran (Abraham, Loth, Joseph) prouve que :

1.  La révélation coranique, en ce qui concerne les récits et la théologie a puisé sa source dans la révélation biblique ; 
2.  Elle tient davantage de la compilation des textes écrits anciens, des commentaires et du folklore ;
3.  Elle met en doute l'authenticité de la révélation qu'elle propose ou qu'elle rapporte. Or, le texte coranique définitif n'a été écrit qu'aux VIIe et VIIIe siècles de notre ère, tandis que le texte biblique, confirmé d'ailleurs Par le Nouveau Testament, est plus ancien d'au moins dix siècles. Ces remarques posent le problème de l'historicité des chapitres du Coran se rapportant aux personnages bibliques, quand ils diffèrent notamment du texte biblique, et de l'authenticité de la révélation coranique.

De deux choses l'une : ou bien l'histoire n'a rien à voir avec la Révélation : un fait est ou a été, ou bien il n'est pas, ou il n'a pas été. Ou bien, la Révélation est divine de par son essence et tout ce qui s'y rapporte est l'expression de la vérité, même si elle contredit la vérité historique. Dès lors, une des deux révélations - biblique et coranique - est fausse. Or, ces deux révélations se posent - chacune à sa manière - comme étant de caractère divin. Les rédacteurs du Coran qui ont vu la difficulté, se sont empressés d'accuser les scribes juifs qui recopiaient la Torah, d'avoir "falsifié" le texte révélé (S.7 162). Cette accusation n'est fondée que sur les affirmations du Prophète, attendu que pour une grande partie des lois et des récits, le Coran s'appuie sur la Loi de Moïse qui est de loin son aînée et "qui est un guide et une lumière pour les hommes". Or, comme on l'a vu, à l'époque de Mahomet et de ses disciples, on ne disposait d'aucune source écrite ni de témoignage d'aucune sorte, relatifs aux fait qui s'étaient passés près de deux mille ans avant le Prophète et en dehors de la péninsule arabique. On sait également que les seules sources d'information du Prophète étaient les histoires bibliques en cours dans les communautés juives et les églises chrétiennes du Hedjaz et du Yémen, l'ancien Himyar qui était le carrefour des marchands venus de Perse à l'Est, de Syrie et Palestine au Nord et d'Abyssinie, à l'Ouest. 

À ce propos, il faut préciser que les rabbis du Midrash n'ont jamais prétendu refaire l'histoire, à partir de leurs contes et légendes brodés autour du texte biblique. Ils leur avaient encore moins donné un caractère dogmatique, car ils savaient distinguer entre le texte révélé lui-même et leurs propres paraboles, apologues et fables. Au contraire, en les faisant siens, le Coran jette la confusion dans l'esprit des fidèles. Ceux-ci, poussés par l'ardeur de leur foi religieuse, affirment l'historicité et l'authenticité de toute la prédication coranique, même s'il leur faut nier la valeur de tels récits bibliques anciens rapportés par les Juifs et les chrétiens. Mais comme il s'agissait de sauvegarder le caractère divin de la Révélation biblique, sans laquelle le Coron ne serait pas, il n'y avait qu'un pas à franchir pour s'en sortir : accuser les juifs d'avoir falsifié certains textes. Ce procédé consiste à nier la réalité et les données historiques. Cette méthode est grave et les conséquences fort éloignées de la vérité qui est cependant un des attributs d'Allah (S.22, 6) le Dieu Unique (cf. 5.46, 9-11). La discussion avait eu lieu déjà à l'époque du Prophète. Ce dernier texte cite "l'objection des incrédules : "Si ce Livre était véritable, les israélites ne l'auraient pas reçu avant nous. Ils ont fermé les yeux à la lumière et ils disent : c'est une fable de l'Antiquité". Cela explique que les incrédules de La Mecque se posaient déjà le problème de valeur du message coranique tout autant que la majorité des juifs et des chrétiens du pays. C'est pourquoi ces derniers n'entendaient pas se convertir à la prédication du Prophète qui répétait les principes théologiques et normaux de la Révélation biblique, adaptée en arabe, à l'intention des tribus païennes d'Arabie, cf. S.20, 97 : ..."nous l'avons fait descendre sous forme d'une révélation en langue arabe". 

Certes, on dira que tout ce qu'Allah a révélé à Son Prophète exprime, par démolition, la vérité absolue et supplée la carence de connaissances historiques de rédacteurs des Coran. Devant cette affirmation dogmatique, la discussion est impossible. Néanmoins, si les choses étaient ainsi, tout ce qui est contenu dans de Coran serait parfait et exprimerait la vérité éternelle. Or, on sait que ce n'est pas toujours le cas. On le voit, par exemple, pour les relations des récits ct lois bibliques rapportés souvent avec des différences ou des altérations importantes. 
Ces considérations posent le problème général de l'exégèse et de la critique historique des textes, par rapport à la révélation ou à l'inspiration des textes biblique et coranique. On sait que dans ce domaine, il faut choisir entre l'affirmation dogmatique qui peut aller jusqu'au fanatisme, et l'établissement des faits historiques qui n'ont rien à voir avec la foi. Un texte, même révélé, est humain dans sa langue, sa grammaire, son écriture, ses copistes, son parchemin, son encre, sa transmission, etc. Les variantes des différents manuscrits de la première génération qui a suivi la mort du Prophète, suffiraient à établir la nécessité du fait fondamental de l'exégèse et de la critique historique.
Voici un exemple : Comme les Sourates qui la précèdent, la sourate 5 parle beaucoup des juifs, tantôt "Fils d'Israël" tantôt "ceux qui pratiquent le judaïsme", tantôt "détenteurs de l'Ecriture", avec une certaine hostilité qui ne peut d'adresser qu'aux juifs sud-arabiques, les seuls que le Prophète ait connus et dont beaucoup étaient des prosélytes, venus de la Gentilité himyarite ou éthiopienne. Ces juifs n'étaient pas tous hébraïsants, encore moins des talmudistes. En outre, Mahomet avait certainement beaucoup entendu parler des juifs, en bien et en mal, entre autres, par les chrétiens, prêtres, moines et simples fidèles de l'Eglise qui n'étaient pas toujours très tendres envers eux. Si bien qu'après avoir été l'ami des juifs de La Mecque et de Médine, Mahomet les apprécia de moins en moins, du fait de leur refus d'embrasser l'islam.
Enfin, la connaissance du Prophète est souvent imprécise relativement à ses sources juives et chrétiennes. Elle est basée généralement sur ce qu'il a entendu dire. C'est pourquoi on peut être réservé quant à la rigueur historique des faits rapportés par certaines sourates.
A ce propos, il est intéressant de noter ce mot de l'historien musulman célèbre du XIVe siècle, Ibn Khaldoun (Prolégomènes VI, 22) "Joseph interprétait les rêves, comme cela est raconté dans le Coran". L'auteur, plutôt que de citer la Bible (Genèse 40, 41) cite le Corp écrit douze ou quinze siècles après la source première (9).
Autre exemple : la construction "par Abraham", à La Mecque, du Temple de la Ka'ba. La légende et l'histoire sont ici confondues dans le Coran. Les rédacteurs du Coran ont certainement voulu d'une part, justifier la descendance abrahamique de Mahomet et d'autre part, le monothéisme enseigné au peuple arabe. Comme on l'a vu précédemment, en l'absence de tout document littéraire historique ou archéologique, l'exégèse moderne ne se trouve, en définitive, placée que devant deux textes : la Bible et le Coran, opposés quant aux pérégrinations d'Abraham. Devant deux documents, ce qui décidera, est bien la critique historique des textes et l'archéologie.

En outre, du fait des différences notoires entre le récit coranique et le récit biblique, on se pose la question de savoir si réellement il n'y a eu qu'un seul ou deux rédacteurs du Coran, ou plusieurs écoles différentes qui auraient chacune - selon les contes et légendes en cours - rédigé un groupe de Sourates. En effet, il paraît difficile d'accepter que tantôt le texte coranique rapporte fidèlement tel fait biblique et tantôt il en rapporte des détails différents, contraires ou inconnus.

De fait, certaines relations coraniques ont pu être la cause de faits malheureux qui avaient divisé les deux communautés juive et musulmane (10) . 

Au sujet des relations entre les tenants des trois religions abrahamiques, certains versets (S. 42, 11) suffiraient à prouver qu'il n'était pas nécessaire au Prophète de chercher à convertir à l'islam, les juifs et les chrétiens d'Arabie. Il pouvait, en effet, se consacrer essentiellement à la conversion des Arabes païens du Hedjaz et d'Himyar. C'est d'ailleurs ce à quoi il dut se résigner, puisque l'immense majorité des chrétiens et des juifs refusèrent la conversion. Qu'il y eut des faux dévots chez les juifs et les chrétiens - il y en eut aussi chez les musulmans - cela ne suffisait pas pour justifier les nombreuses admonestations et malédictions à l'adresse de ses adversaires monothéistes, considérés parfois comme hypocrites. En vérité, l'islam s'est répandu très vite comme une religion conquérante, puisqu'en moins d'un siècle après la mort de Mahomet, tout l'Orient, l'Afrique du Nord, l'Espagne et la moitié de la France avaient été occupés par les musulmans, et leurs populations païennes, chrétiennes ou juives avaient été converties de gré ou de force. Très rapidement aussi, l'islam s'est répandu jusqu'au Caucase et en Inde et par la suite, en Indonésie et aux Philippines. Le même phénomène de conquête s'était produit pour le christianisme, avec la conversion, au IVe siècle, de l'Empereur Constantin.

Au contraire, pareilles circonstances ne se sont pas produites, au cours de l'histoire du peuple juif. Elles auraient certainement permis à Israël de répandre aussi sa religion, au fil de l'épée, dans plusieurs continents. Dieu en avait décidé autrement... : "Mes pensées ne sont pas vos pensées, Mes voies ne sont pas vos voies... Comme les cieux sont plus élevés que la terre, ainsi Mes voies sont plus élevées que vos voies" (Is. 55,8). 

Si Mahomet est venu confirmer la Loi de Moïse et l'adapter à ses frères arabes de La Mecque et de Médine, c'est que la Loi de Moïse confirmée par les Prophètes d'Israël, est suffisante en elle-même pour les juifs qui l'avaient reçue, plus de deux mille ans auparavant. Il en est de même des évangiles qui confirment aussi la Loi de Moïse - et qui ont été rédigés environ treize siècles après Moïse et six siècles avant Mahomet. C'est pourquoi on ne dira jamais assez combien le christianisme et l'islam doivent au judaïsme et aux juifs qui ont donné au monde, la Bible, les Prophètes et les Psaumes. Cette seule et immense dette, comme a dit Jules Isaac, doit imposer le respect.

Le malentendu entre l'islam d'une part, et le christianisme et le judaïsme d'autre part, a engendré des confits douloureux et des guerres meurtrières. Si maintenant, les Arabes s'en prennent particulièrement à Israël, c'est parce que ce peuple est infiniment peu nombreux et encore, aux trois-quarts, dispersé dans le monde. De plus, par une "dialectique" spécieuse, on veut distinguer les israélites des Israéliens et les juifs des sionistes.

C'est pourquoi, plus que jamais, un grand besoin de démythification se fait sentir. Une nouvelle interprétation du Coran est nécessaire et urgente, ainsi qu'une révision critique et historique du texte, de manière que les Arabes de notre temps prennent conscience de tout ce que leur religion doit au judaïsme. En tout cas, certains versets coraniques ne s'appliquaient qu'à ceux des juifs que Mahomet a connus dans la péninsule sud-arabique et qui, somme toute, ne représentaient qu'une infime minorité du peuple juif répandu essentiellement en Perse, en Afrique et en Europe (11). Ce que Jules Isaac a dit du christianisme : "Seul l'enseignement peut défaire ce que l'enseignement a fait", peut et doit être dit également de l'islam.

Le lecteur peut conclure entre autres, du fait que le Coran témoigne de l'origine divine de la Loi de Moïse, que si Mahomet semble vouloir retirer ce don de Dieu fait à Israël, en déclarant nécessaire une nouvelle Révélation, il prêche l'abrogation de la Loi du Sinaï (12), alors qu'elle exprime le Verbe éternel divin et les promesses immuables de Dieu à Son peuple, car, selon le Coran lui-même, Dieu ne change pas son message, sous prétexte à que les hommes gui l'ont reçu, ont pu se détourner de Lui.

Allons plus loin. Selon le texte de la Genèse qui fleurit de poésie, Dieu avait regretté d'avoir créé l'homme (Gen. 6,6). Néanmoins, malgré le Déluge, il maintient la race humaine sur la terre. De même, après le péché du Veau d'Or, Dieu se laisse apitoyer par la prière de Moïse et ne détruit pas "son peuple" Israël "à la nuque raide" qu'Il s'était cependant promis d'anéantir. En aucune circonstance, Dieu n'a retiré sa bénédiction donnée à Abraham, à Isaac et à Jacob, bénédiction qu'Il a confirmée ensuite à tout le peuple d'Israël, au Sinaï. Saint-Paul admit, dans ses Epitres, que Dieu ne retire pas les dons qu'Il a faits à Israël (Rom. II). De plus, Mahomet reconnaît, à son tour, l'élection d'Israël, et la vérité immuable de la Loi. Par voie de conséquence, Mahomet reconnaît que la Promesse essentielle de Dieu, contenue dans la Loi, est le don de la Terre Sainte à son peuple Israël qu'il a délivré d'Egypte et de toutes les maisons d'esclavage.

La terre promise à Israël doit donc être considérée par les musulmans, comme l'objet irréversible de la parole divine. Il n'a jamais été dit dans le Coran, que la Terre Sainte devait être héritée par les fidèles de l'islam. Certes, ceux-ci l'ont conquise et occupée pendant de longs siècles comme l'avaient fait avant eux les Grecs, les Romains et les Byzantins, les Croisés et après eux, les Turcs et les Anglais. Il n'en demeure pas moins que le Retour annoncé depuis plus de deux millénaires, par l'ensemble des livres de la Bible - les fidèles de l'islam doivent l'admettre -, réalise le plan théologique de l'économie divine. Le Prophète Mahomet l'a d'ailleurs maintes fois confirmé, cf. S.5, 24 ; S.7, 132 ; S.17, 106 ; S.21, 71 ; S.7, 161 ; S.2. 44 et 116, etc...

Pour plus de précision, on ne saurait assez rappeler les différents versets de la sourate 5 qui confirment les données essentielles de la Torah, au sujet du Pays d'Israël. Plus encore, le Coran, dans les sourates suivantes, est fidèle aux récits bibliques relatifs aux quarante ans d'errance dans le Désert qui préludent à l'entrée dans la terre des Ancêtres. Nulle part, le Coran n'infirme ce don divin de la Terre d'Israël, promise aux descendants d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

Les néophytes, ignorant la littérateurs biblique, prirent le texte coranique, comme la révélation unique. Ils le défendirent à la lettre et crurent à la possibilité d'abrogation de la Torah (13).

Il n'est pas étonnant que les accusations réciproques de faussaires ou falsificateurs, datant de Mahomet, se soient répercutées à travers l'histoire des rapports Judéo-musulmans et islamo-chrétiens. Ils ont pris la forme d'une première contestation : Ismaël et non Isaac sacrifié par Abraham, et une nouvelle forme dans le différend politique actuel qui oppose les États Arabes et l'Etat d'Israël, au sujet de la guerre sainte. Si même l'argumentation géopolitique des commentateurs arabes modernes du Coran était fondée, il semblerait contraire à la raison et à la révélation que Dieu, l'Unique, l'Immuable, l'Omniscient et le Tout-Puissant eût choisi d'accorder Son Message à Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, les Prophètes et à tous les descendants des Enfants d'Israël.
En vérité, Mahomet est venu pour convertir les peuples d'Arabie au monothéistes d'Abraham. Le Prophète, législateur et stratège, souhaitait naturellement que ses amis juifs et chrétiens le suivissent, dès le début de son apostolat. Ils ne l'ont pas fait, d'une manière générale. Sa réaction, toute humaine - n'est-il pas selon le Coran même un "prophète comme les autres" et un homme mortel "comme tous les hommes" ? - fut, sinon de les convaincre et les convertir, du moins de les soumettre par la force, l'expulsion ou la guerre. Quant à la suite de l'histoire elle est connue : les forces conquérantes de l'islam s'étendront par la guerre aussi, jusqu'au cœur de l'Europe, dans les siècles du Moyen-Age et jusqu'à l'aube des temps modernes. Néanmoins le déclin s'ensuivit.

Mais voici qu'en cette fin de siècle, le réveil nationaliste semble étourdir certains peuples, du fait des richesses inespérées de leur sous-sol. Cela est bien loin de la pure doctrine monothéiste de l'Islam qui considère que les incroyants sont ceux "à gauche" et que le riche ne doit pas s'enorgueillir de sa richesse (14). Quant au peuple d'Israël, témoin de l'histoire, il a assisté à la grandeur et la décadence des empires - les colosses aux pieds d'argile - de l'Antiquité, du Moyen-Age et des Temps Modernes. Il continue sa marche contre vents et marées, fort des valeurs spirituelles bibliques qui ont soutenu ses innombrables martyrs. 

Un jour viendra où les théologiens musulmans pourront faire l'effort de redressement et de civilisation, afin d'atténuer les différences entre les trois religions abrahamiques. Il faut souhaiter que le Mahdi (Le douzième Imâm, l'Imâm caché ou le Messie à venir, dans la théologie de l'islam vienne interpréter le Coran, d'une manière nouvelle et ouvre toutes les possibilités d'entente entre les musulmans et les juifs, et entre les Etats arabes et l'Etat d'Israël.

la tâche d'un grand spirituel musulman, peut-être même celle du Mahdi lui-même, consisterait à entreprendre la réforme de l'enseignement islamique concernant les Juifs et leur terre ancestrale ressuscitée des sables du désert, afin d'apaiser les passions qui ont agité l'époque de la Prédication du Prophète et de ne retenir essentiellement que le message véritable de Mahomet, dans son aspect universaliste et dans ce qu'il reprend celui de Moïse et des Prophètes d'Israël, de Jésus et des Apôtres.

Les similitudes théologiques entre le Coran et la Bible Prouvent à quel point ces deux formes de monothéisme abrahamique proviennent de la même source religieuse sémitique qui suffirait à mettre d'accord les tenants des deux grandes religions mosaïque et mahométane. Après la griserie du réveil national des peuples arabes, il n'est pas impossible que se lève, un jour, une autorité religieuse, capable - comme le bon pape Jean XXIII l'avait fait pour le christianisme, en réunissant le Concile Vatican II - d'entreprendre les réformes nécessaires dans l'enseignement de la théologie islamique, afin que soit reconnue, par les peuples arabes et musulmans, leur dette envers le peuple d'Israël et que soit établie la fraternité religieuse entre Israël et Ismaël.

Certes, il est souhaitable qu'une paix réelle s'établisse entre les peuples qui se réclament d'Abraham, sur la base des enseignements communs, et non point sur ce qui les oppose. En effet, le Dieu biblique d'Israël comme l'Allah coranique de l'Islam est déclaré également "bon, compatissant, patient (15), clément et miséricordieux". C'est pourquoi il est du devoir des croyants de l'islam comme du judaïsme, d'imiter les attributs de Dieu et de s'estimer, de se respecter et de s'aimer les uns les autres. 

On ne répètera jamais assez que le minuscule territoire d'Israël promis aux descendants d'Abraham, d'Isaac et de Jacob avait été, pendant près de quatorze siècles, la patrie du peuple hébreu. Il est redevenu la patrie retrouvée de ce peuple qui a souffert, comme aucun autre, au cours de sa longue histoire, des injustices humaines, des lâches persécutions et des horreurs des camps de la mort, tandis les peuples d'Ismaël disposent d'immenses et de riches territoires qui symbolisent la réalisation des promesses divines au fils d'Agar et d'Abraham (Gen. 16,12 et 25,16). "Allah est juste, bon et compatissant" (S. 1,1). 

Sans doute, une lueur point à l'horizon dans l'esprit de quelques hommes d'État et intellectuels musulmans qui proclament publiquement le droit à l'existence d'Israël. Le souci de la paix du monde doit faire que cette minorité emporte progressivement l'adhésion du plus grand nombre qui se réveillera enfin à la réalité historique que constitue l'étonnant miracle contemporain : le retour dans sa patrie première et unique, d'un très ancien peuple qui a révélé le Dieu-Un au monde. L'humanité en aura fini avec ses guerres religieuses, les guérillas et le terrorisme ! Elle comprendra que les guerres ne mènent qu'à la destruction et à la mort. 
Les Prophètes d'Israël avaient annoncé le jour où ne seront plus fabriquées des armes meurtrières. Les peuples nantis qui les vendent et les distribuent à profusion, offriront, au contraire plus de pain et de lait, aux peuples pauvres et sous-développés. Au nom même de la Torah, de l'Evangile et du Coran, les croyants juifs, chrétiens et musulmans pourraient être les premiers à déclarer la trêve de toute guerre fratricide et tracer le programme de reconstruction et de réhabilitation de l'homme. 

Certes, il faut se connaître pour s'aimer et se respecter. Il importe que les adeptes de l'islam dont le livre révélé a puisé abondamment dans la Bible et les enseignements rabbiniques, se réconcilient avec Israël et le judaïsme. D'ailleurs, il ressort de nombreuses sourates (S.2, 130 ; S.3, 57 ; S.4, 124 ; S.22, 41) que Mahomet lui-même croyait qu'il ne fallait point distinguer essentiellement entre judaïsme, christianisme et islam dont il souligne l'universalité depuis Abraham. Ce qui a fait dire à Si Boubakeur, que le dialogue est nécessaire entre les trois religions. C'est un fait d'importance que Mahomet convertit au Dieu Unique d'Abraham et aux prescriptions essentielles de la Torah, de très nombreuses peuplades païennes, en leur interdisant le meurtre d'enfants, en insistant sur les devoirs de charité, du jeûne et de la prière, et en mettant en garde les riches, orgueilleux de leurs richesses, au nom du Créateur de l'Univers et de l'Homme. En outre, le peuple juif est appelé souvent dans le Coran, Enfants d'Israël, Peuple du Livre. Elus de Dieu, qui ont reçu l'Alliance du Seigneur.

Rappelons enfin que le Prophète Mahomet avait eu à leur égard deux attitudes qui rappellent beaucoup celles des Prophètes d'Israël et celles des rédacteurs du Nouveau Testament : la première, une attitude très positive qui reconnaît la révélation de Dieu accordée aux Enfants d'Israël et les miracles qu'il a accomplis en leur faveur depuis l'Egypte, le passage de la Mer Rouge et la vie dans le Désert, la promulgation de la Loi au Sinaï et l'entrée dans la Terre Promise à son peuple Israël (cf. S.21, 71 et 81 ; S.7, 133 et 161 ; S.10, 93 ; S.2, 44 et 116 ; S.7, 161 et S.17, 106). En ce qui concerne la Ville de David où furent écrits les Psaumes et le Cantique des Cantiques, il faut rappeler que jamais n'est mentionné dans le Coran le nom de Jérusalem, ni dans sa forme hébraïque "Yérushalayim", ni dans sa forme arabe "Al-Qûds", ("La Sainte"): comme jamais il n'a été dit que Jérusalem et la Terre Sainte fussent promises aux Musulmans. Par contre, il y est question de la Cité bénie destinée aux Enfants d'Israël (S.7, 161 et S.2, 55).

La seconde attitude de Mahomet avait été négative, en ce qui rappelait les péchés d'Israël, dans le Désert et dans la Terre Promise où, bien souvent ils avaient été incrédules envers les prophètes. Mahomet reprend à son compte plusieurs expressions bibliques, pour dénoncer ceux des Juifs de Médine qui ont le "cœur incirconcis" ou ont transgressé les commandements de la Loi. En outre, comme les juifs d'Arabie, dans leur ensemble, ont refusé de suivre le Prophète dans sa nouvelle religion, Mahomet les fustige et appelle sur eux la malédiction - manifestation de colère en Orient - sur les juifs de Médine, notamment. Cependant, nul n'a le droit de généraliser (16) ces malédictions ou de les étendre à tout le peuple juif qui vivait très loin, hors d'Arabie. L'ensemble des juifs n'avaient pas connu le nom de Mahomet, ni celui de La Mecque, "la mère des Cités" (S.6, 92), la Ville Sainte par excellence de l'islam, qui "dépasse en sainteté toutes le villes du monde", même la ville de Médine ou cependant le Prophète mourut et fut enterré. 

Néanmoins, si la Prédication de Mahomet ne comporte aucune malédiction des Enfants d'Israël, dans leur totalité, c'est que le Prophète avait trouvé parmi les juifs, l'authentique message religieux transmis par Dieu. Son souci constant fut de ressembler à Moïse qui représentait pour lui - comme pour les juifs - le Prophète incomparable et le Législateur d'une "doctrine lumineuse supérieure, destinée à tous les hommes", et qui était "monté au Ciel, visitant l'Enfer et le Paradis", cf. S.17 (17).

C'est dans l'esprit universaliste de S.2, 130, S.3, 57, S.13, 38-39 et S.22, 35 et 41, que nous terminerons cet article. Nous souhaitons ardemment que vienne le jour où les théologiens musulmans entreprendront l'étude et l'approfondissement du judaïsme tout comme les théologiens chrétiens de cette fin de siècle se sont adonnés aux études juives et hébraïques et où les théologiens juifs - comme l'avaient fait déjà au Moyen-Age Maïmonide et Juda Hallévi - étudieront également le Coran et l'islam. Alors, chrétiens et musulmans se tendront fraternellement la main, sous le signe d'Abraham et construiront ensemble un monde de paix, de justice et d'amour, dans lequel Dieu Seul sera Roi (Zac. 14,9), à partir de cette région du monde - berceau de la civilisation judéo-islamo-chrétienne - et pour la paix entre tous les hommes. "N'avons-nous pas tous un seul Père, n'est-ce pas qu'un seul Dieu nous a créés ?" (Mal. II, 10).

En vérité, les trois religions révélées doivent leur force à la conviction de leurs fidèles, à leur foi dans le Dieu Unique et dans les valeurs morales et spirituelles qu'ils partagent depuis de longues générations. Or, du point de vue de la morale et de la spiritualité la plus dépouillée, seul un effort de purification de la part des chefs des croyants des trois religions et de leurs institutions, pourra faire progresser l'humanité dans la voie divine et universelle de la vérité, de la fraternité et de la justice.

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Notes

(1)   - Luther usera d'un procédé semblable, au XVIe siècle, pour convertir les Juifs.
(2)   - Cf. Sourate XVIII, 26 : "le verbe d'Allah ne peut être modifié" et Sourate 11, 80 : "Allah ne viole jamais sa promesse", cf. Romains XI, 29 : "Les dons et l'appel de Dieu sont sans repentance". 
(3)   - Il est vrai que, dans le Coran, sont inclus plusieurs récits et lois bibliques. Cependant, on n'y trouve aucun Psaume complet, bien qu'il soit fait allusion au Psautier de David (Zubur). Il serait intéressant d'examiner les causes et les conséquences psychologiques et théologiques de l'absence du Psautier dans la liturgie musulmane, tandis que, chez les juifs et les chrétiens, les Psaumes constituent le livre de prière par excellence.
(4)   - Judaïsm in Islam, N.-Y. 1954, et édition hébraïque, Jérusalem, 1957
(5)   - Les Samaritains avaient prétendu que les Juifs avaient falsifié la Torah (à propos de l'autel du Mont Guerizim). Mahomet aurait-il suivi cette opinion, en la généralisant, pour les besoins de sa cause ?
(6)   - Par contre, on a découvert récemment sur les colonnes d'une mosquée du Yémen, des inscriptions hébraïques reproduisant la liste des vingt-quatre familles de prêtres qui assuraient leur tour de garde au (premier ou second) Temple de Jérusalem...
(7)   - Boubakeur, Coran vol. 1, p. 655 : "Moïse est l'interlocuteur de Dieu Dialogue exceptionnel alors que tous les prophètes, Jésus et Mahomet compris ne sont que des anges intermédiaires qui ont besoin de signes et de songes" (Edit. Maisonneuve et Larose, paris, 1966).
(8)   - Boubakeur, tome 2 p. 998 (Sourate 42 : Mohammed) fait cette curieuse remarque relative aux rapports christlano-musulmans : "L'intelligentsia chrétienne nourrit le secret désir d'une "dissolution " de l'islam dans un christianisme rénové et à la portée du musulman.
Ce souhait ne tient nullement compte du fait que l'islam est plus que jamais conscient de sa force, de la solidarité de son rayonnement grandissant et qu'il souhaite, au contraire, la dissolution d'un christianisme dépassé, dans un islam mieux compris des chrétiens et qui, à l'heure actuelle, apparaît indéniablement comme la seule force au monde qui s'oppose victorieusement à l'athéisme et au matérialisme".
(9)   - Par ailleurs, ce même auteur, dans l'introduction aux Prolégomènes (K, 17) signale l'erreur des commentateurs sur S.89, 7. Il se moquera des pseudo-historiens arabes-bédouins pour se féliciter des vrais savants musulmans non-arabes.
(10)  - Ainsi, par exemple, jusqu'au mai 1948, les juifs de Jérusalem ne pouvaient ni visiter les mosquées (du Roc et Al-Aksa), du mont du Temple, ni celle qui abrite les tombeaux des Patriarches à Hébron (alors que, selon la définition coranique, les juifs ne sont pas "infidèles"), mais encore ils risquaient de payer de leur vie toute tentative d'y accéder. Il y eut de nombreux cas de juifs massacrés, parce qu'ils s'étaient trouvés involontairement tout près de ces mosquées, avant que Jérusalem ne fût unifiée en Juin 1967. Aujourd'hui encore, les juifs ne sont pas autorisés à se rendre à La Mecque pour visiter la mosquée sacrée de la Ka'ba. Les grands de ce monde oublieraient-ils qu'ils sont tous frères et qu'ils sont mortels ?
(11)  - En Syrie-Palestine il n'y en avait que quelques milliers, comme en Arabie et au Yémen.
(12)  - Robert Brunschvig (Etudes d'Islamologie Paris 1976, tome I, pp. 263-279) consacre un chapitre intéressant sur la polémique d'Al Bâquillani (Bagdad, XIe siècle) contre le Judaïsme. Le célèbre théologien oriental expose ses vues sur l'"information" et la "tradition" dans l'Islam et "se plaît à opposer la valeur inattaquable des sources musulmanes annonçant qu'il n'y aurait plus de prophète après Mohamet".
Au sujet de l'abrogation de certains versets par d'autres versets (S. II, 100), la discussion était vive entre musulmans et Juifs. Pour ces derniers, selon Robert Brunschvig, "la Loi divine ne peut être abrogée, Mahomet n'est pas un prophète et le Coran n'est pas un livre révélé".
(13)  - Cf. S. VII 162. Cela a conduit le prophète à affirmer la possibilité d'abrogation de versets par Allah qui est l'abrogeant omnipotent (cf S. II 100) . Dans S. XVI, 103, les infidèles disent néanmoins au Prophète : "Tu n'es qu'un faussaire".
(14)  - S.34, 34 et S. 57, 19.
(15)  - Cf. Ecclésiastique, V, 4.
(16)  - Cf. S.98, 1, 6, où le Prophète lui-même distingue, parmi les Juifs, les bons des méchants.
(17)  - et les livres apocryphes : Jubilée, Enoch, Ascension de Moïse, etc.

Les Nouveaux Cahiers
n° 57 - Été 1979

 

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Dieu 'n'est pas un homme pour mentir" alors s'il y a des textes falsifiés il est en mesure de s'occuper de tout cela ! largement !

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