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Tunisie : Ennahdha et le scénario d'un coup d'Etat «légal» Par Salah Oueslati

 

Tunisie : Ennahdha et le scénario d'un coup d'Etat «légal» Par Salah Oueslati

 

 

Ennahdha manœuvre habilement pour mettre en place un régime théocratique. L'opposition a intérêt à mettre fin à sa naïveté et à son amateurisme et à prendre conscience des dangers qui guettent le pays avant que le piège ne se referme sur elle et surtout sur le pays.

Par Salah Oueslati*

Depuis son accession au pouvoir suite aux dernières élections, les dirigeants du parti islamiste ont excellé dans l'art de jouer la montre et dans la technique des manœuvres dilatoires pour se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible afin de disposer de suffisamment de temps pour verrouiller toutes les institutions du pays y compris l'armée.

Ce qui est déconcertant, c'est la tendance de l'opposition à commettre les mêmes erreurs et à tomber à chaque fois dans le même piège tendu par le parti au pouvoir.

Ennahdha invente la prime à l'échec

Après avoir entretenu le suspens pendant des mois sur un éventuel remaniement ministériel qui n'a jamais eu lieu, voilà les Nadhaouis qui lancent l'idée d'un gouvernement de technocrates afin de diffuser l'énorme émotion suscitée par l'assassinat de Chokri Belaïd.

Par cette manœuvre, même si on pourrait présumer que l'initiative de Hamadi Jebali était au départ sincère, les Nahdhaouis ont réussi à fabriquer un «homme d'Etat» en la personne de l'ancien Premier ministre, une perspective qui leur manquait cruellement et qui les avait amenés à défendre bec et ongle l'idée d'un système parlementaire.

Après «l'échec» de l'initiative de Jebali, Ennahdha invente la prime à l'échec et choisit comme Premier ministre Ali Lârayedh, qui, en tant que ministre de l'Intérieur, avait tout raté ou presque. Le défilé de consultations de tous les responsables des partis de l'opposition pour la composition du nouveau gouvernement, y compris les plus honnis par les islamistes comme Kamel Morjane, l'ex-ministre des Affaires étrangères de Ben Ali et actuel leader d'Al-Moubadara (L'Initiative), sciemment étalé sur toute la semaine et diffusé par toutes les chaînes de télévision, n'est rien d'autre qu'une nouvelle manœuvre grossière pour remodeler l'image du nouveau Premier ministre et le montrer sous les habits neufs d'un homme de dialogue et d'ouverture.

Le plus étonnant est que le parti islamiste sort renforcé après chaque crise, comme si ce parti bénéficie du concours d'experts chevronnés qui excellent dans l'art de la manipulation ou qu'il est aidé dans cette entreprise par certains cadres de l'ancien régime rompus aux techniques les plus sophistiquées de la communication et de la diversion dans un deal gagnant/gagnant: impunité contre service rendu.

Cependant, Ennahdha dispose de plus d'un tour dans son sac pour prolonger sa mainmise sur le pouvoir en toute «légalité». Il serait surprenant que le parti islamiste s'en prive, mettant en avant, comme il se doit, le respect de la «légalité» et de la «volonté du peuple».

L'éternel retour à la case Ennahdha

Après avoir tiré sur la corde de la prolongation de son règne jusqu'à l'épuisement, la dernière manœuvre des Nahdhaouis consisterait à rédiger, avec le concours de leurs alliés de la Troïka, une constitution qui n'aura aucune chance de rassembler les deux tiers requis pour son adoption. Un moyen pour Ennahdha, comme il est prévu par la loi, de la soumettre à un référendum. Or pour organiser une telle consultation populaire, il faut compter au moins six mois de préparation. Dans une telle perspective, les Nahdhaouis n'hésiteront pas à ressortir le clivage cher à leur chef: musulmans d'un côté, et mécréants ou athées, de l'autre. Si le référendum est tout de même rejeté par une majorité des électeurs tunisiens, ce sera pour l'opposition une victoire à la Pyrrhus, car le scénario le plus rose pourrait avoir les conséquences les plus sombres pour le pays. Une telle victoire impliquera en effet un retour à la case départ. Combien de temps faudra t-il alors pour rédiger une nouvelle constitution? Je vous laisse le soin d'imaginer la suite.

Dans l'hypothèse où une majorité de Tunisiens votent pour la constitution nahdhaouie, celle-ci constituera alors une camisole de force légale empêchant toute nouvelle majorité issue l'opposition actuelle de mettre en place son programme.

Enfin, si dans la foulée de leur succès dans la campagne référendaire, les Nahdhaouis parviennent à obtenir la majorité, ce sera alors la porte ouverte à un régime théocratique qui prolongera le pays dans l'obscurantisme et la régression, en toute «légalité».

Les scénarios décrits plus haut sont loin d'être des hypothèses d'école. L'opposition a intérêt à mettre fin à sa naïveté et à son amateurisme et à prendre conscience des dangers qui guettent le pays avant que le piège ne se referme sur elle et surtout sur le pays.

* Universitaire.

Tunisie : Ennahdha et le scénario d'un coup d'Etat «légal»

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