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UN DIMANCHE D’ETE A LA GOULETTE……..AOUT …60. par Albert Simeoni

UN DIMANCHE D’ETE A LA GOULETTE……..AOUT …60.

Les hirondelles n’ont point attendu ce mois pour s’installer dans leur précédente demeure.

Les bougainvilliers avaient déjà prévu d’étoffer leurs habits verts dans les jardins privés bien avant ce mois et l’air sans rater son rendez vous s’est paré d’autres senteurs. Tout ce qui était caché sous le sol, sous le sable se retrouve à la fête bien loin de l’humidité de la saison froide et pluvieuse. L’hiver chez nous n’a point de neige mais des averses et des vents venus de la mer, comme des pirates, semant de partout ce sable gris blancs qui obligeaient nos mamans à couvrir les interstices des seuils de nos portes d’entrées afin qu’il ne pénètre pas nos chambres.

Lorsque la mer devenait rageuse, elle débordait parfois sur notre avenue et lorsque la pluie devenait torrent, nos égouts débordaient et bonjour les inondations.

Avec l’arrivée du printemps et de l’été, chers à nos yeux, tout devient calme, beau et serein et le soleil s’est mué en un astre bienveillant, réchauffant nos cœurs et nos esprits.

Nous avions bien quatre saisons bien distinctes à la Goulette et chacune d’elle laissait son empreinte.

L’été la Goulette se transformait en une immense citée de vacances et cet apport nous le devons à nos amis tunisois qui ont comprit que, passer un trimestre à la Goulette, c’est assurément vivre cette période dans la joie et le bonheur.

Tout comme les hirondelles, certaines familles juives de Tunis retrouvaient leur ancienne maison de l’été passé soit face mer soit au centre ville. Mais toutes étaient logées à la meilleur enseigne.

Lorsqu’ arrive le Dimanche, toutes les rues sont calmes au petit matin. Seuls les chants des chardonnerets, des pinsons ou les cui cui des moineaux chantaient en concert aux aubes merveilleuses d’une ville empreinte de sérénité.

Que l’on fût de la Goulette Casino, de Goulette neuve ou de la Piccolla Chichilia, le programme restait immuable.

Le marché, bien matinale, était prêt à recevoir ses premiers clients et les boutiques relevaient leurs rideaux vers les 10 heures du mat.

Les marchands de beignets étaient déjà à pied d’œuvre. Les amoureux de ces pates rondes faisaient la queue pour emporter ce kif chez eux tandis que d’autres l’appréciaient sur le toit de leur voiture accompagné souvent de figues ( karmous verts ou violets).

Les beignets au miel étaient aussi très coté tandis que les adorateurs du DRÔÔ ( sorgo) s’affichaient chez le fameux NAIM qui tenait boutique à qqs encablures du CASINO . Certains avec leur grande casserole à emporter, d’autre consommant sur place en y rajoutant un tas d’ingrédients, halwé, harissa el louz, sucre glace et j’en passe.

Les maraichers ambulants sillonnaient les rues et proposaient leurs pastèques ‘bel mouss’ au couteau) c'est-à-dire au gout. Ils incisaient la pastèque et ils vous faisaient gouter un petit cône, un morceau afin de prouver que celle là est bien sucrée et surtout bien rouge. Le melon échappait à cette cicatrice. Chez les autres maraichers, les boutiques, les tranches de pastèques s’exposaient sur une table mise devant leur étal. Et tout un chacun pouvait se rafraichir sur place.

Les marchands de HINDIS (figues de barbaries) sillonnaient les rues tout en hurlant ce HARA BDOUROU. Les quatre à cinq millimes. Ils avaient soit des charrettes, soit alors des brouettes de maçon. Il suffisait de leur laisser le plat pour qu’il soit rempli par la quantité demandée. La consommation sur place était comptée selon le nombre d’épluchures.

Le marché du poisson était prit d’assaut et les harangues pleuvaient drues sur la qualité du poisson frais.

Les boucheries n’étaient pas en reste et chaque famille avait ses habitudes chez tel ou tel coupeur de viande.

A 15 ans, j’étais celui qui, pied nus et en short, était déjà dans l’eau avec qqs amis à pêcher au mouchoir la guimbre alors que d’autres posaient la bouteille fumée ou blanche, au fond troué, remplie de mie de pain pour piéger le petit mulet. D’autres armés d’un pic dénichaient les pieuvres dont l’habitat naturel consistait en une boite de fer. Et c’est parmi les barrières de protection faites de ceps de vigne qui se prolongeaient jusqu’à 50 métrés de distance du rivage, que les ‘piqueurs de pieuvres et de sèches, tiraient leur butin.

Les plus téméraires d’entre nous se transformaient en sous mariniers pour tirer la grosse dorade, le mérou etc avec leur harpon. Les plus hardis allaient pécher aux blocs, là où passaient les paquebots en partance pour Marseille.

La pêche était une grande passion pour les jeunes goulettois qui se flattaient d’être les meilleurs au monde. Parmi mes amis, ces habitués de la pêche préparaient les amorces depuis la veille. Les ‘trimoulignas’( vers de terre) étaient mis dans des feuilles de vignes mouillées et placées dans un endroit humide. D’autres préféraient les TOUBOUS ( ces vers assez épais) qu’ils dénichaient au bord de la mer car ces derniers étaient invisibles à l’œil nu.

Seuls les connaisseurs savaient les repérer et lorsqu’ils tombaient sur ce fameux trou, l’habitat naturel du toubou, nos chasseurs posaient qqs grains de sel sur l’orifice du trou afin de faire remonter à la surface du sable la tête de l’intrus et à ce moment là, nos fins limiers plongeaient leur truelle profondément afin de couper la fuite du gros vers et ainsi trancher son corps mou.

Un dimanche à la Goulette, c’est les apéros dans les brasseries. C’est les séances matinales du cinéma Rex. C’est la messe dans le quartier italien. C’est les promenades sur les avenues, les communions des jeunes vierges italiennes, le café prit au Café VERT sous un parasol, c’est le pick-fot chez BEN GACEM, c’est la préparation des tables et des chaises pour les restaurateurs, c’est Antoine qui donne rendez vous aux blocs à sa jeune Marie. Ceux sont les plages envahies et les épluchures de pastèques et de melons qui jonchent le sable après la levée du camp. C’est aussi Deidou qui s’en va au paradis, c’est Nathalie qui née, c’est la bande qui joue au foot sur la plage, c’est celui là qui se fait embrocher par un train, c’est la fête sur les terrasses c’est LA GOULETTE EN COULEUR. Cette Goulette qui a tant marqué les esprits 70 ans après, et que j’en parle.

Plus tard, c’est Guilou Krief qui sort sa planche à voile, le corps bien bronzé et la démarche assurée.

Sur mon balcon de Maisons Alfort, le rideau vient de tomber alors que les cloches de l’église viennent de se taire. Au loin.  

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