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Vœux de l’an de la Ména 2013

 

Vœux de l’an de la Ména 2013 (1ère de 3 parties) (info # 010101/13)

© Metula News Agency

Stéphane Juffa (analyste stratégique, rédacteur en chef) :

 

La carte politique du Moyen-Orient, qui était stable depuis des décennies, a brutalement mué. Les deux voisins traditionnellement les plus menaçants pour la sécurité d’Israël, l’Egypte et la Syrie, ont changé de configuration ; au revoir les Hosni Moubarak et les Béchar al Assad. On les connaissait bien, on avait pris la mesure de leurs armées et de leurs services de renseignement et on y possédait des interlocuteurs de confiance.

 

Bonjour Morsi, les Frères Musulmans en Egypte, mais également en Syrie et à Gaza, car n’oublions jamais que le Hamas est une émulation directe des Frères égyptiens.

 

Actuellement, la menace représentée par les armées égyptienne et syrienne, la plus grande qui pesait sur l’Etat hébreu depuis sa renaissance, a momentanément disparu ; le Printemps de la place Tahrir et la Guerre civile à Damas ont pratiquement gommé le potentiel offensif de ces armées.

 

Reste que la situation est devenue instable : l’adversaire principal de Jérusalem se trouve désormais à Téhéran, et il œuvre de toute sa capacité afin de pouvoir, par ses supplétifs interposés du Hezb et du Hamas, ouvrir un second et un troisième front en cas d’intervention de Tsahal contre ses installations nucléaires.

 

Sans omettre que l’avenir des relations entre Israël et la République Islamique d’Egypte et la rébellion islamique de Syrie est incertain. Les imposants arsenaux entreposés dans ces contrées pourraient rapidement tomber entre les mains des djihadistes et être à nouveau orientés vers la Terre Sainte.

 

Un monumental travail de réévaluation est en cours au sein du renseignement hébreu. C’est évidemment nécessaire mais c’est insuffisant. Il faudrait que l’exécutif israélien intègre également ces modifications géopolitiques et se décide à faire donner sa diplomatie de surface.

 

Il faut qu’Israël cesse de se comporter comme un simple réduit militaire et saisisse la différence existant entre une situation de non-guerre, une situation de tension et un conflit déclaré. Son talon d’Achille est de ne pas le comprendre.

 

Israël se montre incapable de se comporter comme la puissance régionale qu’elle est. Incompétente à exploiter sa stabilité et sa puissance économique.

 

Je ne parle pas d’une option mais d’une nécessité vitale. Jérusalem ne peut plus se limiter à ne donner son avis que sur des questions sécuritaires, et afin de menacer ses adversaires de représailles au cas où il leur viendrait la mauvaise idée de se mesurer à elle.

 

Il est temps qu’Israël parle à tout le monde, et, principalement, à ses ennemis. Le fait que certains d’entre eux professent leur volonté d’anéantir l’"entité sioniste" ne constitue pas un obstacle, mais le signe qu’un dialogue audible et public est essentiel.

 

Les dirigeants israéliens peinent à saisir que parler, émettre des avis, tisser des liens perceptibles, ne signifie pas faire des concessions ni affaiblir ses positions. On n’est pas plus fort lorsque l’on ne communique pas directement avec ses ennemis.

 

C’est en observant que les échanges officiels entre l’Etat hébreu et ses voisins arabes se limitent à des processus de négociation, que l’on réalise qu’Israël ne possède pas de diplomatie. Car le rôle des Affaires Etrangères ne consiste pas à négocier des armistices ou des accords de paix, mais à jeter des ponts sur les rivières tourbillonnantes au demeurant infranchissables.

 

Et qu’on ne vienne pas nous dire que personne, parmi nos voisins, n’est intéressé par un dialogue, car c’est objectivement inexact. En Syrie, au Liban, en Egypte, et, bien sûr, en Cisjordanie, beaucoup de gens influents sont prêts à envisager une coexistence pacifique avec l’entité israélienne. C’est même très officiellement le cas de la Ligue arabe.

 

Les relations de voisinage ne sont pas limitées à la paix ou la guerre. Las, on ne peut que déplorer que, sous l’influence des edennistes, des populistes et des extrême-droitistes, au lieu de lever la tête et d’ouvrir les yeux sur la réalité, et chercher à l’exploiter, l’exécutif se recroqueville sur lui-même.

 

Comme avait coutume de le dire feu mon ami et mon maître Benny Peled, il serait temps que nos dirigeants cessent de raisonner tels des responsables de ghetto et qu’ils réalisent qu’ils sont à la tête d’un Etat. Nous n’en prenons pas le chemin, et c’est ainsi qu’ils mettent en péril la pérennité de notre souveraineté. Toutes les lignes Maginot, sans exception, ont fini par sauter. Les stratégies gagnantes, elles, sont mobiles et élastiques.

 

Merci à notre lectorat, probablement l’un des plus fins de l’environnement médiatique, merci à mes camarades pour leur passion pour la réflexion et l’information, ainsi que pour le gros travail qu’ils fournissent. Ne manquez pas de soutenir la Ména de toutes vos forces, car elle est votre meilleure assurance accident. Je vous souhaite à tous une année 2013 de qualité, de santé et de paix. Et n’oubliez pas d’aimer, c’est la seule bonne raison d’endurer toutes les servitudes.

 

Sébastien Castellion (analyste politique, expert en économie) :

 

L'année 2012 a été celle de toutes les désillusions et d'une victoire apparemment complète du cynisme.

Dans le monde arabe, des révolutions commencées sous les applaudissements des amis de la liberté ont, plus rapidement encore que nous ne l'avions prévu, trouvé leur aboutissement naturel dans le bruit des bottes, le silence des voiles et les calculs sordides des diplomates.

Aux Etats-Unis, un président porté quatre ans plus tôt par l'espoir d'une grande réconciliation historique a retrouvé son poste dans la morosité générale, avec un score et une participation réduits, emportant une courte victoire après une campagne de calomnies et d'appels à la haine.

L'Europe a cessé pour de bon de se présenter comme un modèle de civilisation ; elle n'est plus que l'instance de concertation et de gestion d'une crise sans fin. En France, une gauche qui rêvait naguère d'un monde plus juste n'a plus d'autre programme que de se distribuer les places et de maintenir un petit souffle de passion populaire en appelant à la haine des riches.

Moi qui ai si souvent regretté l'aveuglement des idéalismes, je me prends, devant cette terre brûlée des rêves politiques, à souhaiter qu'un peu d'idéal revienne trouver sa place dans l'action des gouvernements et les aspirations des peuples. Puisse 2013 être l'année où les valeurs retrouveront leur place. Et surtout, qu'elle soit pour tous nos lecteurs une année de bonheur et de paix.

 

Michaël Béhé à Beyrouth (analyste politique, chef du bureau libanais de la Ména) :

 

Le Liban, en cette fin 2012, est l’antichambre de la Guerre Civile syrienne. Tout ce qui se passe chez nous est à la fois lié à ce qui se déroule chez nos voisins, et à la préparation de l’extension du conflit à notre territoire.

 

Accrochages quotidiens sur la frontière orientale, affrontements armés entre les deux camps dans le Nord, afflux de milliers de réfugiés – palestiniens pour la plupart -, retranchement de la milice du Hezbollah, constituent notre horizon coutumier.

 

Pas tout à fait, puisque les dirigeants des deux bords, sunnite, chrétien et druze, d’une part, chiite et aouniste, de l’autre, notamment à la tête de l’Etat, de l’Armée, dans le cabinet et parmi les députés, tentent de persuader le public que tout est normal et que ce qui se déroule chez nos voisins ne nous concerne pas.

 

A part la tension omniprésente et les zones d’exclusion dans lesquelles on croise – lorsqu’on peut y jeter un œil – des Iraniens en uniforme, on pourrait même se laisser convaincre. Sauf que le pays n’est pas gouverné – la chose publique y est laissée à l’abandon -, qu’il existe plus de non-dits que d’informations, et qu’il ne fait pas bon sortir de Beyrouth, surtout si on tente de se rapprocher de n’importe quelle frontière.

 

Dernièrement, les dépôts d’armes du Hezb face à Israël sautent les uns après les autres, et on tente de nous faire avaler que ce serait l’œuvre du Saint-Esprit ou d’anciennes munitions de Tsahal de 2006, non-explosées.

 

Le Hezb s’apprête à livrer bataille sur deux fronts : contre Israël, en cas d’attaque des Hébreux, ce printemps, contre la République Islamique, et contre tous les autres Libanais, dès que Béchar aura été renversé. Il est désormais nettement sur la défensive.

 

Les liens discrets, entre le courant du 14 mars, l’Armée, les Forces de Sécurité Intérieure, des officiers à la retraite et Israël n’ont jamais été aussi abondants. Nombre de Libanais sont persuadés que nous aurons probablement besoin, dans peu de temps, d’un coup de pouce de nos voisins du Sud afin de redevenir maîtres chez nous.

 

Et vive la Ména ! J’atteste qu’au moins cinq mille de mes compatriotes nous lisent tous les jours. Les intellos, certes, les journalistes, qui en parlent beaucoup, mais aussi les chefs de tous les clans.

 

Sylvie Tobelem en Israël (1ère assistante de rédaction) :

 

Fin 2012, les sirènes sont venues nous rappeler que les habitants du centre vivent aussi au Proche-Orient, et que la guerre ne concerne pas uniquement Métula et Ashdod.

 

Rappel salvateur, puisqu’il n’a pas fait de victimes, car nous avions réellement tendance à oublier où nous nous trouvons.

 

On parle trop de guerre et pas assez de bien-être de la population à mon goût. Sommes-nous en voie de devenir un Etat dogmatique qui sacrifie le plaisir individuel de ses citoyens ? Certains signes le donnent à penser, comme la fusion du Likoud et du parti de Liebermann, ainsi que l’enracinement des edennistes dans la coalition en lieu et place des centristes pragmatiques.

 

Sans compter la majorité des travailleurs de ce pays, qui ont du mal à joindre les deux bouts et dont les préoccupations ne trouvent pas leur place dans le débat électoral.

 

Sensation désagréable, pour résumer mon sentiment, au moment de changer d’année civile. Merci à tous les lecteurs pour leur fidélité, et à mes camarades pour le boulot extraordinaire qu’ils abattent. Vous êtes top, je n’aimerais pas être ailleurs qu’avec vous.

 

 

Sébastien Machiels à Bruxelles (correspondant-reporter-journaliste) :

 

Je vous souhaite à tous une bonne et heureuse année civile. J’espère très sincèrement que l’année 2013 vous sera plus douce et surtout plus légère que l’année écoulée, qui fut riche en tragédies ; je pense notamment au massacre de Toulouse et aux fusillades aux Etats-Unis.

En Belgique, 2012 se termine dans la polémique avec un discours controversé du Roi, qui dénonce la montée des indépendantistes du nord du pays.

Plus largement, la montée des extrémismes de tous poils se généralise dans toute l’Europe, ce qui n’est pas très rassurant pour notre communauté. Mais 2012 a vu naître une collaboration plus intense entre la Ména et Radio Judaïca, avec de nouvelles correspondances régulières et quotidiennes. Je profite de cette tribune qui m’est offerte pour saluer le travail et le professionnalisme de Sandra Ores et Marine Journo.

Pour ma part, j’espère que l’année qui se profile sera bénéfique et encore plus productive pour tous les lecteurs et les amis de la Ména.

 

Patricia La Mosca à Paris (journaliste généraliste, enquêtrice, chroniqueuse juridique) :

 

Si je ne me suis pas beaucoup exprimée en 2012, c’est parce que j’engrange expériences et informations et que je travaille abondamment, mais dans l’ombre.

 

J’ai passé cet automne trois semaines non-stop, immergée dans l’une des banlieues les plus violentes de l’Hexagone. En fait, une zone de non-droit quasi-absolu dans laquelle, durant mon séjour, je n’ai pas aperçu l’ombre de la présence d’un représentant de l’Etat français.

 

Je vous entretiendrai de cette jungle à forte coloration islamiste, ouvertement antisémite et antifrançaise, dans laquelle se trouvent stockées des armes de guerre en quantité et qui vit grâce au commerce de la drogue.

 

J’ai rencontré des chefs, mi-visionnaires mi-truands, qui règnent en imposant la terreur dans leur région, par l’entremise de dizaines d’hommes de main et de centaines de « collaborateurs occasionnels ».

 

Là où j’ai vécu, Mohamed Merah est un héros, et celui qui lui conteste ce statut risque sa peau.

 

Et si je tarde à publier des articles sur mon expérience, c’est que j’entretiens, pour le moment, des contacts réguliers avec ce monde parallèle – je crois qu’il faille plutôt parler d’Etat dans l’Etat -, et que j’attends encore de voir certaines choses qu’on a promis de me montrer avant de repasser de l’autre côté du miroir. Dans pas longtemps, car cette expérience est nerveusement usante. Mais je pense à la famille de la Ména depuis Gaza-sur-Seine et je sais que nous sommes seuls à faire ce que nous faisons ; c’est là que je puise mon énergie.

 

 

Fayçal H. à Amman (informateur-relais) :

 

Le royaume hachémite est plus déstabilisé qu’il n’y paraît par les Printemps arabes et la Guerre Civile syrienne.

 

Nos services ont publié une mise en garde : les éléments djihadistes parmi les insurgés sont en train de prendre le contrôle de la rébellion. Ils poussent à attaquer des agglomérations chrétiennes qui étaient parvenues à conserver un semblant de neutralité jusqu’à présent.

 

Au cas où les djihadistes prendraient les rênes à Damas, la région et notre monarchie sombreraient dans le chaos en l’espace de quelques mois.

 

Derrière le Golan s’établirait un nouveau Gaza ; mais avec des missiles chimiques, des avions, des chars et un demi-million de soldats.

 

Ne nous réjouissons pas trop vite, nous allons tous longtemps regretter ces crapules d’al Assad.

 

Merci à la Ména d’être intelligente et totalement transparente.

 

Jean-Pierre Lledo (cinéaste-écrivain) :

 

La tradition des vœux, s'inspirant sans doute du messianisme, nous invite généralement à un peu d'espoir, sinon d'optimisme. Mais l'espoir infondé conduit à la dépression ou à la démission. Plutôt qu'un vœu pieux, j'aimerais dire en quelques mots ce qui me parait déterminant pour que le Moyen-Orient, origine des principales guerres au cours de ces dernières décennies, et théâtre de récents bouleversements, puisse lui aussi devenir pacifique et prospère.

 

Avant tout et plus que jamais, la défense de la LIBERTE, toutes les libertés. Les mouvements dits ''révolutionnaires'' ne la pratiquent pas, ils préparent au contraire le totalitarisme et le malheur du peuple.

 

Ensuite, le Moyen-Orient, terre d'ancrage du premier monothéisme d'où surgirent les deux suivants, ne pourra redevenir une terre de paix que lorsque sera admis, par les chrétiens comme par les musulmans, que, conséquence de leur histoire singulière, les Juifs ont une entière légitimité à un Etat souverain, le seul Etat juif de par le monde, Israël.

 

Sans ce préalable, je reste persuadé que toutes les ''négociations'', quelles que soient leurs formes et leurs lieux, ne seront que des préludes à de nouvelles guerres.

Quand donc le monde musulman, principal concerné, sera-t-il capable de cette révolution ''copernicienne'' ?

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