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Arraisonnement d’armes iraniennes en pleine mer, malaise pour une société française

 

Arraisonnement d’armes iraniennes en pleine mer, malaise pour une société française (info # 031603/11) [Exclusivité]

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

 

Mardi matin, à 9h20, heure d’Israël, 8h20 à Paris, des commandos de la marine israélienne ont intercepté le porte-conteneurs Victoria, alors qu’il croisait bien en dehors des eaux territoriales de l’Etat hébreu, à environ 320 kilomètres en face de Haïfa.

 

L’équipage du Victoria et son capitaine roumain n’ont opposé aucune résistance à la requête du chef du commando. Celui-ci l’avait interpellé par radio lui annonçant son intention de l’arraisonner pour la raison qu’il soupçonnait qu’il se livrait à un trafic d’armes.

 

Les soldats israéliens, visiblement très bien renseignés, ne mirent que quelques minutes, parmi les centaines de conteneurs, pour trouver quelques-uns de ceux qui renfermaient des armes et des munitions.

 

Lors d’un échantillonnage effectué par les militaires, ceux-ci découvrirent une quantité d’obus de mortiers de 60 et 100 millimètres, mais surtout, ce qu’ils cherchaient probablement plus que tout autre chose, à savoir des missiles sol-mer de conception chinoise de type C704-C705.

 

La particularité de ce missile, qui, lors de la guerre du Liban, en 2006, avait été tiré depuis le pays aux Cèdres contre un navire au large, tuant quatre marins israéliens, réside dans sa grande sophistication et sa capacité de couvrir des distances importantes.

 

Ces missiles, de même que tous les armements et munitions vérifiés en haute mer, sont intégralement de fabrication iranienne ; la China Aviation Industry Corporation ayant inauguré, il y a juste un peu plus d’un an, une fabrique en Perse pour la confection sous licence des C704-5, que la "République" Islamique a rebaptisés "Nasser".

 

Cette famille de missiles possède, en outre, un radar de nez embarqué, lui permettant de se diriger de manière autonome sur sa cible. Bien évidemment, une évaluation précise des qualités de ces missiles sera effectuée une fois qu’ils auront été débarqués en Israël. Reste, qu’à l’état-major de Tsahal, on considère déjà que ces armes "brisent l’équilibre" des forces prévalant actuellement entre l’armée israélienne et le Hamas. La version du C704-5 transportée par le Victoria pourrait, selon les estimations occidentales, atteindre des cibles distantes de 170 kilomètres et plus.

 

S’ils avaient atteint Gaza, les C704-5 auraient pu permettre aux miliciens islamistes de chercher à atteindre non seulement des vedettes militaires, mais également des navires marchands hébreux, ainsi que les stations de forage de gaz naturel ; c’est à ces titres que le missile de conception chinoise représente un danger stratégique pour Israël.

 

A l’heure où nous écrivons ces lignes, le Victoria est escorté sous bonne garde en direction du port d’Ashdod, dans lequel tout a été préparé, selon notre envoyé spécial sur place, Ilan Tsadik, pour effectuer en bon ordre le déchargement de la cargaison du Victoria.

 

Tsadik a été prévenu que demain, dans la journée, le ministère de la Défense avait l’intention d’inviter les correspondants de presse en poste à Jérusalem à venir contempler les armes qui auront été saisies et alignées sur le quai. A Metula, on prévoit que certains journalistes étrangers, notamment français, ne répondront pas à l’invitation des autorités, affichant ainsi leur désintéressement pour la portée de l’événement.

 

Ce fut déjà le cas lors de l’arraisonnement, en janvier 2002, du Karin A, un autre transport d’armes, affrété par Yasser Arafat. A l’époque, la presse tricolore avait repris à son compte les affirmations d’Arafat, qui accusait Israël d’avoir mis en scène l’opération. Ce ne fut que plusieurs mois plus tard que la vérité fut avérée, mais la quasi-totalité des organes de presse français omirent volontairement de rectifier les informations erronées qu’ils avaient publiées au moment des faits.

 

En novembre 2009, ce fut au tour du paquebot Francop d’être intercepté par la marine israélienne, lui aussi avec plusieurs centaines de tonnes de matériel militaire à bord, qui était cette fois destiné au Hamas.

 

L’arraisonnement du Victoria fait suite à une longue et minutieuse traque effectuée par les services de renseignement israéliens, qui ont bénéficié de l’aide active d’un certain nombre de marines de pays occidentaux, massivement représentées dans la région. A ce titre, nous relevons à nouveau le travail de qualité effectué par la Kriegsmarine allemande.

 

Ces navires patrouillent notamment au large des côtes libanaises afin de s’assurer du respect des provisions de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, interdisant l’envoi d’armes au Hezbollah libanais.

 

Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, ce sont les sanctions internationales imposées à l’Iran par le même Conseil de sécurité qui ont été bafouées. Ces dispositions interdisent en effet tout achat ou livraison de matériel militaire vers ou en provenance de Téhéran. Or, les armes transportées par le Victoria ont fait route d’Iran vers le port de Lattaquié, en Syrie, très probablement à bord de l’un des deux vaisseaux iraniens qui avaient franchi le canal de Suez il y a de cela un mois environ. L’un de ces bâtiments était un paquebot vétuste qui avait été, de manière assez superficielle, déguisé en navire de guerre.

 

A Lattaquié, les armes et munitions que contenait ce paquebot ont été, pour partie, livrées, par voie de surface, au Hezbollah. Cette milice compte désormais plus de 50,000 roquettes et missiles, qu’elle pointe à la fois contre l’Etat hébreu et les autres communautés de l’Etat libanais.

 

La part des armes destinées au Hamas a ainsi été chargée à Lattaquié sur le Victoria, qui a fait route pour le port turc de Mersin. En Turquie, le bateau a accueilli des conteneurs supplémentaires, puis il a repris la mer en direction d’Alexandrie.

 

D’Alexandrie, les armes devaient être chargées sur des camions afin de traverser le canal de Suez, la péninsule du Sinaï et rejoindre l’arsenal du Hamas par les centaines de galeries souterraines creusées à Rafah.

 

Il est possible que les décideurs iraniens, après avoir tenté avec succès de faire traverser le canal par leurs deux bâtiments militaires, entendaient tester la junte au pouvoir au Caire afin de voir si elle leur permettrait d’acheminer, par son territoire, cette cargaison à Gaza.

 

Il est d’ailleurs prévisible que des agents à la solde de Téhéran avaient déjà arrangé ce trafic à coups de généreux bakchichs auprès des dockers et des douaniers d’Alexandrie, ainsi que des responsables militaires sur le chemin du convoi, et de ceux en charge des ponts et tunnels qui traversent le canal de Suez.

 

Dans nos articles consacrés aux deux navires iraniens, nous avions prévu, qu’en dépit des sanctions applicables à l’Iran en matière de négoce d’armes, et des soupçons objectifs qui pesaient sur leurs cargaisons, personne ne prendrait la peine de les vérifier. Les responsables égyptiens se contentèrent, en effet, de consulter les manifestes que leur tendirent les capitaines de ces embarcations.

 

Quant au Victoria, à en croire son certificat de chargement, il était sensé ne transporter que du bois et du coton parmi les 22,000 tonnes de son cargo.

 

Quoi qu’il en soit, le cheminement des armes à destination du Hezbollah et du Hamas est désormais clairement établi. Toutes les armes partent d’Iran, font escale à Damas, et sont ensuite ventilées soit sur le Liban soit sur le Sinaï à destination du Hamas.

 

Selon la législation internationale, il est bien entendu que l’Iran, la Syrie, le Liban et l’Egypte, qui sont membres de l’ONU, se trouvent obligés par les provisions des résolutions décrétées par le Conseil de sécurité. De manière très étrange, les Nations Unies, jusqu’à présent et en toute connaissance de cause, n’ont pris aucune décision répressive, au moins contre les deux acteurs actifs de ce trafic, que sont l’Iran et la Syrie.

 

L’arraisonnement du Victoria met aussi directement en cause un autre chaînon de ce trafic, à l’identité beaucoup plus surprenante et dérangeante, s’agissant de la plus grande entreprise française de transport maritime. C’est en effet CMA-CGM qui gère le Victoria, comme en témoigne la fiche officielle des caractéristiques de ce porte-conteneurs.

 

Si le gouvernement israélien a déjà mis hors de cause les autorités turques, quant à une éventuelle coopération avec les Etats trafiquants, ce n’est certes pas le cas de cette compagnie maritime, la troisième par sa dimension à l’échelle planétaire.

 

Comment pourrait-il en aller autrement, alors qu’un autre vaisseau exploité par la CMA-CGM avait, en octobre dernier, été arraisonné au Nigéria, alors qu’il transportait un important chargement d’armes iraniennes à destination d’un groupe de terroristes nigérians soutenu par Téhéran ?

 

En juillet 2009, c’était un autre cargo de la CMA-CGM, l’ANL-Australia, qui avait été saisi par les autorités des Emirats Arabes Unis. Il faisait alors route de Corée du Nord vers l’Iran, avec, à son bord, des composants qui auraient dû servir aux essais du missile balistique iranien BM-25, un missile capable d’emporter une charge nucléaire.

 

Pas plus tard qu’il y a quelques jours, l’Association Contre un Iran Atomique avait exigé de la société française qu’elle cesse de faire des affaires illicites avec Téhéran.

 

L’identité des propriétaires de la CMA-CGM, à savoir M. Jacques Saadé et sa famille, largement représentée au conseil d’administration [1], fait craindre une collusion avec les régimes dictatoriaux de Téhéran et de Damas.

 

Dans l’enquête qui vient de commencer, il sera difficile aux investigateurs de ne pas prendre en compte le fait que M. Saadé est un Libanais d’origine, né à Beyrouth, et que son défunt père, Rodolphe Saadé, était, quant à lui, de Lattaquié en Syrie.

 

Autre élément éveillant la méfiance concernant cette famille d’armateurs, les difficultés financières récurrentes de la CMA-CGM, qui avaient atteint un paroxysme il y a environ deux mois. De là à accepter d’effectuer des transports illégaux afin de renflouer les caisses, voilà une interrogation qui donnera du grain à moudre aux enquêteurs.

 

Depuis, les Saadé se sont assurés l’entrée dans leur société d’un grand groupe turc, Yildrim, qui participe désormais à leur tour de table, à raison d’un investissement de la somme conséquente de 500 millions de dollars. Les Turcs, aussi, ont placé trois des leurs au sein du conseil d’administration de la compagnie maritime.

 

Il appartiendra aux enquêteurs de vérifier la légitimité des motifs, que l’on espère uniquement commerciaux, qui auront poussé Yildrim à entrer en force dans la société de transport française.

 

L’histoire de Jacques Saadé et de la CMA-CGM est tout sauf un long fleuve tranquille. On la définirait plus précisément en la qualifiant de saga mêlant intimement le business, la politique, ainsi que d’innombrables épisodes impliquant la justice française. Pour les lecteurs que cela intéresse, nous proposons un résumé de ces péripéties dignes de Dallas dans les deux liens suivants [1ère partie] [2ème partie].

 

En dépit du sérieux apparent et de la documentation abondante et professionnelle figurant dans ces comptes-rendus, la Ména tient à faire savoir, qu’au regard du temps limité dont elle disposait pour rédiger cet article, elle n’a pas eu l’opportunité d’étayer la véracité des éléments qui y sont contenus, et, à ce stade de ses connaissances, la Ména n’endosse pas leur teneur.

 

Il convient d’ajouter à cela que Jacques Saadé est un ami intime de Jacques Chirac, et qu’il partageait avec lui l’amitié et les faveurs de Rafic Hariri, l’ex-premier ministre libanais, assassiné, selon toute vraisemblance, par les miliciens du Hezbollah sur l’ordre du dictateur syrien Béchar Al-Assad.

 

De nombreuses accusations ont été portées à l’encontre de l’ex-président Chirac quant à la surprenante recapitalisation de la société maritime, alors qu’elle appartenait à l’Etat français, peu de temps avant que la CGM ne soit privatisée et cédée à Jacques Saadé.

 

Des personnes bien informées, auxquelles nous avons parlé ce jour, ont soutenu à nos oreilles que la vente s’est effectuée bien en-dessous du prix que valait la société, et dans des conditions d’opacité indignes d’une transaction menée par un Etat européen sur les deniers publics. Nous ne sommes pas en mesure, bien entendu, de porter un jugement sur ces allégations, mais tenons pour un fait acquis que le processus de privatisation de la Compagnie Générale Maritime, et les conséquences juridiques qu’il impliqua, hanteront Jacques Chirac et la direction de l’UMP des années durant.

 

Nous notons, comme un clin d’œil de l’histoire, le fait que cette privatisation avait été décidée, en 1996, par le gouvernement dirigé par Alain Juppé. Le même Alain Juppé, qui, aux alentours de 19h hier soir, heure française, annonçait, devant l’Assemblée Nationale, que l’Union Européenne envisageait sérieusement de reconnaître unilatéralement – soit sans l’accord d’Israël – la création d’un Etat palestinien dans les limites de la frontière de mai 1967, qui séparait alors l’Etat hébreu du royaume hachémite.

 

En revanche, avec son historique de liens pour le moins suspects avec les dictatures iranienne et syrienne, ainsi que les épisodes avérés de transports d’armes iraniennes, en provenance et à destination de la "République" Islamique, on ne peut, de manière sensée, écarter le soupçon d’une collusion intentionnelle entre le conseil d’administration libano-turc du transporteur français et les deux régimes totalitaires. Deux régimes, qui sont, à ce jour, les ennemis déclarés les plus acharnés de l’Occident, de ses intérêts et de sa culture.

 

 

Note :

 

[1] Monsieur Jacques Saadé (Président du conseil d’administration), Monsieur Farid Salem, son beau-frère, (Administrateur), Mademoiselle Tania Saadé, fille de Jacques Saadé (Administrateur), Monsieur Rodolphe Saadé, fils de Jacques Saadé (Administrateur)

 

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