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Barack Obama ou l’avocat du Diable

Contrairement à ce que déclare M. Obama, son administration œuvre en ce moment même au Conseil de Sécurité afin que les futurs présidents des USA ne puissent pas remettre en cause l’accord avec l’Iran

Barack Obama ou l’avocat du Diable (1ère partie)(info # 012007/15)[Analyse]

Par Ilan Tsadik, Stéphane Juffa et Jean Tsadik © MetulaNewsAgency

 

Rédigé par Ilan Tsadik

 

Lorsque l’on signe un bon accord, on n’a pas besoin de passer son temps à expliquer pourquoi on l’a signé. Or le Président Obama est intervenu mardi, quelques minutes après l’annonce à Vienne de la conclusion de l’accord, et il est longuement revenu mercredi dernier sur son contenu et ses implications, à l’occasion d’une conférence de presse tendue et inconfortable.

 

Le moins que l’on puisse en dire est que ses arguments n’ont pas été convaincants. D’autres, au sein même de la Ména, connus pour être moins conciliants que moi, et moins opposés à la gouvernance de Binyamin Netanyahu, ont parlé en interne de "foutage de gueule" de la part du pensionnaire de la Maison Blanche. Ce n’est, dans ce cas, qu’une question de différences sémantiques.

 

Avec Juffa et mon père, nous avons consulté, ces derniers jours, des dizaines de vidéos et des milliers de pages de déclarations antérieures, de commentaires et de critiques. Ce qui m’a le plus interpelé à la fin de ces consultations, consiste en cela que les Iraniens n’ont cessé, tout au long des négociations et après leur aboutissement, d’être beaucoup plus consistants qu’Obama et son administration.

 

Cela explique, au-delà de tout doute sensé, la raison pour laquelle à Téhéran et à Damas on danse de joie dans les rues, et qu’aucun ayatollah n’a perdu son temps à justifier, en les analysant publiquement, les clauses du contrat.

 

Ils avaient dit et répété que les inspecteurs de l’AIEA ne disposeraient pas du libre accès à leurs installations nucléaires, et l’accord leur donne raison. Ils avaient promis qu’ils ne détruiraient pas le moindre équipement de leur infrastructure nucléaire, qu’ils n’abandonneraient pas la recherche et le développement dans le domaine de l’atome, qu’ils n’exporteraient pas le moindre kilo d’uranium enrichi, qu’ils continueraient à développer des missiles capables de frapper leurs voisins aussi bien que les autres continents et ils n’ont pas non plus menti sur ces points.

 

Les ayatollahs avaient prévenu que leurs centrifugeuses continueraient à tourner et elles tourneront. En moins grand nombre, certes, pour un degré de purification du minerai temporairement limité, mais elles tourneront, et non plus dans la clandestinité mais en accord avec la législation internationale.

 

Khamenei avait exprimé que son pays ne signerait aucun document qui ne prévoirait pas la levée immédiate des sanctions, or l’an prochain, à la même époque que maintenant, dès la mise en œuvre de la réalisation des clauses du traité, l’Iran touchera en un tenant environ 160 milliards de dollars.

 

Khamenei avait garanti que les commissaires de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique ne seraient pas admis dans ses installations militaires, et l’annexe concernant d’éventuelles visites de ces sites n’a pas encore été rédigée et elle ne fait pas partie de la chose signée.

 

Lors de sa conférence de presse, Barack Obama a invité le public à consulter le document, à prendre connaissance du compromis, en lançant : "Vous n’avez plus besoin de spéculer, vous pouvez simplement lire ce qu’il dit". C’est en relevant l’invitation du président que nous avons fait les observations qui constituent cet article.

 

Force est de constater que si c’était pour en arriver là, si l’on finirait par céder à toutes les demandes de Téhéran, Kerry aurait pu signer l’accord il y a deux ans, au début de la phase décisive des négociations, et ce n’est pas une plaisanterie de ma part.

 

L’Administration Obama est passée outre les garde-fous imposés par les chefs de sa propre armée ; plus encore que cela, elle n’a tenu aucun des engagements qu’elle s’était elle-même fixés.  Dès lors, on ne sait pas comment il faudrait interpréter l’introduction du président lors de sa confrontation avec la presse, lorsqu’il affirma : "Voici ce que l’on peut accomplir à partir d’une position de force et en respectant ses principes !". Ca, c’est une plaisanterie mais elle n’est pas de mon fait.

 

Martin Dempsey, le président des chefs d’état-major de l’Armée U.S., c’est-à-dire le chef militaire suprême des forces américaines, avait mis en garde, il y a deux semaines, le Comité des Services Armés du Sénat, révélant à ses membres qu’ "en aucune circonstance on ne doit alléger la pression sur l’Iran au sujet de ses capacités en matière de missiles balistiques et de trafic d’armes".

 

Or, en lisant l’accord, comme Barack Obama nous a proposé de le faire, on s’aperçoit que toutes les limitations concernant l’importation et l’exportation des armes conventionnelles et des missiles, respectivement dans cinq et huit ans, seront levées.

 

Le président a répondu à cette remarque mercredi, déclarant que "nous ne retirons pas notre pression sur l’Iran en ce qui concerne les armes et les missiles balistiques".

 

Il a détaillé sa réponse en faisant valoir qu’ "il existait d’autres [en dehors du traité] résolutions multilatérales [internationales] et unilatérales [U.S.] qui nous permettent d’agir si l’Iran s’embarque dans de telles activités, que ce soit dans six ans ou dans dix ans à partir de maintenant".

 

M. Obama aurait dû mieux lire le traité qu’il a signé et qui prescrit que tous ses signataires – donc les Etats-Unis y compris – doivent honorer ses clauses principales, telle la levée de l’embargo de l’ONU sur les armes et les missiles balistiques.

 

Les spécialistes du droit international sont indécis quant à l’obligation américaine d’adapter sa propre législation en fonction de la résolution issue du traité qui sera entérinée cette semaine par le Conseil de Sécurité ; mais l’on constate que les dispositions onusiennes issues des sanctions décidées pour s’opposer au programme de développement des missiles iraniens vont disparaître.

 

Dans la nouvelle résolution qui sera soumise ce lundi au Conseil de Sécurité, les restrictions concernant le programme balistique perse sont largement moins contraignantes que celles qui prévalaient jusqu’à maintenant. Les anciennes stipulaient que l’Iran avait "l’interdiction de réaliser toute activité relative à des missiles balistiques capables d’emporter des charges nucléaires". Quant à la nouvelle résolution, elle se contentera "d’en appeler à l’Iran" pour ne pas qu’il se livre à de telles activités.

 

La résolution issue de l’accord de Vienne ne mentionnera non plus aucune interdiction qui serait imposée à Téhéran de ne pas procéder au développement ou à l’importation de technologie applicable aux missiles ; les Iraniens pourront ainsi progresser dans leur programme balistique en toute légalité.

 

Quelle que soit l’opinion des juristes quant à la prévalence ou non des lois nationales américaines et à l’obligation ou non de les mettre au diapason de l’accord avec l’Iran, trois choses sont claires : 1. Si le Congrès, suivant le calendrier défini à Vienne, ne levait pas ses propres restrictions, l’Iran, après avoir empoché des sommes très importantes, sera en situation de dénoncer l’accord et de remettre son programme nucléaire militaire en marche. 2. Si l’intention de l’administration consistait à ne pas lever l’embargo sur les armes et les missiles, pourquoi a-t-elle accepté ces provisions ? 3. Comment exiger la bonne foi et la transparence de l’adversaire dans l’exécution de ses engagements si, à peine le protocole signé, le président des Etats-Unis envisage des voies légales pour le contourner ?

 

Mercredi, le président a également abordé le sujet de la levée de l’embargo imposé à l’Iran sur le trafic des armes conventionnelles, s’attardant sur les livraisons de matériel militaire aux Hezbollani, les supplétifs libanais des ayatollahs. Il a reconnu qu’elles faisaient peser une lourde menace sur l’Etat hébreu ainsi que sur les autres alliés des USA dans la région.

 

Barack Obama, sur ce point aussi, a évoqué l’existence d’autres résolutions onusiennes qui ne seraient pas éliminées – on touche à la même problématique qu’avec les missiles balistiques - par le traité avec Téhéran, et qui continueraient à donner à Washington l’autorité [légale] nécessaire pour empêcher que de telles livraisons ne se produisent.

 

A la Ména, ce passage de l’intervention du président nous a tous interloqués ; pour la raison assez compréhensible, nous semble-t-il, que durant l’existence des sanctions, l’Armée U.S. n’est jamais intervenue afin d’empêcher lesdites livraisons. Pendant ce laps de temps, ce ne sont pas moins de 80 000 roquettes et missiles, tous en provenance d’Iran, qui ont rejoint les arsenaux de la milice chiite libanaise. Washington a abandonné le sale boulot à la seule Tsahal, obligeant le Khe’l Avir à s’aventurer plusieurs fois jusque sur la capitale syrienne pour détruire les armes les plus sophistiquées et à bombarder les convois de camions qui tentaient de traverser la frontière syro-libanaise.

 

Le problème, a admis M. Obama pour expliquer la raison pour laquelle le Hezb avait obtenu ces fusées, était moins d’origine légale que relevant d’un "manque au niveau du Renseignement et de la capacité d’interdire ces livraisons".

 

Le président a proposé d’améliorer la "coordination avec ses alliés" afin de pallier ces lacunes et de faire en sorte qu’une quantité moins importante de ces chargements ne parvienne à traverser les mailles du filet.

 

Les mailles du filet ? Quel filet ? Personne, dans la région, n’a jamais vu de filet américain.

 

A mots à peine couverts, Obama promet en fait, en compensation pour la signature du traité avec Téhéran, de se mettre à agir pour atténuer cette contrebande. Mais comment le croire ? Comment croire qu’il fera désormais, alors que c’est plus compliqué, ce qu’il n’a pas fait lorsque c’était simple.

 

De plus, le président ne dit pas la vérité : le Renseignement U.S. est très performant dans la région et il a bénéficié de compléments d’informations réguliers et vérifiables de la part du Mossad, des chrétiens, des sunnites libanais, et de la Marine allemande, dont les bateaux espions sont très présents face à Beyrouth. Quant à la capacité d’agir, l’U.S. Air Force intervient quotidiennement dans le ciel syrien, mais durant les négociations, et même depuis le début de la Guerre Civile syrienne, elle a pris le plus grand soin d’éviter les soldats iraniens participant au conflit ainsi que les armes qu’ils livraient à la milice chiite libanaise.

 

Lors de la conférence de presse, quelqu’un a demandé au président pourquoi les négociateurs étasuniens n’ont pas obtenu, dans le cadre du traité, la libération des quatre otages américains détenus en Iran –Amir Hekmati, le pasteur Saïd Abedini, Jason Rezaian et Robert Levinson - pour des crimes imaginaires.

 

Barack Obama a répondu que la priorité de sa délégation à Vienne s’est uniquement focalisée sur la question du nucléaire, et que si John Kerry avait émis d’autres exigences, les Iraniens auraient probablement fait valoir leurs propres revendications concernant d’autres sujets.

 

A Métula, nous nous demandons cependant en quoi la levée de l’embargo sur les armes conventionnelles, dont les livraisons de matériel de guerre au Hezbollah, est-elle liée à la question du nucléaire.

 

Le président a garanti que les efforts diplomatiques de son administration en vue de libérer les quatre hommes ne cesseraient pas ; nous, nous pensons que la seule raison qui avait poussé les ayatollahs à la négociation découlait de la précarité extrême de leur économie causée par les sanctions internationales.

 

Avec la levée de celles-ci, aucun argument ne restera à la disposition de Washington afin d’obtenir d’autres concessions, et les otages auront été sacrifiés sur l’autel de l’amateurisme des négociateurs U.S., de l’absence de ligne directive solidement établie et fermement défendue, et du désir du pensionnaire de la Maison Blanche, quoi qu’il puisse en dire, de parvenir à un accord à n’importe quel prix.

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