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Est-ce bien raisonnable ? Par Stéphane Juffa

Impénétrable ou confus ?

 

Est-ce bien raisonnable ? (info # 010412/12) [Analyse]

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

 

La décision de Binyamin Netanyahu de procéder à la construction de 3000 nouveaux logements dans la zone E1 suscite une levée de boucliers et des menaces de sanctions sans précédent dans les chancelleries occidentales.

 

La zone E1 s’étend sur une région située entre Jérusalem et l’implantation de Maaleh Adoumim, à l’Est. Une vaste opération de peuplement israélienne dans ce secteur aurait pour effet de couper la Cisjordanie en deux et d’empêcher, par la tactique du fait accompli, la réalisation du projet des deux Etats pour deux peuples.

 

Jusqu’à présent, tant Ariel Sharon qu’Ehud Olmert s’étaient engagés auprès de Washington à ne pas se livrer à des constructions sur ce territoire. Le respect de cette promesse participait d’une sorte de "ligne rouge" non écrite aux yeux des Européens et des Américains.

 

Le gouvernement hébreu, en décidant de passer outre, entend punir Mahmoud Abbas pour son initiative à l’ONU. L’exécutif de Jérusalem invoque les clauses des accords existants avec l’Autorité Palestinienne pour affirmer que Ramallah, en briguant la reconnaissance d’un Etat non-membre devant l’Assemblée Générale, a rompu lesdits accords. Et que, désormais, Israël n’y était plus tenue et qu’elle agirait dorénavant sur la base de ce qu’elle considère constituer ses seuls intérêts stratégiques.

 

C’est ce qu’a encore souligné M. Netanyahu en annonçant, dimanche dernier, à l’occasion du conseil des ministres hebdomadaire, que l’AP "avait initié un combat visant l’existence même de l’Etat d’Israël".

 

Ce faisant, le 1er ministre a démontré une nouvelle fois que son objectif supérieur consistait à éviter, par tous les moyens à sa disposition, la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie. Il poursuit cette finalité en causant des dégâts économiques, politiques et diplomatiques tels, que certains analystes, tant israéliens qu’étrangers, craignent que Binyamin Netanyahu ne soit pris d’une espèce d’hystérie concernant ce sujet.

 

Une partie des mêmes observateurs est persuadée que l’annonce de son départ par Ehud Barak est venue signifier, par-delà les apparences, qu’il ne pouvait plus suivre la politique du chef de son cabinet.

 

Sami El Soudi traduit le sentiment de ceux qui perçoivent négativement la décision de commencer à peupler la zone E1 – y compris les chefs d’Etats alliés d’Israël - par la remarque suivante : "Certes, l’Autorité Palestinienne s’était engagée à ne régler son différend avec Israël que par l’entremise de contacts directs. Mais le cabinet Netanyahu a fait tout son possible afin que des discussions à cet égard ne puissent avoir lieu. Lors, ce faisant, il contraignait Ramallah au statu quo, qui le menait droit à sa perte. En n’utilisant que des moyens pacifiques, l’unique recours pour maintenir à sa place le régime du Fatah en Cisjordanie passait par un appel à l’aide auprès des instances internationales.".

 

El Soudi précise que le président du Conseil israélien est à ce point obnubilé par la nécessité de prévenir l’instauration de la solution à deux Etats, qu’il préfère discuter avec le Hamas qu’avec Mahmoud Abbas. Ce, malgré le danger que les milices islamistes de Gaza font peser sur la population du sud d’Israël.

 

Le chef du desk palestinien de la Ména termine son briefing quotidien à la rédaction en affirmant qu’ "Israël pouvait très aisément empêcher l’initiative d’Abbas à Manhattan. Qu’il aurait suffi au chef de son exécutif de ne pas ignorer totalement l’existence des trois millions de Palestiniens de Cisjordanie ainsi que leurs aspirations politiques. C’est à ce titre que Netanyahu a infligé une débâcle diplomatique à son pays à New York ; parce que, s’il avait eu une vision plus pragmatique de la situation, il aurait effectué des choix différents".

 

A Métula on cherche aussi désespérément ce que ce gouvernement a entrepris afin de faire avancer la solution des deux Etats et la cohabitation pacifique entre Israël et ses voisins les plus immédiats, qu’il n’a de cesse de prôner dans presque tous ses discours. Et l’on aboutit à une page absolument blanche.

 

En revanche, il ne reste plus de place sur notre feuille pour y mentionner les actes unilatéraux en faveur de l’augmentation de la présence juive en Judée et Samarie.

 

Et nous nous demandons, avec de plus en plus d’inquiétude, juste avant qu’il ne rempile pour quatre années supplémentaires à la tête de notre exécutif, où donc nous conduira l’obsession de Netanyahu. Nous ne pouvons que constater qu’il n’a émis aucun projet articulé de son cru pour définir un avenir pour le pays qu’il dirige, même à très court terme.

 

Notre interrogation se veut claire et se résume à cette question : qu’est-ce que Netanyahu compte faire des trois millions d’Arabes vivant en Cisjordanie ? L’absence de toute considération de ce questionnement nous semblant verser dans l’irresponsabilité.

 

A l’heure où nous cherchons à y voir un peu plus clair quant aux retombées de sa dernière décision concernant la zone E1, les émissaires du 1er ministre négocient au Caire des plans d’allègement de l’isolement de Gaza.

 

Pendant que la planète dialogue avec Abbas, qui a renoncé au terrorisme et reconnaît le droit à Israël d’exister sur les frontières d’avant la Guerre des Six jours, Netanyahu récompense les terroristes qui propulsent des roquettes sur notre pays. Simplement en participant à ces pourparlers, il renforce la légitimité d’Hanya et de Mashal, leur servant, sur un plateau, la victoire politique qu’ils n’ont pas conquise sur le champ de bataille.

 

Cette étrange démarche de M. Netanyahu est parvenue à maintenir Abbas et Fayyad dans l’ombre, condamnant ainsi leur approche non-violente des rapports avec l’Etat hébreu. Le message qui s’ensuit est limpide : vous n’obtiendrez jamais rien d’Israël par la discussion, en revanche, lorsque vous l’attaquez, elle vous cède facilement.

 

Le désarroi politique dans lequel le gouvernement de Jérusalem avait placé Ramallah juste après le Pilier de Défense était tel, la perte de vitesse du tandem Abbas-Fayyad à ce point perceptible, que cela a pesé sur la décision de vote de plusieurs pays modérés et amis d’Israël à l’ONU. Des Etats majeurs, à l’instar de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, qui s’apprêtaient à rejeter la requête de l’AP, mais qui, face au risque de la voir se faire emporter par un tsunami vert, ont finalement décidé de s’abstenir.

 

Le désamour de la population pour Abbas était tel, quant à lui, que le soir du vote, présent sur la place centrale de Ramallah, notre camarade El Soudi dénombrait à peine 1200 personnes face aux écrans géants. Encore ceux-ci faisaient partie de la nomenklatura du Fatah et avaient été poussés dans des autobus par des militants.

 

Il n’y a pas que les experts qui ne comprennent pas la politique Hamas de Binyamin Netanyahu : les habitants du sud d’Israël, avec lesquels nous échangeons autant que faire se peut, ne trouvent pas leurs mots.

 

Bibi leur avait demandé de rester forts sous les bombardements, leur promettant de porter un coup fatal à ceux qui en étaient la cause. Ils l’ont écouté, mais c’est pour s’apercevoir maintenant que leur 1er ministre discute, dans le pays probablement le plus antisémite de la planète, de l’allègement du blocus maritime ainsi que d’aménagements conséquents du transport des personnes et des biens entre Israël et l’enclave gouvernée par la Résistance Islamique.

 

Le sentiment difficilement discutable des habitants est que leur gouvernement facilite le réarmement du Hamas et qu’ils ont subi les bombes pour rien ou pas grand-chose. Ils se demandent pourquoi nous avons neutralisé Jabari et décidé de déclencher ce round d’hostilités. Pour alléger le blocus maritime ?

 

Dans cette équation, les ambitions politiques de Mahmoud Abbas et la discussion quant à sa sincérité prennent une place minime voire négligeable. Certes, son discours à la tribune de l’Assemblée Générale fut hostile, maximaliste, et bourré des mensonges historiques et factuels usuels de la part des petits raïs de l’AP.

 

Mais ce n’est pas lui qui nous préoccupe, tout en préférant un chien qui aboie à des terroristes qui tuent nos compatriotes sous des déluges de roquettes.

 

Dans une situation aussi délicate que celle d’Israël au Proche-Orient, les habitants d’Ashdod comme ceux de Métula ou de Tel-Aviv ont besoin d’un chef de l’exécutif qui soit un homme d’Etat. De quelqu’un qui sait où il va et qui sait comment y parvenir. Là, je viens d’énoncer le contraire symétrique de la (non-)politique de Binyamin Netanyahu.

 

Ce dernier nous recroqueville sur nous-mêmes, allant au-delà des rêves d’ostracisme des plus extrêmes parmi les edennistes. Sur l’air de "nous avons raison, nous sommes les seuls à avoir raison, parce que nous constituons le peuple choisi et que tous les autres peuples nous détestent parce qu’ils sont à la fois jaloux et antisémites". Et sur le couplet effrayant pour un laïc faisant profession de la recherche de la rationalité : "Il est inutile de nous soucier du devenir des Palestiniens, le ciel y pourvoira".

 

Voilà où nous a conduit M. Netanyahu, ceci dit sans haine ni parti-pris personnel, ce n’est que l’avenir de mon pays et de ses habitants qui me préoccupe.

 

Dans deux jours, Binyamin Netanyahu a rendez-vous avec Angela Merkel – notre meilleure amie sur la scène européenne – à Berlin. Officiellement, dans l’entourage de la chancelière, on s’attend à "une discussion ouverte entre amis".

 

En coulisses, cependant, nos contacts allemands nous préviennent de ce que Madame Merkel va dire à son ami "tout le bien qu’elle pense de sa décision de peupler E1 et l’intelligence qu’elle discerne dans cette décision".

 

Berlin a fort à faire, ces jours, à convaincre Paris et Londres de ne pas rappeler en consultation leurs ambassadeurs à Tel-Aviv ; une mesure jamais appliquée contre l’Etat hébreu.

 

Le Secrétaire d’Etat britannique pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, M. Alistair Burt, a résumé aux oreilles de notre ambassadeur auprès de l’Albion, Daniel Taub, ce que pensent les Occidentaux des manœuvres acrobatiques de son 1er ministre. Burt a déploré la décision de construire les 3000 logements dans les implantations et de dégeler leur développement dans le bloc E1. "Ceci menace la viabilité de la solution à deux Etats, aussi en appelons-nous au gouvernement israélien afin qu’il annule sa décision".

 

Les ambassadeurs Yossi Gal à Paris et Isaac Bachman à Stockholm ont également été convoqués par leurs hôtes pour se faire sonner les cloches. A la Maison Blanche, on fulmine, et on se dit que Netanyahu a choisi une très mauvaise façon de remercier Barak Obama pour son "non" à l’ONU. L’ire contenue du résident de la White House pourrait bien nous valoir des lendemains difficiles.

 

Mais la réaction de nos amis à l’étranger va probablement se traduire par des mesures concrètes au-delà de leurs condamnations. En Europe, ils parlent de rouvrir ou même de suspendre les accords commerciaux bilatéraux. Cela porterait un coup terrible aux industriels de notre pays, s’escrimant déjà pour maintenir le niveau de leurs exportations en ces temps de crise économique.

 

Il est aussi question de remettre en cause des accords stratégiques parmi d’autres sanctions désagréables. Les Hollandais, qui se sont abstenus à l’ONU, ont prévenu qu’ils pourraient ne plus nous y soutenir à l’avenir.

 

Faire face à tous ces désagréments juste pour suivre un chef de gouvernement qui ne sait pas où il nous emmène ? Pour provoquer la colère des rares soutiens qu’il nous reste encore à l’international ? Afin de loger des edennistes extrémistes à très grands frais en des lieux sans avenir ? Des personnes qui, dans leur écrasante majorité, refusent d’exécuter leur service militaire mais n’hésitent pas à faire le coup de poing contre nos soldats et nos policiers ? Qui ne reconnaissent pas l’autorité souveraine de notre Etat et de ses instances juridiques ?

 

Binyamin Netanyahu est-il encore serein ?

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