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Garry Kasparov, les Pussy Riots et la «justice» Poutine

 

Garry Kasparov, les Pussy Riots et la «justice» Poutine

 

 

 

 

L'ancien champion du monde d'échecs Garry Kasparov risque cinq ans de camp pour avoir mordu un policier lors d'une manifestation de soutien aux membres du groupe Pussy Riots, elles-mêmes condamnées à deux ans de camp disciplinaire. A la lumière de ces deux affaires, notre blogueuse associée, Lait d'Beu, critique le simulacre de justice auxquels les opposants à Poutine doivent faire face en Russie.

Décidément, la Russie de Poutine tend à devenir « une prison à ciel ouvert » ! Bien de quoi tomber à la r’bidaine en trouvant sur Le Monde, en dessous d’un article annonçant qu’en Russie les Pussy Riot ne demanderont pas la grâce présidentielle (ce qui au demeurant avait déjà été annoncé à l’issue du procès scélérat qui leur a été intenté), un autre article prouvant une nouvelle fois à l’envi que dans la Russie de Poutine, l’iniquité et les gros mensonges le disputent au ridicule : Garry Kasparov risque cinq ans de camp « pour avoir mordu un policier »lors d'une manifestation de soutien aux Pussy Riots, ce qu’il nie farouchement.

Pour les personnes qui ne le sauraient pas, Garry Kasparov est un ancien champion du monde d’échec et figure sans nul doute parmi les plus grands de l’histoire. Il a mis fin à sa carrière en 2005. Il n’est pas inintéressant d’apprendre sur sa fiche de Wikipédia que sur les conseils de son entraîneur, affirmant que sa carrière pourrait être freinée à cause d’un « mauvais nom » ! il abandonna le nom (juif) de son père (Vaïnstein ou Weinstein) pour prendre celui de sa mère, d’origine aménienne (Kasparova). Ce qui en dit assez long sur le racisme prégnant qui sévit en Russie.

Il mit un terme définitif à sa carrière en 2005 et s’engagea en politique, devenant l’un des chefs de file du mouvement « L’autre Russie », une coalition d’opposants à Vladimir Poutine. Autant dire qu’en tant que personnalité connue il est particulièrement dans le collimateur du dictateur du Kremlin et qu’il a déjà été interpellé et arrêté à moult reprises par la police à sa botte. Il fut même condamné à une peine de prison : 5 jours pour « participation à une manifestation non autorisée et refus d’obéir aux ordres de la police ».

 

l'arme du mensonge toujours efficace

Ce n’est pas grand-chose eu égard à ce qui l’attend aujourd’hui : 5 ans de camp pour avoir prétendument mordu un policier à la main.

Selon sa version des faits, qu’il dit être corroborée par les images vidéo, ce seraient au contraire les policiers qui l’auraient interpellé au moment où il parlait à des journalistes - quel odieux crime ! - avant de le frapper. Ajoutant qu’il n’y a dans les images « aucune preuve d'une morsure ou d'une blessure infligée au policier, ni d'une quelconque réaction de sa part ».

La bonne blague ! Dans la Russie de Poutine, il se trouvera sans nul doute bon nombre de policiers - surtout ceux qui n’étaient pas présents ! - pour affirmer que leur collègue a été mordu jusqu’au sang, qu’il a frisé l’amputation et que cette blessure aura nécessité non seulement un nombre ahurissant de points de suture. Un médecin complaisant fournira très certainement un certificat médical bidon, mais également un arrêt de travail d’au moins trois semaines.

Les Pussy Riots sont condamnées à deux ans de camp disciplinaire pour des infractions aussi mensongères et inexistantes que ridicules. Pourquoi voudriez-vous que la police et la justice russes, à la botte de Poutine, n’utilisent point l’arme du mensonge éhonté à l’encontre de Garry Kasparov ?

 

le crime des crimes : être anti-Poutine

Les Pussy Riots et Garry Kasparov sont coupables du crime des crimes : exprimer publiquement leur opposition à Vladimir Poutine. Suffisant en soi pour les faire condamner. Les Pussy Riots s’étaient livrées à un spectacle parodique : elles eurent droit à une parodie de justice. Depuis le départ, il me fut évident qu’elles ne solliciteraient jamais la grâce de Poutine. Plutôt crever ! Ce que confirme l’article signalé car selon un de leurs avocats « littéralement, elles ont répondu : qu'ils aillent au diable avec cette grâce »… Je ne suis même pas certaine que le Diable en voudrait : un concurrent trop dangereux.

D’autant qu’avant même la lecture du verdict, elles avaient annoncé qu’elles ne lui demanderaient pas de les gracier, affirmant non sans un humour très réaliste que « c’est à lui de nous demander de le gracier »…

En revanche, cet avocat persiste dans son intention de faire appel dès qu’il sera en possession d’une copie du jugement. Soit. Dans un Etat de droit tel que la France, quand le tribunal qui a jugé en premier ressort s’est assis sur la légalité, la Cour d’appel ou sinon la Cour de cassation invalid ou casse le jugement. Mais je suis persuadée depuis que je m’intéresse à cette affaire qu’un appel n’y changera rien. Comment espérer que les magistrats de la Cour d’appel de Moscou ne soient pas moins à la botte - sinon plus - de Poutine ? Leur avancement, y avez-vous pensé ?

Il resterait bien évidemment en dernier recours la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme mais la procédure est horriblement longue. A ma connaissance (merci de me démentir si je me trompe) il n’y existe pas la possibilité qu’elle statue en référé quand les atteintes aux libertés fondamentales - et particulièrement s’agissant des peines privatives de liberté - sont en cause, ce qui me semble éminemment regrettable.

Autrement dit et connaissant en général la longueur des délais dans la plupart des affaires qui lui sont soumises, les Pussy Riots - condamnées deux ans à croupir dans un goulag à la mode de Poutine - auront plus que probablement purgé leur peine lorsque la Cour européenne condamnerait la Russie pour procès inéquitable et non fondé en droit. 

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