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La France ne peut cautionner «l’islamisme modéré» du Printemps arabe, par Yvan Rioufol

 

La France ne peut cautionner «l'islamisme modéré» du Printemps arabe, par Yvan Rioufol

 

 

 

 

Je ne suis décidément pas convaincu par ceux qui, en France, croient voir avec émotion les premiers pas de la démocratie musulmane avec l'arrivée des islamistes au pouvoir en Tunisie, en Libye, demain en Egypte. J'ai applaudi le Printemps arabe pour ses promesses de liberté et de laïcité (mais avec des réserves dont témoigne notamment ce blog du 7 février) et j'ai soutenu l'intervention militaire française contre le colonel Kadhafi parce qu'il était le tyran de son peuple. Cependant, j'ai le sentiment d'avoir été abusé par ces opposants Libyens qui, soutenus trop naïvement par Bernard-Henri Lévy, venaient promettre, à l'Elysée, l'exemplarité de leur résistance à l'obscurantisme. Ce mercredi encore, dans Libération, le nouvel homme fort de Benghazi, Ismaïl Sallabi, explique : "Oui la Libye nouvelle se bâtira dans le cadre de l'islam et de la charia", confirmant les propos des nouveaux dirigeants, dont la première décision a été de rétablir la polygamie. Or la charia (loi islamique), pour qui le Coran est la constitution, est inconciliable avec une démocratie laïque dont les lois procèdent de la volonté des peuples. Il est faux de laisser croire en une angélique "charia modérée", sauf à vider les mots.

 

De plus, l'argument qui assure que cet islamisme sympa se donnera la Turquie pour modèle, n'a rien pour me rassurer. Le régime de "l'islamiste modéré" Recep Tayyip Erdogan (celui qui dénonce "un crime contre l'humanité" dans l'assimilation des Turcs en Europe) s'éloigne à grande vitesse de l'héritage moderniste d'Atatürk. Le peintre Bedri Baykam, assassiné à Istambul en avril, avait déclaré à propos des dirigeants de l'AKP, le parti au pouvoir : "Leur volonté démocratique n'est qu'une façade. Ils vont se servir de la démocratie pour mieux la liquider". Dans Le Monde du 12 novembre, un collectif d'intellectuels a signé un article dénonçant "le tournant liberticide turc". On y apprend que soixante-dix journalistes sont emprisonnés pour délit d'opinion et que, depuis 2009, près de huit-mille personnes ont été arrêtées pour avoir exercé leur liberté d'expression. Les signataires écrivent : "La Turquie d'Erdogan révèle son vrai visage, celui d'un pouvoir qui a de moins en moins à envier au régime des généraux des années 1980. Rien à voir en tout cas avec la démocratie islamique tant vantée ces dernières semaines".

 

C'est auprès des vrais démocrates musulmans que la France et ses intellectuels se doivent d'être. Le chemin actuellement suivi, qui mènerait à un soit disant "islamisme modéré", n'a pas à être cautionné par les Occidentaux, sauf à perdre leurs propres repères et leurs convictions.

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