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La Nation Portugaise de Livourne et de Tunis, par Giacomo Nunez

La Nation Portugaise de Livourne et de Tunis.

 

Giacomo  Nunez

 

On appelait les Nouveaux Chrétiens revenus au Judaisme « Homens da Nação » car cette expression est synonyme de Juifs en Portugais. Connus  aussi comme « Homens de negocio », gens de négoce, ils ont parcouru le monde avec leurs navires et leurs marchandises. On les appelait aussi Conversos, Christiãos Novos. Nombreux étaient ceux qui judaïsaient en secret et qu’on appelait Marranes, une expression méprisante qui signifie « petit cochon » Avant que certains d’entre eux ne choisissent de  fuir l’Inquisition et de revenir librement a la foi de leurs pères a Livourne et Amsterdam.

Ces familles de Nouveaux Juifs, parties d’Espagne et du Portugal, se sont établies d’abord à Livourne puis en Tunisie où elles se sont regroupées dans des Communautés qu’ils ont appelées Portugaises.

Ce récit décrit leurs origines, leurs pérégrinations, les langues et les dialectes qu’ils ont tour a tour parlé dans les divers pays où ils ont séjourné. Et aussi leur volonté constante de résistance et de survie.

 

Originaires d’Espagne ils avaient émigré au Portugal pour fuir l’Inquisition et les lois de « limpieza de sangre » qui les empêchaient d’accéder a toutes sortes d’emplois et fonctions et d’avoir une vie normale. Mais au Portugal ils seront l’objet a nouveau de conversions forcées et de massacres. Un petit nombre de familles pas plus de 200 au total, pourra fuir a Anverse puis, de la, a Amsterdam, Livourne, Bordeaux et Bayonne. En Espagne comme au Portugal ils s’illustreront dans de nombreuses activités intellectuelles. On note ainsi les noms de Maimonide (la Mishna), Moise de Leon (la Kabbale), Joseph Caro (le Choulhane Aroukh). Parmi les savants Juifs ou Nouveaux Chrétiens Portugais on trouve Pedro Nunes, astronome et mathématicien réputé qui établît les cartes marines qui seront utilisées plus tard par Christophe Colomb après avoir été perfectionnées par le nouveau Chrétien Zacuto.

Ils iront ensuite a Livourne après avoir été invités par Ferdinand de Médicis  en 1593.Ils s’installeront dans ce port nouvellement construit et y développeront avec leur bateaux des activités commerciales a long rayon. C’est ainsi qu’on trouve parmi mes ancêtres maternels Rodrigo Cardoso qui, avec son bateau N.D de la Bonaventure, assurait une liaison entre Livourne et Alexandrie d’Egypte dès la fin du 16ème siècle. Nathan Nunes lui transportait de Tunis a Livourne des esclaves libérés et diverses marchandises, notamment de la laine qui servira a fabriquer des chéchias dans les usines des Cardoso a Pise. On trouve aussi le bateau d’Estevao Nunes qui assurait une liaison entre Lisbonne et Tunis, ainsi qu’un navire dénommé « li tre fratelli » appartenant aux « Habrei Nunes », aux Juifs Nunes.  Enfin les Lumbroso s’etaient spécialisést dans le rachat des esclaves européens capturés par les pirates barbaresques.

Leurs activités commerciales se déroulaient tout autour de la Méditerranée. Vers la Turquie où sont arrivés d’Espagne des milliers de Juifs expulses en 1492 a l‘Egypte. Et surtout vers l’Afrique du Nord. C’est d’ailleurs en Tunisie que se rendront pour être circoncis les Nouveaux Chrétiens invités par Ferdinand de Médicis : ceux ci préféraient un retour au Judaïsme loin de Livourne et de Rome ou sévissait l’Inquisition.

Déjà présents en petit nombre au milieu du17eme siècle ils arriveront de plus en plus nombreux a Tunis au cours du 19ème siècle : la création du Royaume d’Italie par Napoléon Bonaparte et le blocus Anglais qui est fut la conséquence réduisit l’activité du port de Livourne : les membres de la Communauté Portugaise décidèrent de plus en plus nombreux de se transférer dans le monde musulman avec lequel ils avaient des relations commerciales importantes depuis longtemps et des liens familiaux. Ils développeront a Livourne un dialecte judéo Italien, le bagito, qu’ils continueront a parler jusqu’en Tunisie.

En Tunisie et, dans une moindre mesure, dans les autres pays du Maghreb, ils apporteront des compétences nouvelles en tant qu’industriels, médecins, hommes de lois, banquiers, experts en tous genres. C’est ainsi que les livournais introduisent des industries alimentaires, notamment des conserveries (les Nunez, les Veroli), des huileries (les Cardoso), des minoteries (les Soria), le commerce du bois et l’activité minière (les Moreno).

 Ils créent aussi des réseaux hospitaliers, l’Hôpital Garibaldi et l’Hôpital Israelite qui auront des livournais comme médecins par exemple Maurizio Cardoso, Alberto Bensasson, Arthur Nunez, les oculistes Ugo et Giacomo Lumbroso etc. Dans ces hôpitaux seront notamment soignées les populations Juives déshéritées provenant du « ghetto » de la Hara ainsi que les travailleurs siciliens qui arrivaient de plus en plus nombreux de leur ile chassés par la misère et des conditions de vie féodales. Plusieurs banques Italiennes étaient aussi formées avec des capitaux livournais, le Credito Italiano per exemple.

Les Beys de Tunis nommeront même le General Valensi comme Chef de l’armée Tunisienne et Emmanuel Nunez, Ministre du Timbre. Il en sera de même de toute une série d’organisations Italiennes qui auront des livournais a leur tête. Par exemple, la Chambre de Commerce, la Société de bienfaisance Italienne, la Société culturelle Dante Alighieri dont les dirigeants seront. entre autres, des Moreno, des Nunez et des Bensasson.

 

 Tous ces « Nouveaux Juifs » venus de Livourne  ont des noms ibériques, Nunes(z), Cardoso, Enriques(z), Guttieres(z), Boccara, Moreno, Soria, Lumbroso qu’ils conserveront dans la Communauté Portugaise formée a Tunis. Celle ci  devient indépendante vers 1750 car ses membres ont la nationalité Toscane puis, en 1860, Italienne alors que les Juifs autochtones sont Tunisiens et sujets du Bey de Tunis. Les uns sont habillés comme les Européens avec une culotte de satin, des escarpins et un mantelet de laine doublé de soie cramoisie. Les Juifs Tunisiens seront pendant longtemps vêtus, comme les musulmans, d’une djellaba en été ou un burnous en hiver, d’un pantalon a queue de mouton, le sarouel, et ont aux pieds des babouches en cuir. Les livournais, sont monogames alors que la polygamie perdure chez les seconds. Les lois des uns et des autres sont aussi fort différentes avec des droits beaucoup plus égalitaires entre filles et garçons chez les livournais. Les différences sont si grandes qu’elles justifient l’existence non seulement de deux communautés séparées mais aussi d’associations caritatives différentes. Les livournais ont par exemple une association dénommée « Habera Ha Betoulot » (Havera para cazar Doncellas), la même qu’a Livourne, qui a pour vocation d’assurer une dot aux jeunes filles Juives pauvres et aux orphelines juives de tous les pays. La séparation est si nette que les livournais sont enterrés dans un cimetière séparé par un mur de celui des Juifs Tunisiens et que leurs rabbins sont différents. Ils seront a Tunis au nombre de 3000, et 5000 si l’on compte les Juifs Italiens qui ont adhéré en nombre a leur Communauté (les Veroli, Spizzochino, Funaro…) ou d’origine Askebazi, (les Finzi, Luzzato, Morpurgo..).

 

Cette séparation perdurera jusqu’aux années qui précédent et suivent la deuxième guerre mondiale. Jusqu’en  1938 une convention Italo-Française a permis aux livournais et à leurs nouveaux nés de conserver la nationalité Italienne : ils voulaient rester fideles au pays qui les avait accueillis avec tellement de générosité après les fureurs de l’Inquisition. Mais voilà qu’en automne 1938, et l’alliance de l’Italie avec l’Allemagne Nazie, Mussolini adopte des lois antisémites qui font des Juifs des citoyens de deuxième zone, privés des emplois publics et soumis a divers « numerus clausus » ; et peut être même privés de leur nationalité.

A Tunis cela signifie, en principe, que les enfants livournais ne seront plus accueillis dans les écoles Italiennes. Mais le Consulat d’Italie voudrait conserver l’appui des livournais qui pourraient être les leaders de la communauté Italienne si, comme l’espérait Mussolini, l’Italie remplaçait la France, comme puissance occupante. On leur proposa alors le statut « d’ariens d’honneur » proposition repoussée avec indignation par la plupart. Les conviction religieuses des livournais étaient plutôt tièdes depuis de siècles mais s’abaisser en devenant ariens d’honneur il ne fallait pas y penser. C’est comme cela que les enfants livournais devinrent les élèves des écoles françaises, et que, lentement, on observa un changement de citoyenneté de presque tous les Livournais. Seuls les plus nationalistes restèrent Italiens et partirent même plus tard vers l’Italie au moment de l’indépendance de la Tunisie

Le deuxième événement qui aboutit a la disparition de la Communauté Portugaise survint après la fin de la deuxième guerre mondiale. Pendant le régime de Vichy les livournais subirent les mêmes persécutions que les Juifs Tunisiens, par exemple la nomination de séquestres pour leurs entreprises. Apres l’arrivée des Nazis en 42-43 des notables livournais et tunisiens furent arrêtés comme otages et diverses réquisitions et spoliations décidées à leur encontre.

Finalement, le retour des Français en 1943, entraina de nouvelles discriminations: c’est qu’au yeux des la nouvelle administration il redevenaient des Italiens et donc des ennemis de la France. Ainsi 200 livournais furent envoyés en résidence forcée dans le sud Tunisien, et on expulsa certains d’entre eux vers l’Italie. L’intervention de l’Ambassade des Etats Unis et de Société Franc Maçonne américaine Bnai Brit  permit d’éviter de nouvelles vexations. Mais la Communauté Portugaise fut dissoute et ses biens dévolus a la Communauté Tunisienne. Il en fut de même du cimetière des livournais.

Ironie du sort,  tout le monde, Juifs Tunisiens ou Livournais, Maltais, Français ou Siciliens, en un mot tous le non musulmans, ont quitté la Tunisie après l’indépendance du pays. Les Juifs Tunisiens étaient présents dans le pays  depuis 1500 ans, bien avant l’arrivée des arabes; les livournais étaient là depuis près de 200 ans. La plupart vivent désormais  en France ou en Israël et certains sont même allés jusqu’en Amérique ou en Australie.

Les livournais ont disparu ainsi en tant que groupe organisé. aussi bien a Tunis qu’a Livourne. Dans cette dernière ville on ne trouve pratiquement plus de Juifs originaires d’Espagne et du Portugal : ils ont été remplacés par des Juifs originaires de Lybie, de Rome ou même venus d’Europe de l’Est au 19ème siècle avec les Autrichiens.

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Merci de tout cet éclaircissement . Je sais qu'à tunis on m'appelait" y a Guerni" , or après recherche ma famille était du côté de mon père
un mélange de Brami (père) et Bitan mère , donc rien de livournais ,il y avait une jalousie vis à vis des juifs livournais , c'est eux qui étaient les plus riches.....Moi , c'est pas un problème , je me pose plus de questions puisque ma mère n'ayant pas été juive je ne le suis pas ....Mektoub... En tous cas merci...

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