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Les trois défis d'Obama face à la haine de l'Amérique

 

Les trois défis d'Obama face à la haine de l'Amérique

 

 

  

Par Laure Mandeville pour le Figaro

 

Un an et demi après le printemps arabe, les États-Unis sont confrontés à une vague d'hostilité qui ravive le souvenir de la prise d'otages de Téhéran.

Le souvenir de la prise d'otages de Téhéran plane sur une diplomatie américaine plongée dans le désarroi alors que ses ambassades au Moyen-Orient sont prises d'assaut par des foules en colère. «Je vois les mêmes sentiments antiaméricains qui prévalaient en Iran en 1978-1979, avec des gouvernements qui cèdent aux humeurs de la foule», a noté sur CNN l'ex-officier de la CIA Robert Bauer. Un an et demi après le printemps arabe, qui avait embrasé les imaginations occidentales et laissé croire à l'émergence d'un Moyen-Orient moins antiaméricain, le président Obama doit affronter trois défis: un défi sécuritaire, dont la Libye est l'exemple le plus immédiat; un défi géopolitique dans une région où les alliés de l'Amérique sont de plus en plus rares; et un défi idéologique, Obama n'ayant pas réussi à changer la donne du «dialogue des civilisations» avec l'islam.  

1 - Le défi sécuritaire

 

L'ambassadeur de Libye à Washington a résumé la situation sans fard: «Kadhafi n'a pas laissé d'institutions. Nous n'avons pas d'armée, pas de police. Nous devons tout reconstruire de zéro.» Pour «rendre justice», comme l'a promis Obama, les enquêteurs américains vont devoir affronter un problème de maintien de l'ordre qui «existe à travers la région. Mais la Libye en est l'exemple le plus flagrant», note David Schenker, spécialiste du monde arabe au Washington Policy Institute. «Le pays n'a pas désarmé. L'État est obligé de payer les milices pour assurer l'ordre.»

 

Dans un rapport publié avant l'attentat de mardi, deux spécialistes de la Libye avaient tiré la sonnette d'alarme. «Pour prévenir la descente dans l'anarchie, les États-Unis doivent encourager la mise en place d'une force de maintien de l'ordre ou de police internationale et la sécurisation des stocks d'armes dispersés à travers le pays», notaient Karim Mezran et Fadel Lamen, chercheurs à l'Atlantic Council. Ils évoquaient l'inquiétant problème de la diffusion des armes libyennes, qui font route vers le Mali, la Tunisie, l'Algérie ou l'Égypte.

 

Les experts semblent d'accord pour dire que ce défi sécuritaire est surmontable, si les Américains restent impliqués en Libye. «La population reste beaucoup plus pro-américaine en Libye qu'ailleurs, beaucoup de gens rêvent que les Américains les débarrassent des salafistes. Et la réaction rapide du gouvernement libyen est rassurante», note le spécialiste du Moyen-Orient Nick Kristol. Les avis sont beaucoup plus mitigés concernant l'Égypte, où le gouvernement islamiste du président Morsi a réagi très mollement à la prise d'assaut de l'ambassade américaine par la foule.

 

2 - Le défi géopolitique

 

«Le tableau est loin d'être plaisant», note David Schenker, du Washington Policy Institute. Pendant près de quarante ans, argumente-t-il, l'Amérique s'est appuyée sur deux partenaires essentiels - la Turquie et l'Égypte. Mais l'arrivée d'un parti islamiste aux commandes à Ankara, puis le printemps arabe en Égypte ont changé la donne. «Ce qui s'est passé depuis deux jours au Caire est une manifestation criante de ce retournement», dit Schenker. Pour lui, la relation avec l'Égypte est en pleine détérioration avec l'arrivée d'un président issu de la mouvance des Frères musulmans. «Nous continuons à donner une aide de 1,5 milliard de dollars. En échange, Morsi a fait ses premiers voyages en Chine et à Téhéran. Il encourage les manifestants en appelant l'Amérique à juger l'auteur du film antimusulman… Il ne fait rien pour contrer l'installation de terroristes dans le Sinaï… Les relations avec Israël se dégradent», note Schenker. Le président Obama a d'ailleurs reconnu mercredi soir dans une interview que l'Égypte «n'était plus l'alliée» des États-Unis, s'empressant d'ajouter «que ce n'était pas non plus un ennemi». Certains analystes, comme David Ignatius, appellent à continuer de soutenir Morsi, en expliquant que les mouvements antiaméricains qui gagnent l'Égypte et l'ensemble de la région sont le fruit de luttes fratricides entre les islamistes modérés (comprendre les Frères musulmans) et les salafistes. Mais pour Schenker, cela revient à choisir «entre le mauvais et le pire».

 

Le problème, reconnaît-il, est que l'Amérique n'a pas vraiment d'alternatives. Face à un Iran marchant vers l'arme nucléaire, elle avait espéré créer une coalition pro-américaine après le printemps arabe. Mais Washington en est réduit à s'appuyer sur les régimes sunnites bien peu démocratiques du Golfe, comme l'Arabie saoudite. «Même en Jordanie, c'est très inquiétant. La coalition contre le roi ne cesse de grandir. Seule la peur d'un scénario à la syrienne donne encore un peu de légitimité au monarque, comme ciment d'une société aussi pauvre que déprimée», juge-t-il. En écho à ce pessimisme, la sénatrice Diana Feinstein note que l'Amérique doit «se préparer pour des événements imprévisibles».

 

3 - Le défi idéologique

 

Quelle réponse à apporter à l'islamisme? Le président Obama avait cru pouvoir surmonter «le choc des civilisations» dans son discours du Caire. Mais s'il a suscité beaucoup d'espoirs, il n'a pas réussi à réduire l'antiaméricanisme viscéral des populations arabes. Manipulées par des groupes extrémistes dont le but ultime est de défaire l'Occident, ces populations, pauvres et déshéritées, sont prêtes à réagir au quart de tour, quand un illuminé chrétien se fait entendre depuis la Floride ou la Californie, pour dénoncer le Coran. Pour eux, la défense du prophète justifie des actes de violence pouvant aller jusqu'au meurtre. Pris entre deux mondes très éloignés, Obama ne peut empêcher leur connexion via Internet. C'est ainsi que le pasteur de Floride Terry Jones peut, en brûlant un Coran, déclencher des émeutes en Afghanistan. Face à ce défi, Obama a pour l'instant choisi l'apaisement. Son administration a condamné avec une grande fermeté le fameux film californien.

 

Mais beaucoup d'Américains, notamment à droite, s'interrogent sur cette politique d'apaisement et d'excuses, qui, selon eux, ne fait que donner des arguments aux islamistes. «C'est incroyable de se dire que le chef d'état-major des armées en est à téléphoner plusieurs fois par mois à un pasteur fou de Floride pour le supplier de se taire, note David Schenker. Nous devrions refuser ce piège. Moi, je suis scandalisé quand le président égyptien Morsi affirme que le 11 Septembre est un complot américain. Mais je n'en fais pas motif pour prendre d'assaut l'ambassade d'Égypte à Washington.»

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