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Mauvais, naïf et surtout dangereux

De l’indécence de certains sourire

Mauvais, naïf et surtout dangereux(info # 011407/15)[Analyse]

Par Stéphane Juffa © MetulaNewsAgency

 

Peu de grands traités internationaux ont été signés dans une si étrange atmosphère. Le Président Obama et son Secrétaire d’Etat, John Kerry, ont tous deux tenu à préciser, dans leurs allocutions respectives, que le compromis avec Téhéran ne concernait que la question du nucléaire ; c’est probablement cette approche qui est à l’origine du malaise généralisé dont je parle.

 

Comment oublier en effet les propos du Guide suprême Khamenei d’il y a 3 jours, qui déclarait que "les Etats-Unis représentent l’arrogance globale et le combat contre eux va continuer de plus belle, même après la conclusion de l’entente sur le nucléaire".

 

Personne ne peut, non plus, faire l’impasse sur le fait, qu’en début de semaine, alors qu’à Vienne les négociateurs faisaient preuve d’acharnement pour parvenir à un compromis, le président perse Rohani prenait part à une manifestation monstre, durant laquelle les participants ont brûlé par dizaines des drapeaux de l’Oncle Sam en hurlant à tue-tête "Mort à l’Amérique, mort à Israël !".

 

Pour rester encore quelques lignes sur l’aspect émotionnel de l’évènement, on retiendra le sourire enjoué de Zarif lors de la conférence de presse de cette après-midi, et les œillades amicales que lui lançait, extatique, Federica Mogherini, la cheffe de la diplomatie européenne et, accessoirement, des 5+1 durant la négociation.

 

Grâce aux traits d’humour de Mohammad Zarif, sympathique par obligation professionnelle, s’exprimant parfaitement en anglais et redoutable et futé négociateur, on en aurait presque oublié les homosexuels pendus au faîte des grues ; les femmes lynchées, le massacre des poètes et des opposants, et le fait que la normalisation des relations avec la théocratie chiite condamne, dans la pratique, les 77 millions d’Iraniens à continuer de subir l’une des plus sombres dictatures de la planète, juste derrière la Corée du Nord dans l’ordre de la répression.

 

Plus égoïstement, dans l’Etat hébreu, la déception est à son comble ; premièrement, parce que, nonobstant la signature du traité, tous les dirigeants iraniens continuent de plus belle à appeler à notre éradication et promettent de rayer Israël de la carte. Et en second, les choses sont évidemment liées, on observe d’ici que ces menaces directes de génocide n’ont en aucun cas impressionné les ministres des six principales puissances du globe, qui n’en ont visiblement tenu aucun compte. Et ce déchainement d’antisémitisme assumé ne les a pas empêchés de s’entendre avec le représentant de ce régime monstrueux, et même dans une ambiance finalement chaleureuse, quasi-festive.

 

Au niveau stratégique, car c’est ce qui importe après tout, Binyamin Netanyahou a relevé cette après-midi les propos du Président Rohani expliquant : "La communauté internationale lève les sanctions, et l’Iran conserve son programme nucléaire".

 

Presque tout est résumé dans cette phrase ; les 5+1 ont octroyé au monde, en principe, dix ans de délai dans la fabrication de la bombe atomique persane. Ils ont porté le breakout time, le temps nécessaire à la "République" Islamique pour fabriquer l’arme atomique, de trois mois actuellement, à un an approximativement. Lorsque Téhéran aura rempli ses obligations contractuelles, s’entend, et s’il les honore.

 

En principe, car les ayatollahs peuvent dénoncer l’accord quand ils le désirent, plus particulièrement lorsqu’ils auront touché l’essentiel de la contrepartie financière. Ils peuvent aussi, comme ils l’ont fait par le passé, essayer de tricher en maintenant au moins une partie de leur projet nucléaire militaire actif, au nez et à la barbe des inspecteurs de l’agence viennoise.

 

Car après avoir lu la totalité des 159 pages du Plan d’Action Global et Conjoint, c’est le titre de l’opuscule, nous n’avons pas manqué de nous étonner de l’anémie des clauses gouvernant le travail des commissaires de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique.

 

Contrairement à ce que la Maison Blanche avait promis, notamment à son propre Congrès, les inspecteurs ne pourront pas visiter les sites qui les intéressent où ils le désirent et quand ils le désirent ; ils seront contraints, au coup par coup, de requérir la permission des théocrates de Téhéran et d’obtenir leur accord préalable.

 

Quant à l’examen des sites militaires, l’annexe le concernant n’est pas encore rédigé ; il fera l’objet d’une négociation séparée entre l’AIEA et la bande à Zarif. Une discussion qui promet d’être au moins aussi tendue que celle qui a précédé la signature de l’accord ce mardi.

 

Or la liberté absolue des mouvements des inspecteurs de Vienne constituait l’unique garantie pour le reste du monde pour s’assurer que les Iraniens respectent au moins les engagements qu’ils ont pris. Cela aussi est étrange, qu’après avoir constaté le manque de coopération - c’est un euphémisme - de la théocratie chiite avec l’AIEA depuis l’accord intermédiaire de janvier 2014, John Kerry n’ait pas au moins insisté sur son unique possibilité de contrôler la bonne exécution du traité.

 

A Métula, on s’étonne aussi depuis quelques jours du silence assourdissant des gouvernements allemand et britannique, qui se gardent de tout commentaire à propos de la chose signée. L’on sait, depuis le début des pourparlers à l’hôtel Cobourg, que les délégations européennes n’appréciaient guère le cavalier seul du secrétaire d’Etat américain, ni sa propension à les mettre devant les faits accomplis, mais leur agacement est resté incroyablement retenu.

 

On se demande même si Berlin et Londres y sont allés d’une phrase ou d’une virgule dans le protocole qui nous est proposé aujourd’hui. Surprenante discrétion.

 

Dans l’espoir fragile de ne pas buter sur de nouvelles entourloupes de la part des mollahs, on peut revenir à notre résumé du traité : dix ans de gel de leurs activités nucléaires, augmenté de la destruction du stock d’uranium enrichi qui leur aurait permis, à terme, de confectionner entre 8 et 12 bombes.

 

Nous, de préciser, c’est important, qu’aucun boulon appartenant au programme nucléaire perse ne sera détruit ; 14 000 centrifugeuses seront mises sous bâches dans l’entrepôt B du centre d’enrichissement de Natanz. Dans une décennie, il suffira de les découvrir et de les graisser un peu pour les remettre en rotation.

 

Le reste, particulièrement le souhait exprimé par Barack Obama d’un assouplissement du régime, participe d’un vœu pieu qui nous apparaît particulièrement ingénu.

 

Car l’argent des sanctions, beaucoup d’argent, entre 160 et 200 milliards de dollars en espèces, qui ne sont pas grand-chose en comparaison des revenus prévisibles de la remise en route de l’exploitation du pétrole et du gaz, ne serviront ni à construire des routes, n’en déplaise au pensionnaire de la Maison Blanche, ni à réapprovisionner les hôpitaux en médicaments.

 

Ces sommes énormes seront consacrées à la poursuite de l’expansion armée de l’empire chiite dans tout le Moyen-Orient, de Beyrouth, sur les rives de la Méditerranée, aux plaines de Syrie et d’Irak, en passant par le Yémen et les Etats du Golfe.

 

Parce que la question foncière demeure sans réponse : s’il ne vise pas la bombe atomique, qu’est-ce que le pays qui dispose des deuxièmes plus grandes réserves mondiales de brut et de gaz naturel peut faire de 19 000 centrifugeuses et d’une usine à plutonium ? Il est tout simplement délirant de constater que les dirigeants de ce monde évitent ce questionnement depuis tant de temps.

 

Aux termes de l’accord, dans cinq ans, les mollahs pourront se remettre à acheter les armes conventionnelles qui leur font aujourd’hui défaut ; dans 8 ans, ils auront aussi le loisir d’acquérir des pièces et de la technologie nécessaires à la poursuite du développement de leurs missiles balistiques.

 

Des missiles, soit dit en passant, qui ont déjà la portée suffisante pour atteindre l’ensemble du monde arabe, Israël et les deux tiers de l’Europe occidentale.

 

Mais où est donc Angela Merkel, si active sur la question grecque ?

 

On préfère tout de même sa discrétion aux fanfaronnades de François Hollande, qui, ce 14 juillet, n’a rien trouvé de plus sensé que de demander à l’Iran de "montrer qu’il est prêt à nous aider à en finir avec le conflit syrien", le président français précisant que "cela passe par un départ du Président syrien Bachar al Assad, qui est la cause de ce qui s’est produit, donc la conséquence de ce que nous avons à faire pour trouver une solution politique".

 

Le président français, sans doute sous l’effet de l’alcool, a ajouté que la France devait désormais vérifier l’usage que les Iraniens feront des milliards de dollars émanant de la levée des sanctions internationales. Il ne faut pas, a mis en garde Monsieur Hollande, que cet argent parvienne aux organisations terroristes de la région. Le président "normal" a implicitement menacé Téhéran d’intervenir militairement s’il n’était pas écouté.

 

Dans les étals du bazar d’Ispahan on tremble sans doute de peur face à ses propos, ici, malgré les mauvaises nouvelles de la journée, ils nous ont arraché un sourire.

 

Au-delà des conséquences catastrophiques de l’enrichissement de la dictature théocratique perse, il faut aussi prendre en compte sa légitimation du fait du traité de ce jour. Son programme nucléaire, conduit jusqu’ici dans la clandestinité et contre la volonté de la communauté internationale, est certes gelé mais il est devenu totalement légal. Aujourd’hui l’atome iranien s’est vu décerner son droit de cité, et il le conservera bien au-delà du terme du contrat, dans une décennie.

 

L’occupation militaire de facto de la moitié de l’Irak par Khamenei et ses alliés chiites iraniens se voit également consacrée, tout comme la présence dans le Golan des Gardiens de la Révolution, qui ne vont pas tarder à toucher du matériel neuf et sophistiqué.

 

On n’y a sûrement pas pensé lors des pourparlers de Vienne - on est si étourdi - mais l’accord signé aujourd’hui ratifie également l’abandon définitif du Liban entre les mains des tyrans de Téhéran et de leurs supplétifs barbus du Hezbollah.

 

Ils imposaient déjà leur volonté par la force et l’intimidation aux autres communautés du pays aux cèdres, mais avec dix milliards de dollars en plus, cette emprise deviendra pérenne et indiscutable. Si personne n’a abordé le sujet à l’hôtel Cobourg, c’est que les discussions, ne concernaient que… la question nucléaire.

 

Qu’à cela ne tienne, l’encre du traité n’était pas encore sèche que le monde des affaires réservait déjà ses billets d’avion pour Téhéran. Téhéran, ce nouvel Eldorado du business, privé durant des années d’un approvisionnement régulier, manque en effet de tout.

 

Les géants pétroliers, et autres fournisseurs de matériel de pompage et de transport de pétrole voyageront dès demain en première classe. En business, les fabricants de voitures, d’avions civils et de leurs pièces de rechange, actuellement introuvables du côté de Téhéran. Même les antiquaires et les marchands de tapis – c’est authentique, nous leur avons parlé - vont s’y ruer comme un seul homme en chasse d’affaires mirobolantes.

 

La "République" Islamique va rapidement devenir un pays très riche.

 

Dans le monde arabe, c’est l’incrédulité qui prédomine face à l’inconscience des dirigeants des grandes puissances. Notre correspondant Hassan H. à Amman a ainsi recueilli les propos d’un analyste saoudien, qui lui faisait la remarque suivante : "Avec tout cet argent et dans l’attente de sa bombe atomique, l’Iran ne pourra pas s’attaquer à l’Amérique, pas plus qu’à Israël, et c’est donc aux pays arabes qu’il va s’en prendre incessamment". Comment ne pas donner raison à ce confrère ?

 

Restent deux barrages possibles pour arrêter le flux de cet accord exécrable : le premier est le Congrès américain, qui dispose de 60 jours pour rejeter le brouillon de John Kerry. Le Président Obama ayant fait savoir, dès cette après-midi, qu’il opposerait son veto à un éventuel refus des législateurs, il faudrait que la proposition de traité soit rejetée dans les deux Chambres à une majorité de plus de 75% pour empêcher le président de l’entériner.

 

Nos camarades en poste aux Etats-Unis se montrent pessimistes quant à cette éventualité ; ils prévoient cependant de chaudes empoignades et des votes qui se joueront à une ou deux voix près.

 

Nous, d’observer que l’administration a procédé à de nombreuses concessions sur des sujets fondamentaux, en comparaison aux promesses que le secrétaire d’Etat était venu faire au Capitole en mars dernier.

 

Les sénateurs et les représentants sont probablement plus sensibles que Barack Obama, lorsqu’un "nouveau partenaire" brûle leur drapeau et hurle sa haine de l’Amérique.

 

Le porte-parole Républicain de la Chambre des représentants a déjà, comme nombre de ses collègues, y compris des Démocrates, critiqué le contenu du traité. Contrairement aux prédictions du Président Obama, John Boehner a ainsi affirmé qu’ "à la place de stopper la prolifération des armes nucléaires au Moyen-Orient, ce deal va probablement alimenter une course aux armements partout dans le monde".

 

Le dernier recours est israélien, Binyamin Netanyahou ayant précisé que son pays "n’est pas lié par cet accord avec l’Iran, car l’Iran continue à viser notre destruction. Nous ne cesserons jamais de nous défendre".

 

On voit mal, cependant, Jérusalem prendre le contre-pied des grandes puissances de la planète en se lançant dans une opération militaire contre la "République" Islamique. En revanche, l’Etat hébreu guettera la moindre infraction fondamentale des ayatollahs relativement à leurs engagements pour envisager une éventuelle intervention.

 

Mais Barack Obama et son administration feront tout ce qui est en leur pouvoir afin de décourager le gouvernement hébreu. Moins par la dissuasion politique – ils sont à court d’arguments dans ce domaine -, qu’en tentant de l’amadouer en le couvrant de cadeaux ; ces derniers jours, Washington a promis de livrer à Jérusalem des armes haut de gamme, qu’elle ne partage pour l’instant avec personne d’autre. L’administration a aussi fait miroiter l’éventualité de livrer gratuitement à Tsahal un escadron supplémentaire de chasseurs bombardiers furtifs F-35, qu’Israël n’a pas les moyens de s’offrir, et dont elle a besoin.

 

Si cela pouvait alléger la pression que Jérusalem entend exercer sur les sénateurs et députés US, cela ferait l’affaire du pensionnaire de la Maison Blanche.

 

Celui-ci a bradé les intérêts essentiels des habitants de la Terre, leur sécurité, en soldant ce traité à n’importe quel prix.

 

S’il y a deux ans quelqu’un avait présenté à l’opinion publique le texte du Plan d’Action Global et Conjoint, absolument personne n’aurait cru qu’il porterait un jour la griffe des représentants des six plus grandes puissances du globe.

 

Ce n’est pas tant dans son libellé que ce texte est épouvantablement dangereux, mais à cause de la limitation artificielle de sa portée et du partenaire avec lequel on l’a signé.

 

Ce mardi soir, Israël et les pays arabes divergent du reste du monde sur une analyse fondamentale : lorsque l’on est en présence d’un régime belliciste, raciste et fanatique, tel celui de Khamenei, on se doit de l’affronter, non de le rendre plus fort.  

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