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Unité dans l'islamisme, par Daniel Pipes

Le drapeau noir salafiste flotte au-dessus de l'ambassade américaine à Tunis le 14 septembre

 

Unité dans l'islamisme

 

 

 

Un attentat du 14 septembre contre l'ambassade américaine à Tunis a laissé 4 morts, 49 blessés, plusieurs bâtiments pillés et brûlés, et le drapeau noir salafiste flottant au-dessus des jardins de l'ambassade. En réponse, le parti islamiste «modéré»de Tunisie au pouvoir, Ennahda, a franchement condamné l'incident; le ministre de l'Intérieur Ali Larayedh a reconnu que le gouvernement «n'avait pas réussi à protéger l'ambassade et nous devrions présenter nos excuses aux Américains.» Le chef d'Ennahda, Rachid Ghannouchi, a encore plus violemment condamné les salafistes comme un «danger» pour la liberté et la sécurité en Tunisie et a appelé à un combat contre eux par tous les moyens légaux.

 

Ces déclarations ont rassuré les Américains comme quoi si les fous à longue barbe et en burqa avaient envie de les tuer, les islamistes qui semblent modérés en cravate et hijab sont civilisés et respectueux des lois. Cela revient à s'inscrire dans une politique qui remonte à 1992, de lutte contre les islamistes violents tout en coopérant avec les islamistes non-violents. C'est ainsi que les troupes américaines ont exécuté Oussama ben Laden alors que les présidents américains ont aidé les islamistes à arriver au pouvoir en Turquie et en Egypte.

De nombreuses autres différences marquent les différents volets de l'islamisme: Yusuf al-Qaradawi exhorte à la conversion pour gagner les non musulmans, Boko Haram du Nigéria préfère les tuer. L'organisation Hizb ut-Tahrir vise à réunir tous les musulmans sous la domination d'un califat universel, les Fethullahis de Turquie [organisation de Fethullah Gülen (NDLT)] aspirent à construire une forme nationale de l'islam. Le président islamiste égyptien porte régulièrement une cravate, son homologue iranien n'en porte jamais. L'ex Cat Stevens[converti à l'islam, il porte désormais le nom de Yusuf Islam(NDLT)] chante a cappella un Nashid [chant avec lequel le prophète avait été accueilli à Médine lors de son hégire(NDLT)], tandis que le mouvement Shabab en Somalie interdit toute musique à la radio. Les femmes ne peuvent pas conduire une voiture en Arabie saoudite, mais elles conduisent des taxis en Iran.

 

D'une manière plus générale, les islamistes se divisent en trois types: (1) les salafistes, qui vénèrent l'époque des pieux ancêtres - salaf (les trois premières générations de musulmans) et visent à la faire revivre en portant des vêtements arabes, adoptant des coutumes anciennes, et supposant un état d'esprit médiéval qui conduit à une violence basée sur la religion. (2) Les Frères musulmans et des gens comme eux qui aspirent à une version islamique de la modernité; selon les circonstances, ils peuvent agir violemment ou non. (3) Les islamistes légaux qui travaillent au sein du système, en s'engageant dans des activités politiques, médiatiques, juridiques et éducatives; par définition, ils ne s'engagent pas dans la violence.
Leurs différences sont réelles. Mais elles sont aussi secondaires, car tous les islamistes poussent dans la même direction, vers l'application pleine et sévère de la loi islamique (la charia), et ils coopèrent souvent à cette fin, parfois clandestinement. Par exemple, une vidéo récemment divulguée de Tunisie établit des liens entre Ennahda et la violence de l'ambassade. Initialement diffusée en avril 2012, la vidéo a refait surface le 9 octobre. Dans ce document, Ghannouchi parle tactique avec de jeunes salafistes pour atteindre leurs objectifs communs et se vante: «Nous avons rencontré ... les salafistes, dont Cheikh Abou Iyadh."

 

Oh, vraiment? Abou Iyadh, dont le vrai nom est Seifallah Ben Hassine, chef d' Ansar al-Sharia, alias Al-Qaïda dans la péninsule arabique. La police tunisienne a établi un coup de filet pour l'interroger sur son rôle de premier plan dans l'attaque le 14 septembre. Avec la révélation de cette réunion, la vidéo sape la condamnation par Ennahda de l'attaque du 14 septembre.

La vidéo montre également que Ghannouchi voit Ennahda et les salafistes comme des alliés dans la tentative pour dominer la Tunisie et mettre en œuvre la charia. Il prodigue à ses auditeurs salafistes quelques conseils stratégiques: «Je dis à nos jeunes salafistes d'être patients ... Pourquoi se dépêcher? Prenez votre temps pour consolider ce que vous avez accompli» en créant des «chaînes de télévision, des stations de radio, des écoles et des universités." Il exhorte également à «remplir le pays avec des associations, à mettre en place des écoles coraniques partout, et à inviter des prédicateurs religieux.»

 

Ce qui est très révélateur, Ghannouchi déclare que «le gouvernement est maintenant entre les mains des islamistes, les mosquées sont nôtres maintenant, et nous sommes devenus l'entité la plus importante dans le pays.» Notez les références à «nôtres» et «nous», ce qui confirme qu'il voit Ennahda et les Salafistes comme constituant une force unie.

Pour Ghannouchi tendre la main à Al-Qaïda s'inscrit dans un modèle plus large. Le gouvernement turc ne travaille pas seulement avec l'IHH, une organisation associée à Al-Qaida, mais il pourrait bientôt rejoindre la Corée du Nord et l'Iran sur la liste noire pour ses lois laxistes sur le financement du terrorisme. Le CAIR (Council on American-Islamic Relations – Conseil pour les relations américano-islamiques) semble légitime, mais c'est une organisation soutenant le terrorisme fondée par des partisans du Hamas. Les islamistes britanniques "modérés" ont exploité les incidents terroristes pour accroître leur influence.

Le dévoilement de la bande vidéo tunisienne offre encore [la preuve d'] une dichotomie soigneusement élaborée entre islamistes modérés et extrémistes qui s'écroule. Tous les islamistes ne font qu'un. Un islamiste modéré est une notion aussi étrange qu'un nazi modéré. Chaque membre de ce mouvement barbare est un voyou potentiel totalitaire. Les gouvernements occidentaux ne devraient pas accepter de coopérer avec l'un ou l'autre.

 

par Daniel Pipes
National Review Online
30 octobre 2012

http://fr.danielpipes.org/12115/islamisme-unite

Version originale anglaise: Islamism's Unity
Adaptation française: Anne-Marie Delcambre de Champvert

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