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Le fiasco du sauvetage des otages en Algérie

Mokhtar Belmokhtar, le chef des Islamistes responsables de l’opération (Photo: AP)

 

Le fiasco du  sauvetage des otages en Algérie

 

Selon les experts israéliens, le sauvetage des otages en Algérie a été bâclé au mépris des règles élémentaires pour ce type d'opérations.

L’opération algérienne visant à libérer les otages détenus par des terroristes islamistes sur une installation gazière n’a pas été menée par des forces d’élite, manquait de reconnaissance du terrain, selon des officiers israéliens.

Yoav Zitun

Le raid, mis sur pied par les forces de sécurité en Algérie, pour libérer des dizaines d’otages occidentaux et locaux détenus par des terroristes islamistes, semble ne pas avoir été mené par des commandos d’élite, a déclaré un officier supérieur de Tsahal, jeudi, suggérant que les autorités de ce pays d’Afrique du Nord n’ont pas su planifier l’opération de manière adéquate.

Des hélicoptères algériens et des forces spéciales ("Ninjas") sont entrés en trombe sur le site gazier des plaines caillouteuses du Sahara, jeudi, afin d’éradiquer les terroristes et de libérer les captifs provenant d’au moins dix pays différents. Un chaos sanglant s’en est suivi, laissant le sort des combattants et de la plupart des otages totalement dans l’incertitude.

Les revendications contradictoires de l’armée et des Jihadistes n’ont fait qu’accentuer le sentiment de s’enliser plus profondément, ressenti dans le monde entier, dans l’incompréhension d’un évènement qui a provoqué la colère des dirigeants occidentaux, a fait grimper les prix du pétrole et gravement compliqué l’opération militaire en cours au proche Mali.

Rapidement, au moins six personnes, et sans doute beaucoup plus, ont été tuées : des Britanniques, des Philippins et Algériens. Des otages terrorisés d’Irlande et de Norvège ont réussi à s’échapper du site d’Ain Amenas, leurs familles les exhortant à ne jamais plus y retourner.

Des dizaines d’autres restent portées disparues, concernant des : Américains, Britanniques, Français, Norvégiens, Roumains, Malaisiens, Japonais, des Algériens et on ne sait pas grand-chose quant aux islamistes eux-mêmes, qui continuent de poser leurs conditions. Certains rapports évaluent le taux de pertes humaines à plus de 30-35, concernant les otages et à une vingtaine de terroristes (18).

 

“C’est un Fiasco”.

Le Lieutenant-Colonel de réserve Doron Avital, un ancien commandant duSayeret Matkal, l’unité d’élite de Tsahal, explique qu’une telle situation de prise d’otages requiert des autorités, d’abord de verrouiller l’endroit, de prendre contact avec les kidnappeurs et de s’assurer que la situation est stable, avant de lancer une opération de sauvetage.

“C’est seulement alors que vous êtes en mesure de recueillir des renseignements et de déployer des forces”, confie Avital à Ynet. « Vous devez parvenir au moment optimum où vous serez en mesure de monter la meilleure opération possible, tout en maintenant les négociations ouvertes.

“Tout se passe comme si, en Algérie, ils s’étaient lancés dans l’action sans réfléchir. C’est un fiasco. Ils voulaient que cela se termine rapidement, et cela n’a conduit qu’à un taux élevé de pertes humaines (et à la poursuite des échauffourrées) ».

Les Américains ont envoyé un drone de surveillance sans pilote au-dessus du site opérationnel de BP, près de la frontière avec la Libye et à 1290 kms de la capitale algérienne, mais il n’a pas pu faire mieux que d’observer l’intervention de jeudi. Le gouvernement algérien dominé par l’armée, endurci par des décennies de combat contre les jihadistes islamistes a accueilli les offres d’aide étrangère par un haussement d’épaules et est parti seul de l’avant.

Avec le drame des otages entrant dans sa deuxième journée, jeudi, les forces de sécurité algériennes se sont mises en mouvement, d’abord appuyées par des tirs d’hélicoptère, puis avec des forces spéciales, selon les diplomates, une agence internet proche des islamistes (l'agence de presse mauritanienne) et un responsable de la sécurité algérienne. Le gouvernement a affirmé qu’il était contraint d’intervenir, parce que les terroristes s’entêtaient et voulaient fuir avec les otages.

 

'Les forces israéliennes opèrent globalement'

La prise d’otages – menée par une filiale d’Al Qaeda basée au Mali, connue sous le nom « Des signataires avec leur sang » (ou Brigade masquée)- sert de rappel quant à la complexité des opérations de sauvetage d’otages, particulièrement lorsque les captifs sont des étrangers.

Avital indique que l’Allemagne et Israël ont été confrontés à une situation similaire, durant les Jeux Olympiques de Munich de 1972, alors que 11 membres de l’équipe olympique israélienne étaient détenus en otage avant d’être tués.

“Nous voulions entrer en action, mais n’avons pas obtenu le consentement des Allemands”, rappelle Avital. « Nous avons carrément tenté d’envoyer le chef du Mossad sur place. Mais, dans ce genre de situation, il est de coutume de ne pas violer la souveraineté (du pays d’accueil).

“L’autonomie des gouvernements doit, néanmoins reconnaître son engagement envers les travailleurs étrangers », ajoute t-il, en faisant référence à la situation en Algérie, qui dépend de l’activité des entreprises étrangères sur son sol.

Quoi qu’il en soit, Avital explique que les unités de commandos israéliens opèrent, souvent, globalement (hors de leurs frontières). Avec des centaines d’Israéliens résidant dans des pays d’Afrique pour leurs affaires et des quantités encore plus importantes y passant leurs vacances, les forces israéliennes sont préparées à répondre à des situations impliquant des citoyens de l’Etat Juif à l'étranger.

“Israël dispose d’une capacité indiscutable de secourir des otages israéliens en Afrique”, affirme Avital. « Le Sayeret Matkal opère à l’extérieur des frontières d’Israël, aussi a-t-il la logistique et le rayon d'action pour atteindre rapidement des endroits éloignés.

“Dans un pays occidental, personne ne nous laisserait opérer, mais s’il s’agit d’un pays qui est déchiré par la guerre civile ou se trouve au beau milieu de disputes et d’accrochages frontaliers, c’est certainement à notre portée”.

 

Pas de pourparlers, un manqué patent de renseignements.

Les négociations sont un élément-clé, d’une importance cruciale, dans une opération de sauvetage réussie, ajoute Avital, notant qu’un tel effort ne semble pas avoir été entrepris, en Algérie.

“Les négociations constituent le point de départ d’une action tactique qui vous permet de comprendre qui sont les kidnappeurs et ce qu’ils veulent », dit-il. « Là, on a l’impression  qu’ils n’ont même pas essayé de commencer à discuter. Cela leur aurait permis de recueillir des renseignements, d’organiser les forces et de reprendre l’initiative de l’action ».

Les conséquences meurtrières de ce qui s’est passé en Algérie suggèrent que les efforts de reconnaissance suffisante du terrain, conduits avant l’opération sont absents, selon Elik Ron, un ancien chef de la police israélienne.

“Vous devez vous donner les moyens de conserver l’effet de surprise, qui reste le fondement de tout”, ajoute t-il.

L’Agence de presse APS a prétendu que quelques 600 travailleurs locaux avaient été libérés sains et saufs par les soldats participant au raid – mais la plupart d’entre eux avaient déjà été décrits par les reportages précédents, comme ayant été libérés la veille par les Islamistes eux-mêmes.

Les Jihadistes, selon un site internet d’actualités mauritanien, ont revendiqué que 35 otages et 15 islamistes avaient été tués dans le mitraillage par hélicoptère. Un porte-parole des Brigades masquées a déclaré à l’Agence d’Information de Nouakchott, en Mauritanie, que seuls sept otages avaient survécu.

A la tombée de la nuit, le gouvernement algérien a déclaré que le raid était terminé. Mais les tenants et aboutissants concernant le reste des travailleurs du site restaient obscurs et les combats se poursuivaient, le lendemain (et encore à l’heure qu’il est).

Le Ministre algérien de l’Intérieur Daho Ould Kabila, a affirmé que 20 islamistes déterminés étaient entrés dans le pays en arrivant de la Libye proche, dans trois véhicules, dans une opération commandée par le cerveau extrémiste Mokhtar Belmokhtar, qui est normalement basé au Mali.

Les terroristes ont fait clairement savoir que leur attaque répliquait à l’intervention française au Mali. Un commandant, Oumar Ould Hamaha, a revendiqué que leur but était, désormais, de « globaliser le conflit », pour se venger de l’assaut militaire sur le territoire malien. Ils réclament encore la libération, par les Américains, d'Omar Abdul Rahman, le Cheikh aveugle, responsable du premier attentat contre le WTC, en 1993 et proche d'Ayman al Zawahiri, qui dirigeait alors le Jihad Islamique égyptien, au moment de l'assassinat de Sadate. Tout comme l'exige Mohamed Morsi, l'allié égyptien de Barack Obama. Pure coïncidence... Ils réclament aussi la libération d'Aafia Siddiqui, une scientifique pakistanaise emprisonnée aux Etats-Unis pour avoir tenté de tirer sur des soldats américains en 2008 en Afghanistan, alors qu'elle était détenue pour ses liens présumés avec al-Qaëda. La piste de la Centrale d'Al Qaeda, bien au-delà d'AQMI régional, se précise donc : Analyse : Le Commandement Central d’Al Qaeda Garde le Contrôle des opérations de Kidnapping.

 

http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4334114,00.html

l' AP a contribué à ce reportage.

Adaptation : Marc Brzustowski

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