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Les options dangereuses

Que fait ce M1 Abrams neuf au service des supplétifs de l’Iran dans la Guerre de Syrie ?

Les options dangereuses(info # 012303/15)[Analyse]

Par Stéphane Juffa© MetulaNewsAgency

 

Devant Tikrit, en Irak, c’est l’Armée iranienne qui dirige l’assaut contre la ville encore tenue par les combattants de l’Etat Islamique. Les Kurdes, dont les premières lignes ne sont distantes que de quelques dizaines de kilomètres de ce théâtre d’opérations, et les sunnites, en Irak et dans le monde arabe, s’inquiètent vivement de cette ingérence, faisant remarquer qu’il est plus qu’improbable que les Perses se retirent une fois le territoire conquis.

 

Au Yémen, c’est également Téhéran qui tire les ficelles de la Guerre civile et qui se dissimule derrière la rébellion des Houthis chiites, auxquels il fournit les armes et l’encadrement.

 

A Damas, ce sont les ayatollahs iraniens qui sont les seuls garants du maintien du régime de Bachar al Assad, et au Liban, leurs supplétifs chiites du Hezbollah paralysent totalement la vie politique, tandis qu’ils étendent leurs zones géographiques d’influence et qu’ils terminent de phagocyter l’Armée nationale.

 

Selon de récents rapports concordants, environ 13 000 prisonniers aux mains du régime alaouite ont été passés par les armes, et 20 à 30 000 autres ont "définitivement disparu" ; la Guerre Civile syrienne a fait à ce jour, selon les bilans tenus par notre correspondant à Beyrouth Michaël Béhé, plus de 300 000 morts et sept fois plus de blessés et d’invalides permanents.

 

Pour répondre favorablement à une condition iranienne secrète énoncée durant les négociations sur l’atome, le Département d’Etat est en train de constituer une délégation qui devrait se rendre dans la capitale syrienne pour "discuter" avec Bachar al Assad. John Kerry a déjà averti que des contacts avec le régime de Damas étaient "inévitables" ; quant à al Assad, il a posé des conditions supplémentaires à l’accueil des ambassadeurs U.S.

 

L’armada yankee en Syrie et en Irak, envoyée pour combattre les extrémistes armés, n’a jamais ouvert le feu contre les miliciens du Hezbollah libanais, les soldats iraniens ou contre les forces du régime alaouite. Ce, malgré que ces combattants affrontent régulièrement leurs ennemis de l’Armée Syrienne Libre, officiellement alliée des Occidentaux (entraînée et armée par eux, notamment en Jordanie), et pas uniquement les organisations djihadistes DAESH et al Nosra.

 

Dans le Golan, à 22 kilomètres de la rédaction, ce sont les Pasdaran – les Gardiens de la Révolution khomeyniste - qui ont pris la tête des opérations contre les islamistes d’al Qaeda-al Nosra et l’Armée Syrienne Libre. Laquelle a félicité Binyamin Netanyahu pour sa victoire et remercié l’Etat d’Israël pour les soins qu’il porte à ses blessés ainsi qu’à la population du haut plateau. 

 

Pendant ce temps, très loin de là, à Washington, devant le Sénat, James Clapper, le directeur des services de renseignement des Etats-Unis, la National Intelligence, a présenté son Estimation Annuelle de Sécurité. Contrairement aux années précédentes, l’Iran et le Hezbollah ont été retirés de la liste des entités terroristes menaçant les intérêts américains.

 

On lit au contraire dans ce rapport qui n’est pas secret, que Téhéran apporte son concours afin d’empêcher que le Califat islamique ne s’empare de nouveaux territoires en Irak ; on y trouve également ce commentaire pour le moins remarquable : La République Islamique "a l’intention de réduire le sectarisme, de construire des alliances responsables, et d’atténuer les tensions avec l’Arabie Saoudite".

 

La Ména a récemment montré des images et des vidéos de miliciens du Hezbollah juchés sur des chars U.S flambant neufs, en train de monter au combat, en Syrie, contre des opposants au régime. Le gouvernement américain n’a fourni aucune explication sensée quant à l’origine de ces armes.

 

Le prince saoudien al Walid Ben Talal Ben Abdel Aziz, dans une interview accordée à la chaîne américaine Bloomberg, a déclaré : "Les dirigeants d’Israël et d’Arabie Saoudite s’inquiètent du fait qu’Obama prend de plus en plus le parti de l’Iran. L’Iran va profiter de ses négociations avec les grandes puissances pour obtenir une levée partielle des sanctions sans qu’il ne s’engage à mettre un terme à son programme nucléaire".

 

Il a précisé : "L’Arabie saoudite, les Arabes et les musulmans sunnites approuvent une attaque israélienne contre l’Iran pour détruire son programme nucléaire. Les sunnites appuieraient une telle attaque, car ils sont hostiles aux chiites et à l’Iran".

 

Reutersa diffusé des extraits du brouillon d’accord négocié entre Kerry et Zarif. Il mentionne, entre autres mesures, le maintien en activité quotidienne de 6 000 centrifugeuses durant dix ans. Or la théocratie chiite n’a aucun autre débouché pour ces tonnes d’uranium enrichi que des applications militaires, puisqu’elle reçoit des Russes tout le combustible nécessaire à son unique réacteur nucléaire civil à Bushehr.

 

Au vu de ce qui précède, et qui est uniquement tiré d’informations du domaine public, il apparaît que : 1. L’Administration Obama n’a pas attendu la signature du traité avec Téhéran pour agir comme s’il existait déjà. 2. La Maison Blanche a amorcé un double changement d’alliances en faveur de la "République Islamique", aux dépens à la fois de Jérusalem et des Arabes sunnites (largement majoritaires au sein de l’islam). 3. Nombre des actions concrètes entreprises par l’Administration sont objectivement incompatibles avec les intérêts essentiels de l’Amérique, voire incompréhensibles.

 

On observe également que la nature du régime khomeyniste et ses exactions permanentes contre les droits fondamentaux des personnes n’ont aucune influence sur la décision du Président Obama de se rapprocher de Téhéran et de laisser intacte sa capacité de production de composants nucléaires, ce, tout en acceptant de lever l’entièreté des sanctions qui le frappent. [Et non partiellement, comme le croit le prince saoudien. NdA.].

 

Cette réflexion nous est inspirée par le rapport récemment dévoilé à Oslo par l’ONG française "Ensemble Contre la Peine de Mort", qui informe que 753 personnes ont été exécutées en 2014 en Iran, ce qui correspond à une augmentation des mises à mort de 10 % par les ayatollahs relativement à l’année précédente.

 

Depuis l’entrée en fonction du partenaire de négociations de la Maison Blanche, Hassan Rohani, décrit à Washington comme un "président plus libéral", le nombre des exécutions a sensiblement augmenté ; il était de 827 durant les 18 mois précédant son élection, contre 1 193 depuis icelle durant une période équivalente.

 

Mahmoud Amiry-Moghaddam, le directeur d’Iran Human Rights, a tenu à préciser que "le but de ces exécutions n’est pas de combattre le crime mais de semer la terreur parmi la population".

 

Simultanément à ces évènements exceptionnels, le Secrétaire de la Maison Blanche chargé des relations avec la presse, Josh Ernest, imité en cela par plusieurs autres officiels étasuniens s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a fait savoir que, "suite aux déclarations effectuées par le 1er ministre Netanyahu [durant la campagne électorale. Ndlr.], les Etats-Unis vont procéder à la révision de leur position [à l’égard d’Israël. Ndlr.] et vont décider de leur future orientation dans cette situation".

 

En plus de son intervention devant le Congrès, le 3 mars dernier, l’Administration reproche à M. Netanyahu les trois initiatives suivantes :

 

1. D’avoir utilisé la fausse information selon laquelle la partie arabe de l’électorat israélien "se rendait aux urnes en masse" afin d’inciter les citoyens israélites, en suscitant la peur, à accomplir leur devoir électoral et à soutenir sa candidature.

 

2. De développer pesamment l’implantation de Har Khoma afin d’empêcher l’extension de la ville de Bethlehem en direction de Jérusalem. Un officiel du gouvernement U.S a déclaré à ce propos que le 1er ministre "confirmait que la politique des implantations constituait un moyen en vue de saper l’établissement d’un Etat palestinien". Le même intervenant précisant qu’ "en continuant l’expansion des implantations, il sabotait intentionnellement les négociations de paix conduites par John Kerry".

 

3. D’avoir annoncé, juste avant les élections, qu’ "il ne permettrait pas [l’établissement] d’un Etat palestinien". Depuis, M. Netanyahu a tenté d’atténuer cette assertion en se déclarant toujours "favorable à la solution des deux Etats mais uniquement lorsque la situation le permettra".

 

A la Maison Blanche, on juge cette finasserie rhétorique "risible", n’ayant jamais cru le 1er ministre lorsqu’il s’affirmait favorable à cette hypothèse.

 

Barack Obama est principalement irrité par cet incident ; on souligne autour de lui qu’il s’est impliqué personnellement, tout comme John Kerry, notamment auprès de plusieurs chefs d’Etats, afin de bloquer les manœuvres de l’Autorité Palestinienne à l’ONU, en soutenant sans cesse que seules des négociations bilatérales directes entre les parties pouvaient conduire à la paix.

 

Dans le même cercle, on se demande en quoi consiste le choix de Binyamin Netanyahu pour résoudre le différend d’Israël avec les Palestiniens. On craint ouvertement une dislocation de l’AP, qui ne disposerait plus de cash pour se maintenir, surtout après la décision du gouvernement israélien de cesser de lui transférer le produit des taxes qu’il collecte à sa place. On se dit, à Washington, que dans sa politique au jour le jour, subissant l’influence de partis encore plus radicaux que le sien, le vainqueur des dernières élections pourrait favoriser la disparition de l’Autorité, même au prix de devoir envoyer Tsahal reprendre le contrôle de chaque village de Cisjordanie.

 

C’est le renoncement à la solution à deux Etats par le chef de l’exécutif de Jérusalem qui pousse surtout M. Obama et son équipe à considérer une révision de leur politique à l’égard de l’Etat hébreu, évitant cependant d’en parler officiellement jusqu’à la désignation des formations qui adhéreront à la nouvelle coalition gouvernementale et à la distribution des portefeuilles.

 

Dans un premier temps, Barack Obama pourrait décider de se désengager personnellement de la gestion des relations avec Jérusalem, "n’ayant pas de temps à perdre avec des politiques qui ne mènent nulle part ou seulement à une recrudescence de la violence généralisée", comme nous l’a confié directement un membre de l’Administration.

 

M. Obama pourrait même dessaisir le Secrétaire d’Etat John Kerry de ce fardeau, persuadé que "M. Netanyahu le hait et qu’il le prend pour un crétin", selon la même source. La gestion régulière des relations entre les deux pays serait confiée à John Biden, le vice-président, qui conserve des rapports corrects avec le leader du Likoud.

 

Le pensionnaire de la White House ne répondrait plus aux appels téléphoniques du 1er ministre, ce qui, en cas de crise grave ou de conflit, pourrait s’avérer hautement dommageable aux intérêts d’Israël.

 

Les officiels américains qui propagent ces messages soulignent tous que Washington poursuivrait la coopération militaire avec les Hébreux, par l’intermédiaire des hauts fonctionnaires du Département de la Défense (mais dans quelle atmosphère et dans quelles proportions ?), et qu’il ne soutiendra pas les efforts de M. Abbas auprès de la Cour Pénale Internationale, ne souhaitant pas la délégitimation d’Israël.

 

En revanche, l’Administration ne s’opposerait plus, en tout cas pas automatiquement, sans contreparties de la part de Jérusalem, à des résolutions condamnant l’extension des implantations à laquelle elle s’était toujours opposée.

 

Une autre option, bien plus préjudiciable pour les Israéliens, que l’on envisage autour du président, est celle constituée par la non utilisation du veto américain au Conseil de Sécurité lorsque, sous l’impulsion de la France, on soumettra au Conseil un projet de résolution voulant imposer aux adversaires les conditions d’une solution définitive au différend, sur la base des deux Etats.

 

Cette initiative, en gestations chez les Européens, exigerait des Hébreux un retrait territorial et la redivision de Jérusalem, laissant dans le flou la question du retour des réfugiés, les aspects sécuritaires, et les autres contre-engagements palestiniens.

 

Le texte, à l’instar de celui qui a été adopté à l’Assemblée Nationale française, préconiserait un retour à la ligne de démarcation de 1967, incluant des échanges hypothétiques de territoires mais uniquement avec l’aval des seuls Palestiniens.

 

Les Européens pourraient même proposer à Manhattan un mécanisme de pénalisation-punition-sanction à l’encontre du parti ne respectant pas les injonctions du Conseil de Sécurité.

 

Petite parenthèse, elle concerne la France : la Ména est au courant de consultations et de diverses évaluations émises par des institutions et des personnalités israélites françaises et israéliennes ; au cas où Paris parviendrait à faire soumettre une proposition de résolution dans ces termes à l’ONU, et plus encore si elle passait la rampe, il est à prévoir un exode massif des Juifs français et un durcissement sans précédent des relations entre ce pays et le judaïsme. L’un des dirigeants principaux de la communauté mosaïque de l’Hexagone nous a "prévenus", lors d’une récente visite à Métula, qu’ "une telle activité mettrait en danger l’existence même de l’Etat d’Israël et que l’écrasante majorité des Israélites de France, toutes sensibilités confondues, ne l’accepterait jamais et réagirait en conséquence. J’ignore d’où vous tenez vos informations quant à cette activité diplomatique de nos gouvernants et si elle est exacte", nous a confié le leader communautaire, "mais si c’était le cas, elle égalerait en infamie les lois raciales de Vichy. De la part de personnes comme le président et Manuel Valls, qui n’ont de cesse de se proclamer amis d’Israël", a précisé notre interlocuteur, "ce serait pire que tous les actes antisémites que notre pays a subis depuis l’Affaire Dreyfus".

 

Voilà qui s’annonce… animé pour les mois à venir. Quant aux USA, ils n’auraient pas même besoin de se mouiller en se mêlant à la rédaction de la résolution, il leur suffirait de s’abstenir durant le vote, ou même de s’y opposer sans faire jouer leur veto. Et Binyamin Netanyahu serait payé de retour pour l’arrogance qui fut la sienne en venant critiquer la politique d’Obama au Congrès, sous les fenêtres du président. Mais les autres Israéliens seraient également punis, même ceux qui ne partagent pas la ligne sinueuse suivie par leur 1er ministre.

 

Barack Obama s’exposerait aussi à une tempête à Washington et à une guerre ouverte au Congrès jusqu’au dernier jour de son mandat ; c’est la raison pour laquelle on doit parler ici d’une option et non d’une décision, de la part de l’Administration et de son chef.

 

Mais attention, fait remarquer Haaretz, qui a recueilli le commentaire d’un observateur washingtonien avisé de la politique américaine ! Ce dernier note que, jusqu’à récemment, il existait deux ailes parmi les conseillers de la Maison Blanche au sujet de la dispute israélo-palestinienne : celle proche du président, traditionnellement anti-Bibi, constituée par des gens comme Ben Rhodes, Dennis McDonough et Susan Rice, que contrebalançaient des amis d’Israël, tels Tom Donilon et Dennis Ross. Ces derniers s’activant afin que les désaccords entre Washington et Jérusalem ne dégénèrent pas en éruption volcanique. "Maintenant que Donilon et Ross sont partis, commente l’observateur, vous pilotez un avion sur une seule aile".

 

La première partie de cet article suggère que le Président Obama a fait certains choix stratégiques péremptoires au sujet du Moyen-Orient, et que ceux-ci sont intervenus avant la réélection de M. Netanyahu, ses remarques douteuses, et même avant qu’il ne décide de venir s’adresser au Congrès.

 

Le commentaire que cela inspirerait est : Quand on veut tuer son chat on dit qu’il a la gale. Reste que Barack Obama est président des Etats-Unis d’Amérique et que l’Etat d’Israël est largement tributaire de son bon vouloir, particulièrement dans les domaines diplomatique et de l’assistance militaire.

 

C’est une faute politique, peut-être un grave égarement stratégique, de l’oublier un seul instant ; le contenu de cet article démontrant que la situation de l’Etat hébreu n’a pas été aussi délicate depuis fort longtemps et que certaines décisions prises par Binyamin Netanyahu étaient tout sauf absolument nécessaires, comme celles de proclamer aussi souvent la construction de logements dans les implantations, de snober les discussions avec Abbas qui n’est pas un monstre – Salam Fayyad, moins encore avant lui -, ou celle d’affirmer à tous les chefs d’Etat de la planète qu’on est en faveur de la solution à deux Etats, tandis que, dans les actes, ont fait précisément montre du contraire.

 

Le manque de réalisme dangereux, dans un papier précédent j’avais parlé d’amateurisme, de la politique obamienne à l’égard de l’Iran ne fait pas de doute, et je ne dispose même pas d’éléments me permettant de motiver ou d’expliquer cette option. Elle ne justifie cependant pas les prises de risques intempestives et le populisme de Netanyahu, ni son manque criant d’objectifs stratégiques.

 

Ce sont deux sujets distincts. Ce qui les réunit ? La nécessité pour Obama de faire passer, d’abord, avant de donner libre cours à son aversion pour Netanyahu et pour Israël, son accord bidon sur l’Iran. En espérant que les Républicains vont lui donner du fil à retordre et que les vagues de ces tourbillons l’empêcheront longtemps et lui passeront l’envie de mettre ses menaces à exécution.

 

J’ai mentionné l’aversion de Barack Obama pour Israël ? Moi ? Certes, parce que les dispositions qu’il a prises depuis sa première intronisation indiquent qu’il ne nous porte pas dans son cœur. Je me souviens particulièrement de ce que la première fois qu’il avait reçu le Président Peres à la Maison Blanche, il l’avait fait passer par une porte dérobée et avait refusé de poser avec lui sur les photos. Shimon Peres, ce n’est pas Netanyahu, il n’y pas plus partisan que lui de la solution à deux Etats.

 

Mais même cette antipathie procède de l’anecdote ; si elle existe, il fallait composer avec elle et non pas lui donner du champ pour s’exacerber. Parce qu’en termes de Realpolitik, qui nous dirige tous et décide de notre destin, ce qui compte c’est de gagner, non d’avoir raison.        

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