Léon Ashkenazi : Manitou et la tradition orale

Par Raphy Marciano 

 

A la différence, des autres grandes figures de l'école de pensée juive de langue française (André Neher, Emmanuel Levinas, Elianne Amado, Jacob Gordin) Léon Ashkenazi – Manitou, ne se définit pas comme un écrivain, comme un homme de l'écriture, mais plutôt comme un homme de la tradition orale.

Pour Manitou, transmettre, enseigner, éduquer, sont des actes de parole, de communication, où s'expriment des pensées, des idéaux, des espérances. Il a privilégié le lien intime, intense, et profond qui lie le « moreh » et le « talmid », le transmetteur du savoir et le disciple. 

Pour Manitou, comme l'appelaient chaleureusement ses amis. Un événement majeur, révolutionnaire, radical s’est produit au XXe siècle et a changé profondément la nature de l'existence juive : la création de l'État d'Israël, qui marque la fin de ce qu'il appelle « la diaspora du Second Temple », c'est-à-dire la longue période où les juifs cherchent à survivre, dans un exil, dans la dispersion. Nous avons changé de statut historique.
L'État d'Israël est la pierre fondatrice de cet édifice de l'histoire juive. Cet enseignement constitue l'intuition la plus originale et la plus profonde. Il suffit de lire les commentaires des cinq livres de la Torah par Manitou, pour s'apercevoir que cet événement majeur de l'histoire juive, marque profondément son interprétation des textes sacrés. Quand Manitou explique la Paracha « Lekh-Lekha » avec le premier appel divin, au patriarche Abraham, de quitter sa terre natale, pour partir vers Canaan, Manitou y voit le commencement de la longue trajectoire historique d'Israël.

Il lit le texte en se disant « nos ancêtres sont venus s'installer sur cette terre, où nous avons séjourné durant des siècles. Aujourd’hui, la boucle est bouclée, nous sommes de retour sur notre terre ».

L’exil n’est pas éternel
C'est là une lecture existentielle du texte, car pour Manitou les textes de l'écriture biblique s'adressent aux lecteurs juifs, et font appel à leur intelligence, et à leur sensibilité. Tout au long de ses conférences, sur les différentes lectures de la Torah, nous trouvons la même grille interprétative : un livre qui s'adresse à un peuple, et qui établit un lien entre des hommes et une terre, car la terre d'Israël, est pour Manitou une dimension incontournable de l'existence juive. 

L'exil n'est pas éternel, il ne constitue pas une fatalité à laquelle la nation d'Israël est censée se soumettre avec résignation. 

L’enseignement de Manitou ne s'adresse pas à un cercle de fidèles dévots, engagés dans une stricte religiosité. Il s'adresse à tous les héritiers de la Maison d'Israël. 

L'existence juive n'est pas une adhésion à une doctrine, à un dogme, ou un rite, elle est l'inscription dans une Histoire, dans un passé, dans un avenir. 

Tous les juifs du monde, quel que soit leur degré d'engagement religieux, sont les héritiers et les continuateurs de ce patrimoine spirituel.

Enseigner pour Manitou c’est s’adresser à tous, dans un langage audible pour tous, il n’enseigne pas dans un langage « yechivatique », dans un langage de culpabilisation, ou de moralisation, mais dans un 
« langage d'engagement », parfois derrière un humour décapant et avec un don pour la narration.

Formant des générations de disciples, Léon Ashkenazi a marqué le judaïsme et la vie juive de son époque du sceau de son enseignement, de sa personnalité et de son vaste esprit de synthèse. 

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