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Le monde contre le Califat Islamique

Problème

Le monde contre le Califat Islamique (info # 011609/14)[Analyse]

Par Stéphane Juffa© MetulaNewsAgency

 

Bien, la conférence de Paris sur la nécessité d’éradiquer le Califat Islamique s’est terminée ; elle aura duré trois heures et permis à François Hollande, dont l’action politique jouit de l’appui extatique de 13 pour cent des Français, de prononcer un discours pathétique. Des propos lénifiants sur le ton d’une émission pour enfants, destinés à démontrer combien l’Hexagone était un polygone moral à l’écoute du monde.

 

Parce qu’il importe de stopper l’Etat Islamique, que Laurent Fabius et Jean-Luc Mélenchon réclament qu’il soit désormais appelé le Califat Suédois, parce que c’est faire insulte à l’islam que de montrer des musulmans étêter des coopérants humanitaires chrétiens, le coran dans la main qui ne tient pas le couteau de cuisine. Parce que Fabius s’apprête à donner des leçons de mahométisme à Abou Bark el Baghdadi et que tout le monde en rigole, sauf lui et les décapités.

 

Parce que, dixit le pensionnaire de l’Elysée - qui envoie trente SMS par jour à son ancienne compagne Valérie Trierweiler, le double à la nouvelle, quelques-uns à Ségolène et un ou deux à ses enfants, pendant que le paquebot France heurte l’un après l’autre tous les icebergs de l’Atlantique - il faut absolument soutenir le gouvernement irakien présidé par le Kurde Fouad Massoum. Or ce gouvernement est au mieux une vue de l’esprit et qu’il n’y a personne, pas d’entité étatique digne de ce nom, à soutenir à Bagdad. 

 

C’est une dure constatation que la "communauté internationale" se refuse encore de faire : il n’y a plus d’Irak, d’ailleurs, il n’y en a jamais eu. Mosaïque d’entités hétéroclites que seul un tyran comme Saddam Hussein pouvait, à force de terreur et d’exactions, empêcher de suivre leurs destins divergents. C’est pourtant simple : chiites au Sud, sunnites au Nord et Kurdes dans une petite bande montagneuse lovée entre les frontières vénéneuses de la Syrie, de la Turquie et de la "République" de Khamenei. Et, broyés dans ce retour à l’époque biblique, des minorités vouées au supplice, tels les chrétiens ou les Yézidis.

 

Et le Sud ne s’arrête pas à Bassora, tout comme le Nord ne freine pas aux confins de la népotie des al Assad. Le découpage à la règle du Moyen-Orient par les puissances coloniales a vécu, et avec lui la tentative arrogante, naïve, écervelée, optimiste ou criminelle d’obliger des peuples à vivre ensemble, qui s’exterminaient depuis des siècles.

 

Back to the schisme historique au sein de l’islam, à l’empire des Perses, aux Mongols-ottomans, aux Pharaons du Nil, aux Bédouins du désert, aux Kurdes, aux chrétiens et aux Israélites.

 

Fin de la construction d’entités plus larges et début du re-morcellement : durant la bataille d’Alep, on a dénombré jusqu’à soixante entités nationales, linguistiques ou confessionnelles se battant contre Béchar al Assad et les unes contre les autres.

 

Retour aux recettes de grand-mère pour guerroyer : gagner du terrain, faire des prisonniers, des esclaves, violer et vendre leurs femmes, décapiter, pendre, noyer, tuer en masse, pour s’en débarrasser et faire trembler les prochains adversaires.

 

Encore faut-il, pour les Occidentaux, ne pas confondre stratégie et tactique, que les chefs d’Etat des grandes démocraties semblent avoir de plus en plus de mal à discerner : lancer des bombes avec des avions sur des barbares, c’est bien, mais ce n’est pas une solution, c’est un moyen.

 

Et si l’on entend retrouver une situation d’équilibre relatif – c’est ainsi qu’il va falloir rebaptiser la paix dorénavant -, il faut impérieusement se soucier de ce qui va s’instaurer par la suite, une fois que l’on aura affaibli les miliciens ivres d’Allah d’El Baghdadi. En principe on devrait s’en soucier avant de tirer le premier missile.

 

Parce que l’EI n’est pas fondamentalement pire que les autres acteurs régionaux, ils ont juste commis l’erreur de se vanter de l’assassinat de leurs otages en les diffusant sur le Net, tandis que la junte théocratique iranienne pend les opposants, les militants des droits de l’homme, les Kurdes, au faîte des grues, et ordonne la lapidation des femmes jugées infidèles par des tribunaux expéditifs, justifiant leur sentence, non pas par la charte des Vikings, M. Fabius, mais par le saint coran. Mais en "République" Islamique de Norvège, on prend soin d’interdire de filmer les mises à mort, sous peine d’en faire partie, ce qui limite le courroux indigné de la "communauté internationale".

 

L’endémie de médiévalisme contagie également les Palestiniens, n’en déplaise aux adorateurs européens du Hamas. Tout le monde n’ayant pas la mémoire assez courte pour avoir déjà oublié les corps mutilés de malheureux, traînés par les pieds derrière des motos dans les rue de Gaza-city, ni, bien sûr, plus récemment, les soi-disant espions du Mossad, parfaitement innocents mais sympathisants du Fatah de Mahmoud Abbas, mitraillés devant la foule avec un sac sur la tête. 

 

Et aussi, parce qu’en politique internationale, il est dangereux d’avoir des dégoûts sélectifs, de rappeler que chez les hôtes préférentiels du pauvre Français Hollande, en Arabie Saoudite, une justice sûre d’elle fait trancher la tête des homosexuels et des apostats de l’islam en place publique, et condamne au fouet les femmes qui conduisent des automobiles, oublient de se couvrir la tête ou serrent la main d’un inconnu. Sauf que le ministre français des Affaires Etrangères n’a pas pensé à dissocier le régime de Riyad du livre de Mohamed, l’économie tricolore étant déjà assez mal en point comme cela.

 

Donc, on réalise urgemment qu’on est au Moyen-Age. On arrête d’essayer d’expliquer aux opinions publiques ses décisions stratégiques par des appels à la sensiblerie, et on réfléchit consciencieusement, entouré par des spécialistes qui connaissent effectivement la situation, sur les démarches à considérer.

 

On cesse aussi de désigner les bons et les méchants au gré de ses humeurs et de ses intérêts à court terme, en prenant ses électeurs pour des cons, sur la simple hypothèse que la plupart sont effectivement des ignares, mais qui ont actuellement assez de soucis existentiels pour chercher à savoir où se trouvent Kirkuk, Raqqah ou Aarsal, les régions où la nouvelle guerre de religion fait actuellement rage.   

 

Cela évitera par exemple à la France d’envoyer pour trois milliards d’euros d’armement à l’Armée libanaise, sachant que ces équipements tomberont directement dans l’escarcelle du Hezbollah qui a totalement phagocyté le pays aux cèdres grâce à l’incroyable passivité de l’Europe en général, de Paris, en particulier. Le Hezbollah qui signifie littéralement – et ce n’est pas du finnois, M. Fabius – le parti d’Allah, et dont les miliciens se targuent de leur appellation de "Fous d’Allah", tout un programme par les temps qui courent.

 

On demandera à l’occasion à la diplomatie française où, sur le globe, on peut trouver des musulmans qu’elle nous autorise à appeler musulmans. Nous cherché, pas trouvé. En Libye, peut-être ? Ailleurs en Afrique ? Dans les banlieues ? Il faudra nous dire.

 

C’est un analyste qui habite à 20 kilomètres des positions tenues par le Front al-Nosra, qui vous pose la question. Jabhat an-Nuṣrah li-Ahl ash-Shām, ou front (djihadiste) pour la victoire des peuples du Levant, étant la branche concurrente de l’Etat Islamique, tous issus d’al Qaeda, qui partage le même mode opératoire que l’EI, et dont les membres se transfèrent sans états d’âme de l’un à l’autre.

 

Or la conférence d’hier n’a pas déclaré la guerre à al Nosra, pas plus qu’elle n’a défini ce qu’elle projetait pour l’avenir de l’Irak et de la Syrie. La démonstration des dangers représentés par cette lacune est facile à poser ; elle participe, comme une grande tranche de la stratégie politique, du principe des vases communicants, autrement plus dévastatrice qu’un missile de Rafale : si l’Amérique et ses alliés affaiblissent considérablement le Califat Islamique, c’est immédiatement al Nosra qui prendra sa place, recueillant du même coup ses combattants et les armes qu’il aura abandonnées. Rien n’aura été fait. Rien n’aura changé. Hormis la rancœur grandissante des sunnites de tout le Moyen-Orient, qui considéreront l’immixtion des chrétiens dans leurs affaires comme une agression, et l’élimination des miliciens arabes comme autant d’assassinats.

 

Car il est un autre élément qu’on ne vous dit pas : c’est que le monde entier, les Arabes particulièrement, ne pensent pas comme vous et nous. Ainsi, depuis la montée en puissance de DAESH, la plupart des sunnites, considérant qu’il défend ce qu’ils assimilent à leur honneur et qu’il constitue le seul rempart crédible contre l’expansion du chiisme et de son alliance al Assad en Syrie, Hezbollah au Liban et théocratie iranienne en Perse, lui accordent l’entièreté de leur sympathie.

 

Jusqu’ici, en Israël, où les partisans d’al Baghdadi terrorisent de plus en plus souvent les Druzes et les chrétiens en effectuant des descentes dans leurs villages et leurs quartiers, leur promettant le même sort que celui réservé aux ennemis de l’EI et commençant même à molester les femmes se trouvant sur leur passage. Les autorités israéliennes sont très peu disertes sur le sujet, craignant d’éveiller d’autres vocations islamistes, mais je peux vous assurer, pour les côtoyer quotidiennement, que la peur au sein de ces minorités se fait de plus en plus concrète.

 

De plus, tous les sunnites que j’ai rencontrés expriment désormais leur haine irréductible des Américains, des Européens, des chrétiens et des Israélites. En termes stratégiques, il faudrait comprendre que – contrairement à l’idée saugrenue que l’on tente d’imposer – l’islamisme et le djihadisme sont profondément ancrés dans les cœurs et les mentalités du Moyen-Orient et ils augmentent avec chaque succès de l’EI et avec chaque frappe aérienne qu’il subit. D’ailleurs, cette empathie gagne aussi rapidement la banlieue, mais cela également, on le dissimule soigneusement à l’opinion. Celle-ci remarque un discours antithétique entre ce qu’elle constate dans la rue et ce qu’on lui raconte à la télévision. Et cela l’irrite. En France, cette double constatation non-miscible est en train de paver la voie royale à Marine Le Pen, qui devrait la conduire directement à l’Elysée.

 

Cela pose un autre problème stratégique majeur : il ne suffit absolument pas de ramollir l’appareil militaire d’ISIS pour extirper l’espérance djihadiste du Moyen-Orient. Car, non, cette mouvance n’est plus un corps étranger de la région mais l’un de ses piliers ; un pilier qui a un milliard de fois plus de consistance que le "gouvernement de Bagdad" qu’on nous invite à soutenir, et qui lui survivra durant des décennies pour ne pas parler de siècles.

 

En termes stratégiques, on doit également redouter l’alliance de facto qui s’est instaurée avec l’Iran. Au point que l’on n’entend pratiquement plus parler des négociations sur la bombe atomique de Téhéran, et que celui-ci n’a toujours pas détruit la moindre de ses milliers de centrifugeuses, pas plus qu’elle n’en a déplacé des sites de Fodow et de Natanz.

 

Des émissaires d’Obama – c’est le Guide suprême Khamenei qui l’affirme et je le crois – ont tenté diverses approches afin de sceller une alliance tactique en vue de combattre le Califat. Khamenei prétend qu’il a refusé ces appels du pied parce qu’ils proviennent d’une "entité entachée". Plus prosaïquement, les ayatollahs voient d’un mauvais œil un retour de la présence militaire occidentale à leurs portes.

 

Encore plus prosaïquement, les experts de la théocratie islamique chiite, qui ne sont pas des chèvres, savent pertinemment, qu’avec ou sans accord formel, l’Occident a besoin de son concours s’il entend sérieusement endiguer l’EI en Irak et en Syrie. Cela favorise Téhéran qui, à chaque frappe contre les sunnites, voit sa puissance augmenter. Or si les alliés éradiquent le Califat, comme ils affirment vouloir le faire, au lieu de se contenter de l’affaiblir pour le contenir, ce qui participe de l’unique option stratégique valable, ils offriront à Khamenei l’hégémonie sur le Tigre et l’Euphrate, hégémonie qu’il s’est déjà attribuée sur le sud chiite de l’Irak.

 

Or gare à ce terrible faux pas, car la "République" Islamique est autrement plus menaçante pour la région, Israël, l’Europe et le monde que l’Etat Islamique. Le premier dispose de missiles balistiques, le second, de mitrailleuses montées sur des pickups. Le premier possèdera bientôt la bombe atomique si la Baronne Ashton ne décuple pas d’efficacité lors des négociations, ce qui est douteux ; Téhéran entretient des millions de soldats et d’auxiliaires, contre trente mille miliciens à DAESH. Et c’est aussi cela qui est incompréhensible, disproportionné, et qui engendre moult questions chez les spécialistes.

 

Le monde vient de déclarer la guerre à 30 000 fanatiques, obligés de contrôler 40% du territoire irakien et 30, de celui de la Syrie ? Si le million d’hommes de la nouvelle Armée irakienne, formée, dotée et financée à coups de milliards par Washington, ses chasseurs et ses centaines de chars, ne suffisent pas à s’opposer à ces cow-boys de l’islam qui tirent dans tous les sens, c’est que la limite entre ladite armée et les cow-boys n’est pas aussi tranchée qu’on voudrait se le figurer.

 

La puissance US, les six Rafales de Paris, les forces britanniques, l’Allemagne pour stopper 30 000 dégénérés ? Qui menaceraient la sécurité de la planète ? Cela me semble grotesque.

 

Il suffirait de donner une douzaine de vieux F-16 à Barzani, de former ses pilotes durant six mois, d’ajouter 50 Merkava et des missiles Tamouz pour que l’on cesse de parler de djihadisme dans le nord de l’Irak. Il est vrai que l’on consacrerait l’indépendance du Kurdistan, mais n’est-ce pas déjà fait ?

 

Pour le reste, et dans la discrétion plutôt que dans le tintamarre des salons du président normal, intervenir contre ISIS mais en prenant grand soin de ne pas le neutraliser complètement, parce que, stratégiquement parlant, il est utile. Il convient aussi de renforcer, de surveiller et d’encadrer l’Armée irakienne afin qu’elle soit en mesure de défendre Bagdad et le Sud, ce qui n’a pas l’air utopique.  

 

Et réfléchir simultanément. En commençant par identifier que la partie industrialisée de la planète fait face à un problème primordial de cohabitation et d’immigration avec l’islam. Je ne parle pas de lui déclarer la guerre, pas plus que la guerre froide, juste d’assurer nos intérêts vitaux et de chercher à favoriser ceux, dans le monde arabe, et ils existent, qui eux-aussi par intérêt, conçoivent la nécessité de coexister avec nous.

 

Mais tant que lors des commémorations des agressions du 11 septembre, le président des Etats-Unis se montrera incapable de mettre un nom sur ceux qui ont assassiné de sang-froid 2 500 de ses compatriotes, il faudra redouter le manque d'efficacité des frappes aériennes contre le djihadisme.

 

L’Occident a besoin d’une politique juste mais ferme au Moyen-Orient, qui dictera une stratégie adaptée à ses objectifs. Pour cela, il a impérativement besoin d’un leader du monde libre et humaniste, à la Maison Blanche, qui ait les idées beaucoup plus claires que Barack Obama.  

 

Obama, qui a décidé de ne pas envoyer de boys combattre au sol car il ne désire pas s’aliéner ses compatriotes à la veille des élections de mi-mandat, eux qui détestent voir le sang américain couler. Cette échéance passée, des GIs’ encadreront l’Armée irakienne et feront le coup de feu si nécessaire. C’est bien de la stratégie, mais elle est… électorale. 

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