Tunisie: le témoignage d'un migrant expulsé prêt à mourir
Les migrants sont toujours plus nombreux à tenter de gagner l’Europe, notamment l’île italienne de Lampedusa, par la Tunisie. Mais l’Italie accélère rapatriements et expulsions. Témoignage (publié par RFI) d’un citoyen tunisien expulsé.
En février 2017, un accord a été conclu entre Rome et Tunis pour refouler de Lampedusa les migrants tunisiens. Selon l’Office international des migrations, cité par le site de RFI, 4000 d’entre eux auraient tenté de gagner l’Europe, via Lampedusa, au cours de ces derniers mois.
L’île italienne n’est qu’à quelques centaines de kilomètres à vol d’oiseau des côtes tunisiennes. Mais le trajet n’en reste pas moins très périlleux. En 2016, 3800 migrants sont morts en Méditerranée, selon les chiffres de l’ONU. Un chiffre record.
Mais rien ne semble vouloir arrêter ces hommes et ces femmes prêts à braver tous les dangers, comme le montre le témoignage de l’un d’entre eux diffusé sur RFI.
Il s’appelle Othman Berrahil. Il est originaire de Redeyef (sud-ouest). Avec son frère, il a tenté de gagner l’Italie. Leur bateau est tombé en panne avec 120 personnes à bord et a été recueilli par des navires d’escorte italiens. «Nous avons été transportés à bord d’un avion vers Palerme, pieds et mains ligotés. À Palerme, nous avons rencontré le consul tunisien, il nous a demandé de rentrer, car à Redeyef il y a du travail, j’ai répondu que non. Il n’y a jamais de travail chez nous, personne ne voulait rentrer, j’ai dit au consul : ‘‘Tuez-nous, mon frère et moi, mais nous ne voulons pas rentrer’’», raconte-t-il.
Il explique que chez lui, à Redeyef, il n’y a «pas de travail» et qu’il prenait «ce qui se présentait, au marché, dans le bâtiment. Mais il n’y a pas travail, alors qu’on cherche juste de quoi se nourrir».
«Après, ils nous demandent pourquoi on brûle», poursuit le jeune homme. De fait, «l’immolation par le feu s’est banalisée en Tunisie», comme l’observe le site vice.com. A noter que le 17 décembre 2010, un jeune marchand de fruits et légumes, Mohamed Bouazizi, s’était suicidé de cette manière à Sidi Bouzid (centre). Un geste qui devait aboutir au renversement du régime de Ben Ali le 14 décembre 2011.
Par Laurent Ribadeau Dumas