L’abattage rituel, point de crispation

L’abattage rituel, point de crispation

Par Sarah Finger

La proposition de rendre obligatoire l’étourdissement de l’animal avant sa saignée fait son chemin, mais se heurte aux appréhensions et au refus des responsables juifs et  musulmans. 

L’information vient tout juste d’être annoncée par le ministre flamand du Bien-Etre animal : la Flandre va interdire l’abattage sans étourdissement préalable, autrement dit l’abattage rituel. Tous les animaux devront donc bientôt être «étourdis» avant d’être saignés. De semblables mesures ont déjà été actées en Suisse, en Nouvelle-Zélande et dans plusieurs pays scandinaves. En France, la question de l’abattage rituel est à peine évoquée durant cette campagne présidentielle. Interpellés par le collectif Animal politique, quatre candidats se sont pourtant clairement prononcés pour l’étourdissement obligatoire avant la mise à mort : Marine Le Pen (lire page 6), Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Cheminade et Jean-Luc Mélenchon. Sollicité par ce même collectif, Benoît Hamon reste prudent et propose la mise en place d’une «commission» pour dialoguer avec les responsables des cultes. De son côté, François Fillon a déclaré, lors d’une interview parue en novembre dans la France agricole, qu’il était favorable à l’étourdissement obligatoire, estimant que «les lois de la République doivent s’appliquer avant les consignes religieuses». Quant à Emmanuel Macron, il reste silencieux sur ce thème, comme sur à peu près tous les autres dossiers relatifs à la condition animale…

Il est vrai que la question de l’abattage rituel provoque une inévitable crispation. Rappelons qu’en France, la règle, c’est «d’étourdir» les animaux avant de les tuer. Un «étourdissement» obtenu généralement par l’un ou l’autre de deux procédés : une tige métallique perforant le crâne ou une pince délivrant des décharges électriques. Toutefois, une dérogation permet aux communautés juives et musulmanes d’organiser au sein des abattoirs un abattage rituel, sans étourdissement, pratiqué par des sacrificateurs. Cette pratique dérogatoire soulève de nombreuses questions, notamment l’information des consommateurs. Lesquels ignorent, lorsqu’ils achètent de la viande, si l’animal a été étourdi avant d’être saigné, le mode d’abattage ne figurant pas sur les étiquettes…

Auditionnés en mai 2016 par la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie, les responsables des communautés juives et musulmanes avaient insisté sur le risque de stigmatisation lié à ce débat, tout en réaffirmant qu’ils n’étaient prêts à aucun compromis : les rites imposent que l’animal soit «vivant et conscient» avant d’être tué. Les associations de défense des animaux s’élèvent quant à elles contre cette pratique qui provoque des souffrances supplémentaires aux animaux : égorgés en toute conscience, ils agonisent durant de longues minutes, comme le prouvent plusieurs vidéos tournées clandestinement dans les abattoirs et diffusées par L214. Cette association rappelle d’ailleurs que le Conseil national de l’ordre des vétérinaires et la Fédération des vétérinaires d’Europe se sont positionnés contre l’abattage sans étourdissement.

Selon les chiffres cités dans le rapport de la commission parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie, environ 20 % des juifs et 80 % des musulmans de France consomment de la viande respectivement casher et halal. Parmi ces électeurs, difficile de prédire combien voteront en fonction des positions prises par les candidats sur l’abattage rituel.

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