20 mars 1956, la Tunisie accède à l’indépendance

Écrit par Ridha Kéfi - Jeune Afrique

 

Le mardi 20 mars 1956, « la France reconnaît solennellement l'indépendance de la Tunisie... ». Retour sur le déroulé de cette journée historique.

Une pluie fine et un petit vent doux donnent à Paris un air automnal. Vers 17 h 30 ce jour-là, un cortège de voitures traverse la Seine à vive allure et se dirige vers le Quai d’Orsay. Quelques instants après, une dizaine de personnes franchissent le perron du ministère français des Affaires étrangères.

Parmi elles, Tahar Ben Ammar, président du Conseil tunisien, Mongi Slim, ministre de l’Intérieur, tous deux arrivés de Tunis en début d’après-midi, ainsi que Bahi Ladgham, vice-président du Conseil, et Mohamed Masmoudi, ministre de l’Économie nationale, qui avaient négocié depuis le 27 février et conclu – avec l’aide déterminante d’Habib Bourguiba, chef du Néo-Destour, présent dans la capitale française – le protocole de l’indépendance de la Tunisie.

Absence de Bourguiba

Vers 17 h 40, la délégation tunisienne entre dans le salon rouge et or, accompagnée de Christian Pineau, ministre français des Affaires étrangères, et d’Alain Savary, chargé des questions tunisienne et marocaine dans le cabinet de Guy Mollet, entre autres responsables français. Une centaine de journalistes, photographes et cinéastes sont là pour immortaliser l’événement. Les flashs crépitent…

La cérémonie se déroule dans la simplicité. Ben Ammar lit la première moitié du protocole d’indépendance, avant d’être relayé par Pineau, qui prononce d’une voix ferme la phrase tant attendue : « La France reconnaît solennellement l’indépendance de la Tunisie… » Les deux hommes apposent ensuite leur signature au bas du document. Congratulations, poignée de main et sourires aux photographes.

Avant de rejoindre le buffet avec le reste des convives, un journaliste remarque l’absence de Bourguiba. « Nous venons d’assister à la générale d’une pièce qui finit bien. Mais l’auteur est absent », dit-il.

Au même moment, à quelques centaines de mètres de là, le « Combattant suprême » arpente sa chambre parisienne, méditatif. Il n’a pas le temps de savourer le triomphe de ses certitudes : l’avenir est déjà là… avec ses incertitudes.

Célébrations à Tunis

À Tunis, l’heureux événement est accueilli avec des manifestations d’allégresse. Le gouvernement ayant donné congé aux administrations et aux écoles, les Tunisiens défilent tout l’après-midi à travers les rues d’une ville pavoisée aux couleurs nationales : rouge et blanc. Vers 18 heures, trois salves d’artillerie sont tirées. Les réjouissances populaires se terminent tard dans la nuit.

Ce jour-là, la France a reconnu formellement l’indépendance de la Tunisie et, explicitement, l’abrogation du traité du Bardo du 12 mai 1881, qui avait instauré le protectorat français.

Le régime tunisien a donc recouvré « ses responsabilités en matière d’affaires extérieures, de sécurité et de défense » et son droit de constituer une « armée nationale ». La France a certes maintenu une présence militaire à Bizerte – port stratégique qu’elle évacuera le 15 octobre 1963 -, mais l’abrogation du traité du Bardo n’en a pas été moins ressentie par les Tunisiens comme la fin formelle du régime colonial qui leur avait été imposé durant soixante-quinze ans.

Cette parenthèse fermée, l’histoire peut donc s’accélérer. Le 25 mars, trois jours après le retour de Bourguiba, les Tunisiens élisent, pour la première fois de leur histoire, une Assemblée constituante au suffrage universel.

Le 25 mars, les Tunisiens élisent, pour la première fois de leur histoire, une Assemblée constituante au suffrage universel.

Le 25 juillet 1957, le « Combattant suprême » parachève sa victoire en faisant déposer le dernier souverain husseinite, Lamine Bey, et en se faisant nommer premier président de la République tunisienne, à titre « provisoire », en attendant la Constitution, qui sera promulguée le 1er juin 1959.

Le premier président de la Tunisie indépendante restera au pouvoir jusqu’au 7 novembre 1987. Il mourra le 6 avril 2000, presque centenaire, non sans avoir laissé sa marque indélébile sur la société et l’État tunisiens.

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