Afrin : comme un mercredi sanglant

Afrin : comme un mercredi sanglant (info # 012401/18) [Breaking News]

Par Perwer Emmal © Metula News Agency

 

Métula, Afrin et Manbij 22h40, mercredi, 21h40 à Paris

 

Dernière minute : Depuis 21h43 locales, l’Aviation du sultan fou est en train d’écraser les villages du saillant de Manbij, la région où je me trouve, sous ses bombes. On assiste assurément à un élargissement majeur du conflit, car je n’imagine pas que les Forces Démocratiques Syriennes et les militaires américains présents à Manbij et dans le reste du Rojava oriental pourraient subir ces attaques sans réagir.

 

Quatre faits principaux caractérisent la cinquième journée de la guerre d’agression de l’Armée turque contre le canton d’Afrin, dans le Rojava occidental.

 

Bombardements incessants de l’Aviation turque

 

Tout d’abord, à partir du milieu de l’après-midi, l’Aviation ennemie bombarde sans discontinuer l’ensemble du territoire de l’enclave, ciblant particulièrement la plupart des villages situés sur la frontière du canton, tuant ou blessant de nombreuses personnes et occasionnant des dégâts matériels importants.

 

Cette rage destructrice intervient après cinq journées d’efforts incessants de la part de l’envahisseur afin de percer le front et de progresser en direction du centre de la province.

 

A la tombée de la nuit, on pouvait non seulement annoncer que ces tentatives ont échoué, mais également que ce mercredi a constitué le jour le plus meurtrier depuis le lancement de l’opération cyniquement intitulée "Rameau d’olivier" par Ankara.

 

Mercredi sanglant

 

Le combats depuis ce matin ont en effet vu la mort de plus de 160 soldats turcs et de leurs alliés mercenaires islamistes arabes, portant le total de leurs pertes entre 260 et 300 tués et au moins 700 blessés depuis samedi. Et les affrontements continuent de faire rage.

 

Sur le seul front de Jandairis au Sud-Ouest [carte], au moins 80 à 90 militaires ottomans ont perdu la vie en se cassant les dents sur les défenseurs des Unités de Protection du Peuple (YPG), notamment dans les villages de Bakhtiar, Girê Batman et Hamam.

 

Les corps des combattants ennemis étaient emmenés par dizaines par camions en direction d’Aziz, de l’autre côté du canton, où les Ottomans semblent avoir installé leur quartier général principal.

 

Le commandant de la Brigade Samarkand, Ahmad Fayyad, a perdu la vie lors de ces combats.  La Brigade Samarkand, ou Armée Unie des Turkmènes, rassemble des membres de la communauté turkmène de Syrie ainsi que des Turcs. Ils s’inspirent d’idéologies néo-ottomanes et ultra-nationalistes proches du fascisme.

 

Sur le front qui fait face à Aziz, précisément là où la concentration de ses blindés est la plus imposante, l’agresseur, après de grosses préparations d’artillerie, s’est attaqué à six villages et positions fortifiées. Les combats les plus violents se sont déroulés à Maraanaz et à Qasleti, non loin de Kafr Jana, où les Russes avaient établi leur base militaire pour "y former les Peshmerga d’Afrin".

 

Au moins jusqu’à 16h locales cette après-midi, les porte-flingues d’Erdogan n’avaient pas avancé d’un mètre.

 

Les fronts des districts de Boulboul et de Rajo [carte] ont à nouveau essuyé les bombardements les plus violents, tant de la part de l’artillerie que de l’aviation. Ce qui n’a pas empêché les YPG et les YPJ d’éliminer une quarantaine d’assaillants et de détruire plusieurs véhicules militaires.

 

On a aussi vu l’éveil du front de Maréa, ville à partir de laquelle les Turcs s’en sont pris aux positions YPG/FDS du saillant qui s’étend en direction d’al Bab. Ils ont particulièrement visé la localité de Cheikh Issa à coups d’obus d’artillerie et d’attaques par des hélicoptères d’assaut.

 

En plus d’avoir résisté aux coups de boutoirs de l’agresseur et de lui avoir infligé des pertes sévères, ce mercredi a été marqué par la destruction ou la récupération d’un vaste matériel au service des forces du dictateur. Ainsi, selon nos décomptes, entre 6 et 9 chars ont été détruits, et autant de véhicules blindés et de camions militaires.

 

On compte non seulement le double de véhicules endommagés, mais d’autres également, en parfait état, qui ont été abandonnés par les Turcs lors de leurs divers replis ou reculades. Au moins quatre tanks, des canons, des pickups dotés de mitrailleuses lourdes, des jeeps et des camions ont ainsi été récupérés.

 

Les commandos YPG frappent l’ennemi sur ses arrières

 

Une autre nouveauté de la journée a consisté en l’envoi de plusieurs commandos jusqu’à 10km derrière les lignes de l’Armée turque et de ses supplétifs arabes. Six actions ont ainsi été menées avec succès, toutes, entre Maréa et al Bab (carte) dans le voisinage du saillant.

 

La première opération a eu lieu aux alentours du village de Kaljebren [numérotée 1 sur la carte], l’un des principaux points d’appui de l’ennemi dans cette guerre. Elle a consisté en l’attaque de deux positions adverses ; nos forces spéciales ont rapporté avoir infligé de gros dommages à leurs objectifs et éliminé nombre de militaires ottomans et de mercenaires islamistes.

 

Un second commando a tendu une embuscade à un véhicule militaire entre les villages d’Abla [3] et Hazwan [4], qui n’est distant d’al Bab que de 7 kilomètres. La cible a été détruite et ses passagers éliminés.

 

Le même commando, probablement, a ensuite mitraillé un groupe de mercenaires à Soussian [5], à 3.5km d’Hazwan

 

Un autre objectif a été attaqué au pied de la colline de Malid, à 4km au sud-est de Maréa [2], et un sixième, tout près de là, à Sad Shahba [2], dans l’assaut duquel 3 soldats turcs ont été oblitérés et quelques autres blessés, et leur véhicule, sur lequel était montée une mitrailleuse Douchka, a été mis hors d’état de nuire.

 

Je laisserai à mon camarade de la Ména Jean Tsadik le soin d’expliquer demain dans une analyse l’importance stratégique de ces opérations et des derniers développements de la situation.

 

Je dois encore parler des pertes kurdes de la journée, qui s’élèvent à au moins 20 tués parmi les combattants et 30 à 40 blessés, portant leur bilan total à 60 morts et 110 blessés. Chez les civils, nous en sommes à 45 morts environ depuis samedi et à une centaine de blessés. Ces chiffres, je le rappelle, sont officieux et participent de notre évaluation au fil des rapports que nous avons reçus.

 

Ils sont néanmoins assurément plus fiables que ceux proposés ce mercredi par le Grand Turc Erdogan et repris par l’agence Reuters, qui font état de la mort de "268 terroristes des YPG et de l’Etat Islamique" depuis le début de son Rameau d’olivier. Il s’agit évidemment d’une astuce aussi grossière que son comportement, consistant à mélanger des morts qui n’ont aucun rapport entre eux, puisqu’aucun mercenaire de l’Etat Islamique ne se trouve dans le canton d’Afrin.

 

Recep Erdogan affirme vouloir établir 3.5 millions de réfugiés syriens à Afrin après la "victoire"

 

A l’occasion d’un discours tenu aujourd’hui dans son palais hollywoodien d’Ankara, le despote sanguinaire a affirmé que sa "préoccupation était l’établissement de la justice, non le territoire" (jusqu’à présent il s’agissait, selon ses dires, de neutraliser la menace terroriste imminente qui menaçait la Turquie). Ce personnage n’est visiblement pas fixé sur sa raison de massacrer des gens.

 

"La Turquie", a-t-il prédit, "va d’abord détruire les terroristes et, une fois que l’opération Rameau d’Olivier sera terminée, permettre à 3.5 millions de réfugiés syriens actuellement en Turquie de rentrer chez eux en sécurité".

 

Expliquant le mélange auquel il a procédé dans son bilan, Erdogan a affirmé que "les organisations terroristes – le PYD, le PKK, les YPG, DAESH, et les gauchistes de DHKP-C – sont toutes pareilles. Ce sont des groupes terroristes qui poursuivent les mêmes objectifs dans le même scénario en interprétant différents rôles".

 

Il a promis que "l’opération Rameau d’Olivier ne se terminera qu’avec la mort du dernier terroriste".

 

C’est ce qu’on appelle un homme de nuances qui fait grand cas des "préoccupations" exposées par ses amis européens, russes et américains. Il attache autant d’importance à la diplomatie que le faisait son modèle Adolf Hitler.

 

Je ne me souviens pas dans l’histoire qu’une puissance militaire de la taille de la Turquie ait mis autant de moyens pour exterminer la population d’un si petit territoire.

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