En Israël, la fin de l'occupation n'apportera pas la paix
La véritable menace pour les Israéliens et les Palestiniens c’est de tomber dans les poubelles de l’histoire parce que leur conflit, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, n’intéresse plus personne.
Jean-Marc Ayrault a décidé de résoudre le conflit israélo-palestinien un dimanche d'hiver à Paris. C'était parfaitement louable et complètement voué à l'échec. Ce n'est pas l'intransigeance, bien réelle, d'un Netanyahu a la tête du gouvernement le plus à droite qu'ait connu Israël, ou encore l'ambiguïté d'Abbas (qui appelait il y a quelques mois encore à "purifier Jérusalem de la souillure juive") face au terrorisme des siens, qui rendait l'exercice impossible. C'est bien l'obstination du Quai d'Orsay et du Département d'Etat Américain à s'accrocher à de vieilles lanternes en nous resservant l'idée de la Terre contre la Paix et de la centralité du conflit israélo-palestinien.
La résolution du Conseil de Sécurité 2334, sous couvert de condamner la colonisation israélienne, donne raison à l'extrémisme palestinien qui ne fait aucune différence entre les lieux le plus saints du Judaïsme (Mur des Lamentations et Mont du Temple) et les implantations sauvages. Le Mur des Lamentations un "territoire occupé"? Les belles âmes du Département d'Etat et du Quai d'Orsay ont réussi l'exploit de rallier la quasi-totalité de l'opposition israélienne derrière un Netanyahu qu'ils abhorrent.
La terre contre la paix. Plus qu'une formule, une incantation.
L'idée de la terre contre la paix, dérivée de la résolution 242 du Conseil de sécurité, est morte plusieurs fois. Elle est morte à Camp David en 2000 lorsque Yasser Arafat a refusé de signer un accord qui aurait mené Israël à se retirer de 97% des territoires occupés en 1967, et aurait donné naissance à un Etat Palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale. Au lieu de cela Arafat a préféré déclencher la deuxième intifada avec sa vague d'attentats suicides qui aura duré cinq ans et mené à la réoccupation des territoires cédés après les accords d'Oslo.
Mais peut-être l'idée était-elle déjà morte après le retrait d'Israël du Sud-Liban en mai 2000 qui aurait dû mettre fin à tout conflit territorial entre les deux pays? Le Hezbollah, qui se présentait jusqu'à lors comme une simple force de résistance, a montré son vrai visage, ce même visage que les civils Syriens ont appris à connaitre ces dernières années. Le groupe Chiite ne s'est pas contenté de provoquer la deuxième guerre du Liban en 2006 en tuant et kidnappant les dépouilles de deux soldats en territoire israélien, mais a même poursuivi ses actions terroristes sur le sol européen contre des civils Israéliens comme a Bourgas en Bulgarie en 2012. Nasrallah ne parle plus aujourd'hui de libérer le Sud Liban, mais répète à qui veut l'entendre qu'il va "conquérir" les localités du Nord d'Israël lors du prochain conflit.
Et il y a bien sûr le démantèlement de toutes les implantations et le retrait unilatéral de la bande de Gaza mené par Ariel Sharon en 2005. On lit aujourd'hui, sous la plume d'analystes un peu légers, que c'est le blocus de la bande de Gaza qui explique les trois conflits qui ont opposé le Hamas et Israël depuis dix ans. On peut penser que le blocus est contre-productif, mais les faits sont têtus. Il n'y avait pas au lendemain du retrait de Gaza, de "blocus", et c'est bien le harcèlement des roquettes du Hamas et des autres factions palestiniennes qui a conduit le gouvernement à fermer ses frontières de manière hermétique. Il est parfaitement clair pour les Israéliens que ces deux dernières décennies, chaque retrait territorial, loin d'avoir conduit à un apaisement, a conduit à une nouvelle flambée de violence.
Il faut presque se pincer en entendant la diplomatie française parler de la centralité d'un conflit israélo-palestinien qui serait la "clé du bonheur" au Moyen-Orient. Faut-il rappeler ici que la guerre civile syrienne a fait dix fois plus de morts en cinq ans que toutes les victimes militaires et civiles des deux camps de toutes les guerres israélo-arabes (1948, 1956, 1967, 1973 ; les deux guerres du Liban en 1982 et 2006 ; les deux intifadas et 1987 et 2000 et les trois conflits à Gaza en 2009, 2012 et 2014)? Les chefs de la diplomatie Européenne aiment répéter que le conflit israélo-palestinien est un "outil de recrutement" pour l'EI. Ce serait comique si ce n'était pas tragique. L'idée même d'avoir un Etat Palestinien indépendant est une hérésie pour les soldats du Califat qui ne veulent déjà pas des Etats arabes qui existent et dont ils ne reconnaissent pas les frontières. Les égorgeurs au drapeau noir ne sont guère intéressés par Jérusalem mais par la lutte contre les Chiites et la pérennisation du Califat.
François Hollande et Barack Obama nous assurent que la communauté internationale saura garantir la paix. Au-delà du fait qu'il s'agit de deux Présidents en pré-retraite, c'est encore une fois une insulte à l'intelligence. Qui fera confiance à cette communauté internationale qui préside en ce moment même à la plus grande catastrophe humanitaire du siècle avec plus de 500.000 morts et 11 millions de réfugiés?
La fin de l'occupation n'apportera pas la paix. Les Israéliens doivent choisir de se séparer des Palestiniens parce qu'il est dans leur intérêt de le faire, mais cela n'arrêtera ni le terrorisme aveugle des Palestiniens, ni même l'antisémitisme outrancier de la rue arabe. La cruelle réalité est que les Palestiniens n'ont eux-mêmes que très peu à espérer de la fin de cette occupation. Il y aura bien entendu un moment de fierté nationale mais il disparaitra bien vite lorsqu'ils s'apercevront qu'ils n'ont fait que rejoindre les autres Etats arabes ou l'on vit souverain et misérable.
La véritable menace pour les Israéliens et les Palestiniens c'est de tomber dans les poubelles de l'histoire parce que leur conflit, contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, n'intéresse plus personne.
Noam Ohana est franco-israélien, diplômé de Sciences Po et de Stanford, il écrit sur le conflit Israélo-Arabe depuis 2005 et a publié "Journal de Guerre" (Editions Denoël).