FAKE NEWS : "NE PAS PENSER QUE 'LES AUTRES' SONT CRÉDULES, NOUS SOMMES TOUS CRÉDULES", SELON DOMINIQUE CARDON

FAKE NEWS : "NE PAS PENSER QUE 'LES AUTRES' SONT CRÉDULES, NOUS SOMMES TOUS CRÉDULES", SELON DOMINIQUE CARDON

Le sociologue Dominique Cardon, spécialiste d'Internet, considère que le débat sur les fake news coupe les populations, avec l'idée qu'il faudrait protéger des gens crédules et sensibles aux fausses informations. Ce que les études ne montrent pas.

Le sociologue spécialiste d'Internet, Dominique Carond, a publié deux articles sur le site aoc.media dans lesquels il brosse l'avancée des recherches sur les fake news. "I faut faire attention à ne pas dire ou penser que "les autres" sont crédules. Il y a une sorte de mépris de classe considérable. Nous sommes tous crédules", a-t-il déclaré ce vendredi, sur France Inter.

Selon le sociologue, c'est "la grande histoire du numérique" :  "Quand les réseaux sociaux sont arrivés, on a dit 'c’est formidable, des individus autonomes peuvent enfin s’émanciper de la tutelle des journalistes des éditeurs qui leur listent les infos qu’ils doivent lire." 

"Et puis ce discours s’est inversé avec l’idée qu’on a donné aux individus le pouvoir de choisir et qu’ils font un très mauvais usage de cette liberté. Le discours ambiant c’est que les gens aiment des contenus douteux, aiment des choses médiocres, qu'ils ils sont crédules et vont endosser les discours étrange qui circulent sur Internet. On voit réapparaître ce discours sur lequel il y a des menaces et des dangers sur la démocratie parce que les gens ne sont pas à la hauteur."

Or, selon Dominique Cardon, les effets des fake news "sont faibles" : "On a toutes les raisons de penser que le paysage informationnel s’est si radicalement transformé - on vit dans de de l’information ambiante partout - que du coup les effets sont faibles, diffractés, etc. On n'est évidemment pas dans un système d’effets forts."

Blanchiment d'informations

Pour que les fausses informations prospèrent, il faut, selon le sociologue, que des médias ou des personnalités suffisamment puissants les 'blanchissent'. "La situation américaine est très frappante. On a plein d'officine qui produisent des infox diverses et variées. mais pour qu’elles soient structurantes ou produisent des effets il faut que des gens qui soient au cœur de l’espace politco-médiatique reprennent et blanchissent ces informations."

"Les grands médias de centre-droit américain ont été en quelque sorte 'hacké' par Fox News et Breibart. L’espace journalistique américain s’est totalement déchiré. Vous pouvez avoir des infos qui disent A sur Fox News alors que tous les autres sont en train de dire B. On peut avoir deux réalités superposées et l’espace journalistique n’exerce plus à l‘intérieur de ses propres rangs une espèce de critique mutuel sur les procédures mêmes du processus journalistique." 

En France, la situation est différente, selon Dominique Cardon : "Ce que montre l'enquête sur les médias français, c'est qu'il y a un centre et un hyper centre de grands médias dans lequel le taux de citation mutuel est assez fort, il y a une certaine densité. Il y a un effet de vigilance croisé et mutuelle entre les rédactions."

"En France il y a une centralisation forte sur la question du journalisme. Il y a des écoles qui ont hyper-professionnalisé les trajectoires et les carrières. Il y a une centralité parisienne des rédactions. Et donc on a un espace qui a cette forme de cohésivité."

 

Les invités

  • Dominique Cardon Sociologue et directeur du Médialab de Sciences Po

L'équipe

  • Nicolas Demorand Journaliste
  • Léa Salamé Journaliste

 

Source : FranceInter

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