Israël : trois Etats pour un seul peuple?
FIGAROVOX/TRIBUNE – A l’occasion du centenaire de la Déclaration Balfour, Shmuel Trigano livre son analyse du confli israélo-plaestinien et prédit un avenir sombre pour l’Etat juif.
Professeur émérite des Universités, Shmuel Trigano est un philosophe et sociologue, spécialiste de la tradition hébraïque et du judaïsme contemporain.
L’Etat qui pratique l’ «apartheid» que l’on sait, Israël, abrite à la Knesset un parti politique arabe, la Liste Unifiée, qui dispose de 13 sièges sur 120. C’est une liste «ethnique». Elle «unifie» en effet plusieurs partis issus de cette population, des islamistes aux communistes, en fonction d’un seul critère commun, l’origine ethnique.
Cet état de faits vise d’ailleurs, très adroitement, à jouer le rôle d’un leurre tendant à authentifier l’argument que les Arabes israéliens sont objectivement victimes d’ «apartheid». L’auto-exclusion joue ainsi comme la démonstration spectaculaire qu’il y a exclusion…
«Deux peuples, deux Etats»
Plusieurs des membres de ce parti, qui défraie la chronique parlementaire par sa violence verbale, viennent de se faire remarquer par des déclarations intempestives qui révèlent ce que cache le leurre du slogan: «Deux peuples, deux Etats».
Hanan Zoabi – qui prit part à la flotille pour Gaza, téléguidée par la Turquie néo-islamiste – vient en effet de déclarer à Dallas que les citoyens israéliens arabes «utiliseront la démocratie israélienne pour poursuivre leur propre intérêt et réaliser leurs objectifs nationaux», à savoir le droit à l’autodétermination nationale en… Israël.
L’Etat que produira cet exercice s’ouvrira, selon elle, au «retour des réfugiés» palestiniens tandis que les Juifs n’auront aucun droit à l’autodétermination, c’est-à-dire à l’existence même d’un Etat juif, parce qu’ «ils ne sont pas une nation et ne peuvent constituer une nationalité». Il ne suffit pas pour Israël, précise-t-elle, de quitter Gaza et la Rive Ouest, c’est le sionisme qui doit disparaître, parce qu’il est un racisme.
Ayman Oudeh, quant à lui – chef de la Liste unifiée -, est venu dénoncer à Paris, invité par France Palestine Solidarité, le fait imaginaire que le gouvernement israélien «vote chaque jour de nouvelles mesures racistes et ségrégationnistes envers la population arabe israélienne».
Ahmed Tibi – qui fut le conseiller d’Arafat pour ses rapports avec Israël – appelle, pour sa part, depuis Washington, au boycott international d’Israël.
Enfin, last but not least, une délégation de ce parti ( les députés Jamal Zahalka, Youssef Jabrin, Aïda Touma-Suleiman et Massoud Ghaneim) s’est rendue à Bruxelles pour avoir des entretiens avec des hauts fonctionnaires de l’UE, des représentants de divers partis du parlement européen ainsi que des ministères belge et français des Affaires étrangères pour que l’Europe intervienne afin de stopper l’adoption par le parlement israélien de la «Loi de la nation», qualifiée de «raciste» et «antidémocratique», qui vise justement à inscrire dans la loi les symboles nationaux de l’Etat. Cette dernière démarche nous dit à l’évidence quelque chose de l’Union Européenne…
La thèse que je voudrais soutenir c’est qu’il y a dans ces déclarations autant d’indices de la finalité véritable de la paix promue par le concept de «Deux peuples, deux Etats».
Elles émanent d’un lieu auquel le discours politico-médiatique n’a jamais pensé, à savoir les Arabes israéliens, jouissant des pleins droits de citoyenneté (au point d’occuper une dixième des sièges de parlement), qu’on est bien obligé de confondre avec leur élite politique qui n’a jamais été désavouée, quoique nombreux soient parmi eux à penser autrement.
Le concept de «Palestine»
Pour comprendre l’état de faits, il faut partir de la doctrine de «la conquête par étapes», adoptée par l’OLP, le 9 juin 1974, au Caire, à la 12ème session de son Conseil National. Elle reprenait l’article 20 de la Charte Palestienne – une charte que l’OLP n’a jamais formellement reniée – déniant aux Juifs le droit à l’autodétermination – quoiqu’avec plus de souplesse, car elle envisageait dorénavant d’accepter toute solution «partielle» éventuelle, comme une «étape» vers l’objectif final de la «Palestine du Jourdain à la mer», c’est-à-dire de toute la «Palestine mandataire» .
Il faut en effet rappeler ce dernier concept, forgé par la SDN, sans lequel on ne comprend rien à la situation contemporaine et à son devenir. C’est le seul critère possible sur un plan international pour évaluer les jugements concernant ce territoire.
En effet, avant le mandat britannique, ce dernier était occupé par l’Empire ottoman (1516-1917), c’est-à-dire qu’il avait statut de «colonie», sans pour autant constituer une instance administrative en soi car il dépendait administrativement de la Syrie du sud, également occupée. Avant l’Empire ottoman, la «Palestine» n’existait de toute façon pas comme telle. Le territoire était occupé par l’Empire arabe, suite à l’invasion du 8ème siècle.
Il succédait à l’Empire byzantin, qui succédait à l’Empire romain, qui succédait à l’Empire grec qui, lui, avait occupé un Etat juif, qui se releva sous l’empire romain avant d’être terrassé par lui.
Tout ceci pour dire que ce territoire n’a jamais abrité d’entité spécifiquement «palestinienne» (c’est-à-dire «arabe», quoique les Juifs de la Palestine mandataire étaient qualifiés de «Palestiniens» ). Avant l’Empire britannique comme avant l’Empire ottoman, il n’y eut donc aucune instance «palestinienne».
La rive est du Jourdain, constituait une partie intégrante de ce territoire dans le mandat de la SDN. L’Empire britannique, successeur de l’Empire ottoman, la retrancha cependant de la «Palestine» sur laquelle il avait mandat, pour la donner au shérif Hussein, pour services rendus à l’Empire. Le fils de ce dernier y érigea plus tard un Etat, la «Transjordanie».
C’était bien un Etat arabe et musulman mais non «palestinien» en ce sens que, si sa population était bien «palestinienne», le pouvoir était aux mains d’une dynastie bédouine. Le roi Abdallah ajouta à ce territoire la rive ouest du Jourdain, en l’annexant en 1948 (renommée alors «Cisjordanie»), lors de la guerre qu’il déclencha contre l’Etat d’Israël naissant, ce qui transforma son Etat en «Jordanie».
Il y eut donc un Etat arabe dans la Palestine mandataire. Il n’était pas «palestinien» sur le plan national. À cette
époque, il n’y avait pas de «peuple palestinien». Il n’y en eut pas plus ultérieurement dans la charte de l’OLP qui se référa uniquement à «la nation arabe» dont on ne sait pas si elle désigne la Oumma islamique ou la nation arabe unifiée à la Nasser. Il n’apparaît qu’en 1970, lors des événements sanglants de «Septembre noir» qui voit la monarchie hashémite jordanienne réprimer l «’Etat dans l’Etat» que l’OLP avait installé en son sein.
Ce sont les Accords d’Oslo qui, après la victoire d’Israël en 1967, ont conféré aux Palestiniens un territoire et un embryon de pouvoir – «l’Autorité palestinienne» – et d’armée, qu’ils n’avaient jamais eus auparavant. Significativement, sous Gaza égyptienne et «Cisjordanie» jordanienne, les Palestiniens ne revendiquèrent jamais une quelconque autodétermination. N’étaient-ils pas arabo-musulmans?
S’ils n’avaient pas reçu de territoire sous l’empire britannique – si l’on écarte le fait que la Jordanie est un Etat dont la population est majoritairement palestinienne – c’est parce qu’ils n’acceptèrent pas l’existence de l’Etat d’Israël et récusèrent le Traité de Sèvres issu de la Conférence de San Remo (1920) décrétant la création d’un «Foyer national juif» et d’un Etat arabe,nommément l’Émirat de Transjordanie.
Au moment même de la signature des Accords d’Oslo, Arafat réaffirma cependant, à destination de son audience arabe, la doctrine de la conquête par étapes. La gauche israélienne – mais aussi les Etats occidentaux – ne voulut pas l’entendre. L «’intifada», la vague d’attentats contre les civils israéliens qui suivit confirmèrent justement le projet de passer à une «étape» supplémentaire.
Le théâtre palestinien
La mise en œuvre de cette stratégie est censée s’appuyer sur la base obtenue (l’ «Autorité palestinienne» des Accords d’Oslo) pour peu à peu grignoter davantage en direction de la «Palestine du Jourdain à la mer», c’est-à-dire de l’élimination d’Israël. Le territoire obtenu par l’OLP est alors devenu la scène de théâtre de la lutte contre la «colonisation», oubliant que l’Autorité Palestinienne devait aux Israéliens son existence même, que les Etats arabes ne lui avaient jamais reconnue. Ce théâtre était destiné à l’opinion publique occidentale, tombée dans le panneau au point de croire que le djihad mondial qui frappe l’Occident est la conséquence de «l’occupation» israélienne.
Une autre étape vient d’être franchie, avec la montée de l’Autorité Palestinienne sur la scène internationale sous les traits d’un «Etat de Palestine», depuis que des Etats occidentaux l’ont reconnu – une aberration sur le plan du «droit international»- et consacré comme acteur international dont le seul projet est de citer à comparaître l’Etat d’Israël devant la Cour de justice internationale!
Le scénario actuel
Le «plan par étapes» semble aujourd’hui mieux se dessiner. A supposer que le concept de «deux peuples, deux Etats» soit mis en œuvre un jour, les prises de position internationales des députés représentant les Arabes israéliens laissent prévoir la suite des événements. On peut discerner trois étapes dans leur stratégie:
– Les Palestiniens se font reconnaître comme un Etat, opération déjà réalisée
– Sur cette lancée, ils s’emploient – par le biais du lobby islamique mondial (l’ «Organisation de la conférence islamique») – majorité de blocage «démocratique» dans toutes les instances internationales dont l’UNESCO – à infliger une défaite universelle, car symbolique, à l’Etat d’Israël, en le délégitimant au fond de son existence, en imposant sur un plan international le narratif coranique de réécriture de la Tora à l’avantage de l’islam, en se livrant au rapt théorique de tous les lieux saints et lieux de mémoire du peuple juif, avec l’assentiment silencieux ou collaboratif de l’Union Européenne. Opération déjà réalisée à l’Unesco et au Comité international des droits de l’homme. Trump l’a arrêtée au Conseil de sécurité.
Le vote de l’UNESCO sur ces matières a, plus généralement, donné un «permis de chasser» l’Etat d’Israël à tout habitant de la planète: devenu illégitime, le coup final qui lui serait asséné deviendrait ainsi «légitime» et «juridique».
– Mais ce ne sera pas le coup de grâce. Il viendra du sein de l’Etat juif: des Palestiniens qui jouissent de la
citoyenneté israélienne. C’est à l’orée de cette étape que nous sommes potentiellement. Il faut rappeler la situation créée par la stratégie du parti arabe. La «Ligue islamique du Nord», un mouvement islamiste israélien (alliage inouï!) de Galilée, a réussi, parce qu’elle jouit de la citoyenneté israélienne, à installer son influence activiste et incitatrice à la violence sur la Mosquée El Aksa et le Mont du Temple où les récentes explosions ont donné l’occasion de penser que l’Etat d’Israël y avait perdu de facto sa souveraineté.
Profitant de la liberté démocratique dont ils jouissent, les députés de la Liste Unifiée se sont manifestés à cette occasion comme les chefs de l’incitation à la violence. Leur montée en puissance sur la scène internationale aujourd’hui constitue une étape supplémentaire qui vise à saper la légitimité et la légalité de l’Etat dont ils sont les représentants formels, en l’accusant de racisme et d’apartheid.
La guerre tous azimuts
Dès qu’un Etat de Palestine serait créé, c’est donc une guerre tous azimuts qui serait déclenchée. Cet Etat demanderait le retour des «réfugiés» non point sur son propre territoire mais en Israël, tandis que les Arabes israéliens en appelleraient à l’ONU et aux organisations internationales pour les libérer de l’apartheid dont ils prétendent souffrir.
Ce ne sont point des supputations. Les déclarations des députés arabes israéliens le montrent ainsi que celles, habituelles et courantes, de l’Autorité palestinienne.
Son refus de reconnaître en Israël un Etat juif et son exigence d’un «retour» en Israël d’environ 7 millions de «réfugiés» (dont le statut est devenu «héréditaire» comme nulle part au monde) soulignent que, dans la solution à «deux Etats», il n’y aura pas de reconnaissance d’Israël comme Etat national juif, contesté à la fois du dehors (la «Palestine») et du dedans ( c’est ce dernier point qui vient d’être confirmé par les députés arabes).
La future constitution palestinienne
L’Autorité palestinienne est en fait cohérente avec ses ambitions hégémoniques: comment reconnaîtrait-elle un Etat juif alors que 20 % de sa population est incitée à y réaliser ses «droits nationaux» et que 7 millions de Palestiniens déferleraient sur son territoire? Ce dernier deviendrait à l’évidence un Etat exclusivement arabe et, plus, musulman, comme le montre le projet de Constitution de l’Etat de Palestine, financé par la Fondation allemande Konrad Adenauer.
Cet Etat sera «palestinien» et «arabe» (art. 13), musulman (art. 10), adoptant, comme base de la loi, la Sharia (art. 6) , avec un statut spécial pour les non musulmans, qualifiés ici de «monothéistes» – en un mot des «dhimmis» -, bref un Etat ségrégationniste et théocratique sous un masque postmoderniste pour plaire aux grands moralistes européens et avant tout aux gauchistes «postcolonialistes», convoqués à soutenir le projet d’un Etat profondément régressif.
Rappelons, dans ce sens-là, que l’Autorité Palestinienne a maintes fois déclaré qu’elle n’accepterait aucune population juive dans les territoires «occupés» qu’elle récupérerait, alors qu’elle récuse en principe l’existence d’un Etat juif, au nom des Palestiniens qui y résident et de ceux qui sont appelés à y affluer.
En somme l’Etat de Palestine confierait aux Arabes israéliens le soin de mettre en œuvre la politique irrédentiste que recouvre son refus de reconnaître un Etat juif, qui n’est pas autre – faut-il le préciser – qu’un Etat-nation, à la façon dont la République est «française». Et pas «algérienne»…
Cette stratégie que nous venons de décortiquer a pour finalité inéluctable la dislocation de l’Etat d’Israël. Le fait que l’Etat imaginaire de Palestine a déjà son siège auprès de la supposée «communauté internationale» démontre que la paix du «deux peuples-deux Etats» sera une paix imposée à Israël.
Ce serait la fin d’un Etat «juif», ce qui est déjà justifié doctrinalement puisqu’ «il n’y a pas de peuple juif», ce que l’UNESCO a déjà confirmé en statuant indirectement qu’il n’y a pas eu d’histoire juive en Eretz Israël, et pas seulement en «Judée» et en «Samarie» .
La suite est facile à imaginer. L’annexion «démocratique» par l’Etat de Palestine des Arabes israéliens devenus «nationalement» autonomes, sera alors imminente. L’ «Etat de tous ses citoyens» (le bluff rhétorique des Palestiniens israéliens et de leurs supplétifs gauchistes) qui en résulterait ne resterait pas l’ «Etat d’Israël», dont le nom même est l’objet d’une exécration religieuse inextinguible…
Trois Etats pour un peuple
Mais il y aurait une autre étape, irrésistible.
La fusion de l’Etat de Palestine et de «l’Etat de tous ses citoyens» ne pourra pas se désintéresser d’une autre population palestinienne, celle qui constitue la majorité démographique (mais non politique) d’un autre Etat, celui que l’Empire britannique avait soustrait au mandat: la Jordanie.
L’Etat de Palestine ne résistera pas à à renverser la monarchie jordanienne. La Palestine mandataire sera ainsi tout arabo-musulmane. À condition, bien sûr, que la Syrie, l’Irak et l’Egypte acceptent son existence…
Ce scénario est écrit sur le mur depuis fort longtemps. Il se dévoile aujourd’hui même par ceux qui l’ont fomenté et qui croient pouvoir se découvrir parce qu’ils se croient proches de l’atteinte de leurs objectifs.
C’est la reconnaissance par certains pays de «l’Etat de Palestine» qui les a portés à se découvrir inopinément, tandis que ce qui a précipité l’aveu provocateur des députés arabes israéliens, c’est la victoire récente qu’ils ont remportée sur le Mont du Temple face à un gouvernement israélien qui, lors de la guerre de 1967, n’a pas su assumer sa souveraineté (Moshe Dayan avait remis les clefs du Mont du Temple au Wakf islamique qui avait désécré tous les lieux saints juifs) et une démocratie israélienne en proie aujourd’hui aux illusions fatales de l’idéologie postmoderniste.
Ce que les citoyens israéliens d’origine palestinienne promettent à Israël et spécifiquement à leurs concitoyens juifs qui leur ont reconnu des droits égaux s’est déjà produit à son égard dans la supposée «communauté internationale», où le vote ethnico-religieux des Etats de l’Organisation de la Conférence Islamique, en forme de majorité de blocage, a corrompu le jeu démocratique pour imposer la véracité d’un mensonge, avec la compromission quasi universelle des puissances occidentales.
Ces dernières feraient bien de trouver dans cet état de faits l’occasion d’une leçon pour elles-mêmes, confrontées à la probabilité d’un scénario «démocratique» du même genre en leur sein même.
Source: Figarovox
Israël : trois Etats pour un seul peuple?
FIGAROVOX/TRIBUNE – A l’occasion du centenaire de la Déclaration Balfour, Shmuel Trigano livre son analyse du confli israélo-plaestinien et prédit un avenir sombre pour l’Etat juif.
Professeur émérite des Universités, Shmuel Trigano est un philosophe et sociologue, spécialiste de la tradition hébraïque et du judaïsme contemporain.
L’Etat qui pratique l’ «apartheid» que l’on sait, Israël, abrite à la Knesset un parti politique arabe, la Liste Unifiée, qui dispose de 13 sièges sur 120. C’est une liste «ethnique». Elle «unifie» en effet plusieurs partis issus de cette population, des islamistes aux communistes, en fonction d’un seul critère commun, l’origine ethnique.
Cet état de faits vise d’ailleurs, très adroitement, à jouer le rôle d’un leurre tendant à authentifier l’argument que les Arabes israéliens sont objectivement victimes d’ «apartheid». L’auto-exclusion joue ainsi comme la démonstration spectaculaire qu’il y a exclusion…
«Deux peuples, deux Etats»
Plusieurs des membres de ce parti, qui défraie la chronique parlementaire par sa violence verbale, viennent de se faire remarquer par des déclarations intempestives qui révèlent ce que cache le leurre du slogan: «Deux peuples, deux Etats».
Hanan Zoabi – qui prit part à la flotille pour Gaza, téléguidée par la Turquie néo-islamiste – vient en effet de déclarer à Dallas que les citoyens israéliens arabes «utiliseront la démocratie israélienne pour poursuivre leur propre intérêt et réaliser leurs objectifs nationaux», à savoir le droit à l’autodétermination nationale en… Israël.
L’Etat que produira cet exercice s’ouvrira, selon elle, au «retour des réfugiés» palestiniens tandis que les Juifs n’auront aucun droit à l’autodétermination, c’est-à-dire à l’existence même d’un Etat juif, parce qu’ «ils ne sont pas une nation et ne peuvent constituer une nationalité». Il ne suffit pas pour Israël, précise-t-elle, de quitter Gaza et la Rive Ouest, c’est le sionisme qui doit disparaître, parce qu’il est un racisme.
Ayman Oudeh, quant à lui – chef de la Liste unifiée -, est venu dénoncer à Paris, invité par France Palestine Solidarité, le fait imaginaire que le gouvernement israélien «vote chaque jour de nouvelles mesures racistes et ségrégationnistes envers la population arabe israélienne».
Ahmed Tibi – qui fut le conseiller d’Arafat pour ses rapports avec Israël – appelle, pour sa part, depuis Washington, au boycott international d’Israël.
Enfin, last but not least, une délégation de ce parti ( les députés Jamal Zahalka, Youssef Jabrin, Aïda Touma-Suleiman et Massoud Ghaneim) s’est rendue à Bruxelles pour avoir des entretiens avec des hauts fonctionnaires de l’UE, des représentants de divers partis du parlement européen ainsi que des ministères belge et français des Affaires étrangères pour que l’Europe intervienne afin de stopper l’adoption par le parlement israélien de la «Loi de la nation», qualifiée de «raciste» et «antidémocratique», qui vise justement à inscrire dans la loi les symboles nationaux de l’Etat. Cette dernière démarche nous dit à l’évidence quelque chose de l’Union Européenne…
La thèse que je voudrais soutenir c’est qu’il y a dans ces déclarations autant d’indices de la finalité véritable de la paix promue par le concept de «Deux peuples, deux Etats».
Elles émanent d’un lieu auquel le discours politico-médiatique n’a jamais pensé, à savoir les Arabes israéliens, jouissant des pleins droits de citoyenneté (au point d’occuper une dixième des sièges de parlement), qu’on est bien obligé de confondre avec leur élite politique qui n’a jamais été désavouée, quoique nombreux soient parmi eux à penser autrement.
Le concept de «Palestine»
Pour comprendre l’état de faits, il faut partir de la doctrine de «la conquête par étapes», adoptée par l’OLP, le 9 juin 1974, au Caire, à la 12ème session de son Conseil National. Elle reprenait l’article 20 de la Charte Palestienne – une charte que l’OLP n’a jamais formellement reniée – déniant aux Juifs le droit à l’autodétermination – quoiqu’avec plus de souplesse, car elle envisageait dorénavant d’accepter toute solution «partielle» éventuelle, comme une «étape» vers l’objectif final de la «Palestine du Jourdain à la mer», c’est-à-dire de toute la «Palestine mandataire» .
Il faut en effet rappeler ce dernier concept, forgé par la SDN, sans lequel on ne comprend rien à la situation contemporaine et à son devenir. C’est le seul critère possible sur un plan international pour évaluer les jugements concernant ce territoire.
En effet, avant le mandat britannique, ce dernier était occupé par l’Empire ottoman (1516-1917), c’est-à-dire qu’il avait statut de «colonie», sans pour autant constituer une instance administrative en soi car il dépendait administrativement de la Syrie du sud, également occupée. Avant l’Empire ottoman, la «Palestine» n’existait de toute façon pas comme telle. Le territoire était occupé par l’Empire arabe, suite à l’invasion du 8ème siècle.
Il succédait à l’Empire byzantin, qui succédait à l’Empire romain, qui succédait à l’Empire grec qui, lui, avait occupé un Etat juif, qui se releva sous l’empire romain avant d’être terrassé par lui.
Tout ceci pour dire que ce territoire n’a jamais abrité d’entité spécifiquement «palestinienne» (c’est-à-dire «arabe», quoique les Juifs de la Palestine mandataire étaient qualifiés de «Palestiniens» ). Avant l’Empire britannique comme avant l’Empire ottoman, il n’y eut donc aucune instance «palestinienne».
La rive est du Jourdain, constituait une partie intégrante de ce territoire dans le mandat de la SDN. L’Empire britannique, successeur de l’Empire ottoman, la retrancha cependant de la «Palestine» sur laquelle il avait mandat, pour la donner au shérif Hussein, pour services rendus à l’Empire. Le fils de ce dernier y érigea plus tard un Etat, la «Transjordanie».
C’était bien un Etat arabe et musulman mais non «palestinien» en ce sens que, si sa population était bien «palestinienne», le pouvoir était aux mains d’une dynastie bédouine. Le roi Abdallah ajouta à ce territoire la rive ouest du Jourdain, en l’annexant en 1948 (renommée alors «Cisjordanie»), lors de la guerre qu’il déclencha contre l’Etat d’Israël naissant, ce qui transforma son Etat en «Jordanie».
Il y eut donc un Etat arabe dans la Palestine mandataire. Il n’était pas «palestinien» sur le plan national. À cette
époque, il n’y avait pas de «peuple palestinien». Il n’y en eut pas plus ultérieurement dans la charte de l’OLP qui se référa uniquement à «la nation arabe» dont on ne sait pas si elle désigne la Oumma islamique ou la nation arabe unifiée à la Nasser. Il n’apparaît qu’en 1970, lors des événements sanglants de «Septembre noir» qui voit la monarchie hashémite jordanienne réprimer l «’Etat dans l’Etat» que l’OLP avait installé en son sein.
Ce sont les Accords d’Oslo qui, après la victoire d’Israël en 1967, ont conféré aux Palestiniens un territoire et un embryon de pouvoir – «l’Autorité palestinienne» – et d’armée, qu’ils n’avaient jamais eus auparavant. Significativement, sous Gaza égyptienne et «Cisjordanie» jordanienne, les Palestiniens ne revendiquèrent jamais une quelconque autodétermination. N’étaient-ils pas arabo-musulmans?
S’ils n’avaient pas reçu de territoire sous l’empire britannique – si l’on écarte le fait que la Jordanie est un Etat dont la population est majoritairement palestinienne – c’est parce qu’ils n’acceptèrent pas l’existence de l’Etat d’Israël et récusèrent le Traité de Sèvres issu de la Conférence de San Remo (1920) décrétant la création d’un «Foyer national juif» et d’un Etat arabe,nommément l’Émirat de Transjordanie.
Au moment même de la signature des Accords d’Oslo, Arafat réaffirma cependant, à destination de son audience arabe, la doctrine de la conquête par étapes. La gauche israélienne – mais aussi les Etats occidentaux – ne voulut pas l’entendre. L «’intifada», la vague d’attentats contre les civils israéliens qui suivit confirmèrent justement le projet de passer à une «étape» supplémentaire.
Le théâtre palestinien
La mise en œuvre de cette stratégie est censée s’appuyer sur la base obtenue (l’ «Autorité palestinienne» des Accords d’Oslo) pour peu à peu grignoter davantage en direction de la «Palestine du Jourdain à la mer», c’est-à-dire de l’élimination d’Israël. Le territoire obtenu par l’OLP est alors devenu la scène de théâtre de la lutte contre la «colonisation», oubliant que l’Autorité Palestinienne devait aux Israéliens son existence même, que les Etats arabes ne lui avaient jamais reconnue. Ce théâtre était destiné à l’opinion publique occidentale, tombée dans le panneau au point de croire que le djihad mondial qui frappe l’Occident est la conséquence de «l’occupation» israélienne.
Une autre étape vient d’être franchie, avec la montée de l’Autorité Palestinienne sur la scène internationale sous les traits d’un «Etat de Palestine», depuis que des Etats occidentaux l’ont reconnu – une aberration sur le plan du «droit international»- et consacré comme acteur international dont le seul projet est de citer à comparaître l’Etat d’Israël devant la Cour de justice internationale!
Le scénario actuel
Le «plan par étapes» semble aujourd’hui mieux se dessiner. A supposer que le concept de «deux peuples, deux Etats» soit mis en œuvre un jour, les prises de position internationales des députés représentant les Arabes israéliens laissent prévoir la suite des événements. On peut discerner trois étapes dans leur stratégie:
– Les Palestiniens se font reconnaître comme un Etat, opération déjà réalisée
– Sur cette lancée, ils s’emploient – par le biais du lobby islamique mondial (l’ «Organisation de la conférence islamique») – majorité de blocage «démocratique» dans toutes les instances internationales dont l’UNESCO – à infliger une défaite universelle, car symbolique, à l’Etat d’Israël, en le délégitimant au fond de son existence, en imposant sur un plan international le narratif coranique de réécriture de la Tora à l’avantage de l’islam, en se livrant au rapt théorique de tous les lieux saints et lieux de mémoire du peuple juif, avec l’assentiment silencieux ou collaboratif de l’Union Européenne. Opération déjà réalisée à l’Unesco et au Comité international des droits de l’homme. Trump l’a arrêtée au Conseil de sécurité.
Le vote de l’UNESCO sur ces matières a, plus généralement, donné un «permis de chasser» l’Etat d’Israël à tout habitant de la planète: devenu illégitime, le coup final qui lui serait asséné deviendrait ainsi «légitime» et «juridique».
– Mais ce ne sera pas le coup de grâce. Il viendra du sein de l’Etat juif: des Palestiniens qui jouissent de la
citoyenneté israélienne. C’est à l’orée de cette étape que nous sommes potentiellement. Il faut rappeler la situation créée par la stratégie du parti arabe. La «Ligue islamique du Nord», un mouvement islamiste israélien (alliage inouï!) de Galilée, a réussi, parce qu’elle jouit de la citoyenneté israélienne, à installer son influence activiste et incitatrice à la violence sur la Mosquée El Aksa et le Mont du Temple où les récentes explosions ont donné l’occasion de penser que l’Etat d’Israël y avait perdu de facto sa souveraineté.
Profitant de la liberté démocratique dont ils jouissent, les députés de la Liste Unifiée se sont manifestés à cette occasion comme les chefs de l’incitation à la violence. Leur montée en puissance sur la scène internationale aujourd’hui constitue une étape supplémentaire qui vise à saper la légitimité et la légalité de l’Etat dont ils sont les représentants formels, en l’accusant de racisme et d’apartheid.
La guerre tous azimuts
Dès qu’un Etat de Palestine serait créé, c’est donc une guerre tous azimuts qui serait déclenchée. Cet Etat demanderait le retour des «réfugiés» non point sur son propre territoire mais en Israël, tandis que les Arabes israéliens en appelleraient à l’ONU et aux organisations internationales pour les libérer de l’apartheid dont ils prétendent souffrir.
Ce ne sont point des supputations. Les déclarations des députés arabes israéliens le montrent ainsi que celles, habituelles et courantes, de l’Autorité palestinienne.
Son refus de reconnaître en Israël un Etat juif et son exigence d’un «retour» en Israël d’environ 7 millions de «réfugiés» (dont le statut est devenu «héréditaire» comme nulle part au monde) soulignent que, dans la solution à «deux Etats», il n’y aura pas de reconnaissance d’Israël comme Etat national juif, contesté à la fois du dehors (la «Palestine») et du dedans ( c’est ce dernier point qui vient d’être confirmé par les députés arabes).
La future constitution palestinienne
L’Autorité palestinienne est en fait cohérente avec ses ambitions hégémoniques: comment reconnaîtrait-elle un Etat juif alors que 20 % de sa population est incitée à y réaliser ses «droits nationaux» et que 7 millions de Palestiniens déferleraient sur son territoire? Ce dernier deviendrait à l’évidence un Etat exclusivement arabe et, plus, musulman, comme le montre le projet de Constitution de l’Etat de Palestine, financé par la Fondation allemande Konrad Adenauer.
Cet Etat sera «palestinien» et «arabe» (art. 13), musulman (art. 10), adoptant, comme base de la loi, la Sharia (art. 6) , avec un statut spécial pour les non musulmans, qualifiés ici de «monothéistes» – en un mot des «dhimmis» -, bref un Etat ségrégationniste et théocratique sous un masque postmoderniste pour plaire aux grands moralistes européens et avant tout aux gauchistes «postcolonialistes», convoqués à soutenir le projet d’un Etat profondément régressif.
Rappelons, dans ce sens-là, que l’Autorité Palestinienne a maintes fois déclaré qu’elle n’accepterait aucune population juive dans les territoires «occupés» qu’elle récupérerait, alors qu’elle récuse en principe l’existence d’un Etat juif, au nom des Palestiniens qui y résident et de ceux qui sont appelés à y affluer.
En somme l’Etat de Palestine confierait aux Arabes israéliens le soin de mettre en œuvre la politique irrédentiste que recouvre son refus de reconnaître un Etat juif, qui n’est pas autre – faut-il le préciser – qu’un Etat-nation, à la façon dont la République est «française». Et pas «algérienne»…
Cette stratégie que nous venons de décortiquer a pour finalité inéluctable la dislocation de l’Etat d’Israël. Le fait que l’Etat imaginaire de Palestine a déjà son siège auprès de la supposée «communauté internationale» démontre que la paix du «deux peuples-deux Etats» sera une paix imposée à Israël.
Ce serait la fin d’un Etat «juif», ce qui est déjà justifié doctrinalement puisqu’ «il n’y a pas de peuple juif», ce que l’UNESCO a déjà confirmé en statuant indirectement qu’il n’y a pas eu d’histoire juive en Eretz Israël, et pas seulement en «Judée» et en «Samarie» .
La suite est facile à imaginer. L’annexion «démocratique» par l’Etat de Palestine des Arabes israéliens devenus «nationalement» autonomes, sera alors imminente. L’ «Etat de tous ses citoyens» (le bluff rhétorique des Palestiniens israéliens et de leurs supplétifs gauchistes) qui en résulterait ne resterait pas l’ «Etat d’Israël», dont le nom même est l’objet d’une exécration religieuse inextinguible…
Trois Etats pour un peuple
Mais il y aurait une autre étape, irrésistible.
La fusion de l’Etat de Palestine et de «l’Etat de tous ses citoyens» ne pourra pas se désintéresser d’une autre population palestinienne, celle qui constitue la majorité démographique (mais non politique) d’un autre Etat, celui que l’Empire britannique avait soustrait au mandat: la Jordanie.
L’Etat de Palestine ne résistera pas à à renverser la monarchie jordanienne. La Palestine mandataire sera ainsi tout arabo-musulmane. À condition, bien sûr, que la Syrie, l’Irak et l’Egypte acceptent son existence…
Ce scénario est écrit sur le mur depuis fort longtemps. Il se dévoile aujourd’hui même par ceux qui l’ont fomenté et qui croient pouvoir se découvrir parce qu’ils se croient proches de l’atteinte de leurs objectifs.
C’est la reconnaissance par certains pays de «l’Etat de Palestine» qui les a portés à se découvrir inopinément, tandis que ce qui a précipité l’aveu provocateur des députés arabes israéliens, c’est la victoire récente qu’ils ont remportée sur le Mont du Temple face à un gouvernement israélien qui, lors de la guerre de 1967, n’a pas su assumer sa souveraineté (Moshe Dayan avait remis les clefs du Mont du Temple au Wakf islamique qui avait désécré tous les lieux saints juifs) et une démocratie israélienne en proie aujourd’hui aux illusions fatales de l’idéologie postmoderniste.
Ce que les citoyens israéliens d’origine palestinienne promettent à Israël et spécifiquement à leurs concitoyens juifs qui leur ont reconnu des droits égaux s’est déjà produit à son égard dans la supposée «communauté internationale», où le vote ethnico-religieux des Etats de l’Organisation de la Conférence Islamique, en forme de majorité de blocage, a corrompu le jeu démocratique pour imposer la véracité d’un mensonge, avec la compromission quasi universelle des puissances occidentales.
Ces dernières feraient bien de trouver dans cet état de faits l’occasion d’une leçon pour elles-mêmes, confrontées à la probabilité d’un scénario «démocratique» du même genre en leur sein même.
Source: Figarovox