Ce texte a été écrit par feue Mme Frida GOZLAN, décédée en 1999, une femme juive tunisienne, dont la mort survenue à 1999 à l'âge de 82 ans si je ne me trompe pas a affecté - outre sa famille - les juifs et musulmans de ses amis.
Cette histoire remonte aux années 30/40, je n'étais pas encore née mais dans ma petite enfance j'ai encore connu cette époque aujourd'hui révolue, lointaine douce comme la Méditérranée..... (Chtitebrune)
"...Il s'appelait Bayali, on le trouvait tous les matins assis sur les escaliers aux abords de la gare qui conduisaient sur le quai, alors que les estivants se rendaient à Tunis pour leur travail. Vêtu du traditionnel costume arabe, la chéchia bien mise sur sa tête, il tenait dans sa main un couffin qui lui permettait d'entreposer les victuailles que les gens généreux lui offraient de bon coeur pour recevoir ses bénédictions. Dès que les gens l'approchaient il chantait toute sa poésie. Des mots et des phrases qui touchaient un peu tout le monde. Il récitait les versets du Coran si plein d'humilité et de gentillesse que seule la langue arabe peut savoir dire. Les gens savaient que Bayali était là pour leur porter bonheur, ils étaient superstitieux et avaient la foi. Ils savaient aussi que dans la religion juive la journée devait commencer par une bonne action que l'on appele "mitzvah".
Bayali recevait les aumônes et les voyageurs les bénédictions de cet homme qui avait l'âge "de tous les temps". C'était en fait un séducteur, un personnage. Il savait par ses bonnes paroles toucher le coeur des gens. Il faisait partie du décor du T.G.M. de la Goulette. Les gens le connaissaient et l'aimaient, c'était leur "porte- bonheur". Les attaches judéo-arabes si fortes à cette époque, avant l'indépendance, et tout d'un coup c'était comme si on éffaçait un tableau plein de dessins symboliques qui faisaient souvant pleurer tant ils étaient merveilleux. C'est l'histoire de Bayali le mendiant du T.G.M. C'était aussi la Goulette."
par Frida Gozlan
(extrait de son livre "La Goulette les pieds dans leau")