Il y a 57 ans, la guerre des Six Jours - Par David Bensoussan

Il y a 57 ans, la guerre des Six Jours

Par David Bensoussan, professeur de sciences à l’Université du Québec

La photo prise par David Rubinger de trois parachutistes israéliens contemplant le mur des Lamentations après la prise par Israël de Jérusalem-Est lors de la guerre des Six Jours est restée une des images emblématiques de ce conflit.

 En 1967, l’armistice entre Israël et les pays voisins fut remise en question.

Le 14 mai, le président égyptien Nasser envoya six divisions dans le Sinaï avec grand apparat. Le 16 mai, il exigea le retrait des Casques bleus de la frontière israélo-égyptienne, ce que le président de l’ONU, U-Thant, accepta en 24 heures, bien que ces forces devaient théoriquement rester jusqu’à la conclusion d’une paix. Le 22 mai, Nasser interdit l’accès de la mer Rouge à Israël en imposant un blocus du détroit de Tiran.

La Jordanie mit son armée sous commandement égyptien le 3 juin, suivie par l’Irak le 4 juin. Pendant ce temps, des harangues radiophoniques incitant à la violence retentissaient dans les capitales du Moyen-Orient, acclamées par des foules enthousiastes.

Cela faisait deux mois que la tension montait au Moyen-Orient. Israël était en état d’alerte, creusant des tranchées et des fosses tombales en prévision de la guerre.

Dans la chaleur torride de la vallée du Jourdain, des étudiants volontaires du monde entier, dont je faisais partie, creusaient frénétiquement des tranchées jusqu’à en avoir les mains insensibles. Nous prenions un peu de répit le soir, en chantant des chansons de Brel, Brassens, Pete Seeger, Joan Baez et Naomi Shemer au son de la guitare.

    Le conflit éclata le 5 juin. La rapidité de la victoire israélienne surprit le monde entier, y compris les Israéliens.

L’entrée à Jérusalem fut un moment d’une intensité indescriptible. Israël se retrouva en charge de nouveaux territoires qu’elle proposa de retourner en échange de la paix.

Or, le 1er septembre, la Ligue arabe réunie à Khartoum répondit par trois refus: non à la paix, non à la négociation et non à la reconnaissance d’Israël. Le 22 novembre, le Conseil de sécurité de l’ONU adopta la résolution 242, stipulant que le retrait de territoires (et non pas des territoires) conquis ne pourrait se faire que dans le cadre de frontières sûres et reconnues.

Des implantations israéliennes furent établies sur les hauteurs du Golan et de la Cisjordanie pour mieux sécuriser la plaine côtière. L’importance de l’enjeu sécuritaire se comprend mieux en sachant que la distance de la Méditerranée à l’ancienne frontière équivaut au tiers de la longueur de la rue Sherbrooke à Montréal.

Cinquante-sept ans sont passés. L’Égypte et la Jordanie ont signé des traités de paix avec Israël. L’Égypte a récupéré la péninsule du Sinaï, mais la Jordanie a renoncé à la Cisjordanie, qu’elle occupait depuis 1948.

Les accords d’Oslo de 1993 prévoyaient un découpage négocié de ce territoire. Le retrait de la Cisjordanie en échange de la paix était sur le point d’aboutir avec l’Autorité palestinienne en 2001, mais une recrudescence des assassinats suicide a paralysé le processus de paix.

Des accords de paix pour l’instauration de deux États furent refusés par l’Autorité palestinienne en 2000 et en 2008. La bande de Gaza fut évacuée par Israël en 2005, mais le Hamas, affilié à l’Iran et aux Frères musulmans, y prit le pouvoir, refusant toute paix avec Israël.

Depuis 1967, trois options se sont présentées pour Israël:

A) un retrait sans conclusion de paix, mais l’expérience de Gaza a été désastreuse ;

B) le maintien d’un statu quo, soit un conflit de faible intensité tant que la paix n’est pas garantie et là encore le mouvement Hamas de Gaza surarmé par l’Iran n’attendait que le moment de déclencher une déflagration d’envergure et le résultat est aujourd’hui catastrophique car des populations sont déplacées afin de débarrasser les galeries souterraines de Gaza de l’arsenal de missiles destinés à être tirés sur des civils israéliens;

C) un retrait accompagné d’une paix avec des arrangements sécuritaires et c’est ce qui a été conclu entre Israël, l’Égypte et la Jordanie.

Des propositions d’État binational, de fédération israélo-palestino-jordanienne ou d’annexion sont parfois avancées. Cependant, l’enseignement de la haine et la tolérance, voire la récompense, des attentats contre des civils israéliens applaudis par l’Autorité palestinienne durcissent les positions et éloignent la perspective de la paix.

Après des décennies de haine contre le bouc émissaire israélien, le printemps arabe a confronté de nombreux dirigeants arabes à leurs propres responsabilités. Cependant, la Turquie sous Erdogan soutenant les Frères musulmans et l’Iran ont pris le relais de cette surenchère anti israélienne. Les appels de l’Iran à l’élimination d’Israël durcissent les positions et déstabilisent tout processus de paix.

Ce conflit complexe, omniprésent dans les médias ne peut être compris sans une bonne connaissance de son évolution historique et du passé des minorités juives dans les pays arabes et chrétiens. Il porte en lui le poids d’un passé judéo-musulman et judéo-chrétien qui a connu des périodes de massacres, mais aussi des périodes de tolérance et d’épanouissement. Il porte en lui des éléments de division, mais aussi des espoirs d’unité des civilisations.

Lorsque nous chantions «We shall overcome» en 1967, nous étions loin d’imaginer que le chemin vers la paix serait si long et que les appels à l’extermination d’Israël reprendraient. Seulement, l’enseignement de la haine perpétue le conflit par ailleurs attisé par l’Iran et la Turquie.

Seule une paix des cœurs pourra rétablir la confiance entre les adversaires et apaiser les inquiétudes.

C’est aux personnes de bonne volonté qu’il incombe d’œuvrer en ce sens.

 

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