Lumières éteintes dans le Marais
Si l’Alya d’un seul homme pouvait signifier la faillite de la diaspora (ébranlée par la transhumance actuelle) elle s’attribuera à Moïse Claude Journo.
Figure légendaire, sépharade né à Tunis, il arrive à Paris à l’âge d’un an. Son père se voit attribuer une petite épicerie rue des rosiers, dont les propriétaires déportés ne sont jamais revenus….Avec sa fratrie ils vécurent à six dans l’arrière boutique.
A 17 ans le cinéaste Claude Berri le rencontre et le nomme responsable de casting pour son film Mazal Tov .
Dans l’épicerie familiale de la rue des rosiers, la mère vendait des briks faites à la main. A 13 ans, un soir à une heure avancée, ému par le labeur de sa mère il lui promit de concevoir une machine à faire des bricks afin de l’alléger de cette tache. Promesse tenue à l’âge adulte, suite à un voyage en Bretagne, il se renseigna sur la fabrication des crèpes. S’en suivit une machine à grande échelle baptisée ‘Mamie Kif ‘ au succés notoire !
Une fois cette entreprise vendue M.C.J pris un autre tournant en ouvrant le Café des psaumes rue des rosiers. Fameux lieu où le philosophe Benny Levy durant 2 ans réunissait des happy few qui refaisaient le monde. Il dira de lui avoir eu une complicité silencieuse, tacite comme avec un grand frère. D’autres intellectuels défileront et animeront des débats de haut vol tel Manitou. Eliette Abecassis en fit son bureau d’écriture ..
Antiquaire une période, il s’intéresse à la peinture et se lie d’amitié avec nombre d’artistes. Suivra l’ouverture du restaurant incontournable ‘Pitzman’ rue pavée contigü à la sublime synagogue. Enrichi par chaque étape de sa vie, il réalise combien il aime partager transmettre et approfondir les replis de la langue hébraique en résonance avec le latin et le grec. Il en résultera un livre clef, où voyelles et consonnes dansent se répondent telles une symphonie en mouvement. Pur outil d’exploration des mots de la Torah intitulé ‘Or Hamilim’ où les anagrammes de la torah sont décortiqués avec rigueur et dextérité. 1000 exemplaires rapportés avec lui de Paris dans lesquelles figure une lettre du Rabbin Elie Munk, pilier du renouveau du judaisme et parrain inspirant.
A 74 ans il décide de quitter le Marais, d’éteindre les lumières, de tourner le dos à sa communauté chérie constituée sur tant d’années. Plier bagage pour rejoindre ses enfants déjà présents en Israël.
L’antisémitisme ascendant et ses écueils participent de son départ. Quitter un guetto est loin d’être banal. S’extraire d’un vivier, s’éjecter dans l’inconnu à un âge certain est loin d’être facile pour un personnage notoire voué à l’anonymat en Israël. Choisir Jerusalem la ville d’or qui embrasse sans réserve et vous ravit au point de vous étourdir. Il réside depuis 4 mois à Talpiot où une communauté francophone s’y rassemble. Moïse Claude Journo souhaite pouvoir créer un séminaire invitant des intellectuels avertis, ouverts à l’étude. Fédérateur magnétique il est réputé pour savoir infuser une idée, la voir s’épanouir, voyager du je au nous comme Martin Buber, ouvert à l’altérité.
Si le Centre Romain Gary lui donnait carte blanche pour réunir des happy few un soir par semaine il fera revivre un Café des psaumes à Jerusalem !
A ce jour Il se sent ‘ invité ‘ au centre du monde. Selon lui Israël vit une solitude des chefs tout en étant entouré de pionniers et de nouveaux venus prêts à servir. ‘Mon devoir aujourd’hui s’inscrit dans cette solidarité, ce pluriel inclusif. Loin de la diaspora dispersée je ne veux plus être en représentation, ne plus tricher. J’ai écris 20 chansons, sorte de médicaments pour traverser l’exil.
Mon rêve serait d’en pondre une en hébreu, à l’image de mon retour à la maison. Un duo avec Ishay Ribo, ce chanteur né à Marseille qui sait séduire les laïcs et les orthodoxes … Frida ma femme, ma muse va m’aider à embrasser cette nouvelle vie avec un enthousiasme régénéré ‘ !
Il nous reste plus qu’à souhaiter Barourh Aba à M.C.Journo
Vanessa De Loya Stauber
Psychanalyste