Lorsque la magie opère à Djerba, cette si belle rencontre entre juifs et musulmans, par Marc Knobel

 - Historien et essayiste

 

La magie n'est-ce pas de pouvoir au-delà des cultures, de nos différences, de nos histoires et de nos religions respectives se retrouver tout simplement? Alors, la magie porte un nom, des couleurs, des sons, des formes, des mosaïques avec toutes les nuances du bleu étincelant, sur fond blanc, autour d'un paysage sublime dans l'île enchanteresse de Djerba, en Tunisie.

Me voici donc pour la seconde année consécutive au pèlerinage annuel juif de la synagogue de la Ghriba, à Djerba. La Ghriba abrite l'une des plus vieilles Torah du monde, la Torah ou Thora est, selon la tradition du judaïsme, l'enseignement divin transmis par Moïse au travers de ses cinq livres ainsi que l'ensemble des enseignements qui en découlent. Chaque année, le 33ème jour après la Pâque juive, les rouleaux du Livre saint sont sortis du sanctuaire, au cours d'une fête merveilleuse, qui attire les pèlerins du monde entier. L'intérieur de la synagogue présente un beau décor de majoliques, de vitraux et de colonnades d'un bleu étincelant, d'un bleu ciel et turquoise.

Deux bâtiments distincts, sont séparés l'un à l'autre de quelques mètres. Dans le premier, autour d'une grande cour, se sont massés toutes sortes de personnes, certaines sont assises, d'autres vont et viennent et circulent de partout à la fois, autour de petites choppes ou sont vendues toutes sortes de babioles touristiques. Sur la scène, des musiciens tunisiens entonnent des chants, en arabe. On entend ici ou là l'oud, l'instrument de musique à corde pincées, très répandu dans les pays arabes. Et la musique, fait son œuvre, les femmes font des you you, de longs cris aigues ou modulés qu'entonnent les juives et les musulmanes d'Afrique du Nord. Des hommes cris, dansent, et cela continue de partout de venir et d'aller. Dans l'autre bâtiment, se trouve la Synagogue. Elle est un pur joyaux de magnificence et de toutes les beautés de la Tunisie. Là, résonnent les prières, les bénédictions. Les pieux psalmodient les Ecritures des Prophètes. Là, les gens se regardent, se sourient, se touchent, s'embrassent.

Comme l'indique avec justesse et sagesse Abdelaziz Rassaà, ambassadeur de Tunisie en France, ce pèlerinage demeure "un moment fort de l'ouverture du peuple tunisien et son acceptation de toutes les civilisations et religions."

N'est-ce pas là aussi l'enseignement que l'on doit tirer de ce pèlerinage? Là où partout règnent la violence et l'incompréhension, il se trouve des lieux protégés qui permettent à des chrétiens, des juifs et des musulmans de s'apprécier, de se regarder, de se parler, de s'estimer, de composer ensemble et de s'aimer. Ces moments sont suffisamment rares pour que nous les soulignions, pour que nous les estimions, pour que nous les respections.

Au-delà des prières que l'on peut adresser ou pas, de l'émotion que l'on ressent, de la foi, de ce tic-tac personnel qui nous anime de l'intérieur, je retrouve surtout en Tunisie, le charme et le sourire de ma mère. Tout au long de mon enfance, j'ai été bercé par le pays de ma mère. Rien qu'à l'évocation du nom de la Tunisie, je frémis et se réveille en moi la douce mélodie du bonheur. Tunisie amie, Tunisie aimée.

Les juifs et les musulmans ne doivent plus se regarder en chiens de faïence, ne doivent plus ignorer les racines communes, les cousins qu'ils sont et ce qu'il partage en cœur. Laissez-moi imaginer, laissez-moi penser ne fusse qu'un instant que nous avons plus à partager plutôt de nous ignorer. Laissez-moi imaginer que les juifs et les musulmans réapprendront à se respecter. Laissez-moi imaginer qu'au-delà des incompréhensions et des conflits, qu'il demeurera un message de paix et de cohabitation, d'harmonie et de quiétude, qui à l'instar de ce pèlerinage, seront comme le sel de la vie. Ce message, portera un nom, Djerba, la douce. Djerba, l'enchanteresse.

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