"Mouch Bessif" : cette Tunisie qui veut boire et manger pendant le ramadan
Quatre jeunes de Bizerte ont été arrêtés le 1er juin par la police tunisienne pour avoir été surpris en train de manger dans un parc public, en période de ramadan. En réaction, un mouvement citoyen s'est créé sur Facebook et appelle ce dimanche 11 juin à manifester pour que la liberté de conscience, inscrite dans la nouvelle Constitution, soit respectée.
Pascal Hérard - TV5 Monde
"Mouch Bessif" signifie "pas contre notre volonté" en tunisien, et c'est ce slogan qui réunit les participants de cette première manifestation pour "le respect de la liberté de croyance et de conscience" en Tunisie. Le problème soulevé par ce mouvement est celui du droit des citoyens à ne pas suivre les préceptes du ramadan dans l'espace public et pouvoir ainsi manger ou boire durant la journée, s'ils le souhaitent.
En 2017, les cafés, restaurants tunisiens sont porte close — pour la plupart d'entre eux — entre le lever et le coucher du soleil durant le ramadan. Ceux qui restent malgré tout ouverts, le font en toute discrétion. Le hasthag #Mouch_Bessif sur Twitter et Facebook, revendique donc le droit de pouvoir à être un non-jeûneur, un "Fater" — du nom du groupe Facebook instigateur de la manifestation — et demande l'ouverture des cafés et des restaurants durant la période du ramadan :
Cette manifestation du 11 juin 2017 à Tunis se déroule dans un contexte encore difficile en Tunisie, où les forces de l'ordre les plus zélées, durant le ramadan, peuvent à tout moment débarquer dans un lieu public et arrêter les personnes en train de boire ou de manger, prétextant le plus souvent un "outrage public à la pudeur".
Cette "chasse aux non-jeûneurs" est aussi pratiquée depuis plusieurs années par un prédicateur religieux, un "cheikh", du nom d'Adel Almi, qui joue le rôle de "policier des mœurs". Adel Almi est aussi le fondateur du parti "Tounes Az-zaytouna". Sa "célébrité" vient des films qui le mettent en scène, où il tente de pénétrer dans les cafés pour filmer les clients avec l'intention de jeter l'opprobre sur eux, et les forcer ainsi à suivre la règle religieuse du jeûne. Le 30 mai dernier, accompagné d'un huissier, le prédicateur et chef du parti Tounes Az-zaytouna s'est vu refuser l'entrée d'un café :
La Constitution tunisienne est paradoxale et peut-être interprétée de façon contradictoire, puisqu'elle garantit "la liberté de croyance et de conscience" mais dans le même temps, indique que l'Etat est le "gardien de la religion"…