D'un massacre à l'autre

D'un massacre à l'autre(info # 012108/17)[Analyse]

Par Raphaël Delpard©Metula News Agency

 

Faut-il que les dates nous harcèlent ? L'âge venant, la remontée d'événements se fait plus prégnante ; le 5 juillet dernier, me revenait à la mémoire le massacre des Français et des Algériens favorables à la France, le 5 juillet 1962 à Oran. Ces derniers jours, avec l'attentat de Barcelone, ce fut l’un des actes les plus ignobles, commis le 20 août 1955 à El-Halia en Algérie, qui est revenu assaillir mon esprit.

 

Le 20 août 1955, en effet, est une date marquée au fer rouge. Les historiens la comparent au 10 juin 1944, où, dans la campagne limousine, une compagnie de la 2ème division blindée SS Das Reich avait envahi le village d'Oradour-sur-Glane et exterminé la quasi-totalité de la population.

 

La méthode du FLN, aujourd’hui largement réhabilité auprès de la plupart des partis politiques de l’Hexagone, consistait à massacrer autant de Français que possible. L'Aloïs Brunner algérien se nommait Zighout Youssef, il était le commandant de la Wilaya 2 – la région militaire de l'Armée de Libération Nationale (ALN) qui englobait le Nord-Constantinois.

Youssef entendait provoquer la rupture entre les Européens et les Arabes. La méthode qu’il allait choisir pour y parvenir était bien rôdée et avait fait ses preuves.

 

Il allait acculer les Français afin qu'ils réagissent avec violence. La violence et les photographies qui la montreront seront utilisées comme propagande, et serviront aussi à convaincre les Algériens hésitants à se lancer dans les combats de l'insurrection. La presse internationale, déjà peut soucieuse de la provenance des photos, les utilisera pour illustrer le comportement des Français - des colons – aux dépens de la population algérienne.

 

El-Halia est un petit village situé à un jet de pierre de Philippeville et à trois kilomètres à vol d'oiseau de la mer. Y cohabitent sans problèmes deux mille musulmans et cent trente Français. Les hommes sont tous employés à la mine de pyrite. Il n’existe aucune différence de salaire d'une communauté à l'autre, les avantages sociaux sont analogues pour tous. Les Algériens et les Français vivent les uns à côté des autres, dans des maisons souvent mitoyennes.

 

Youssef a prévu que deux équipes de fellahs (paysans), ivres de propagande antifrançaise, vont opérer au même moment, à midi. Pourquoi cette heure ? Parce qu'il y fait une chaleur d'enfer. Les Européens sont à table, et donc rassemblés dans les maisons.

 

Il est 11 h 30, lorsque quatre bandes encerclent le village. Les agresseurs sont pour la majorité des ouvriers de la mine, armés de pelles, de pioches et de gourdins. Comment Youssef s'y est-il pris pour les convaincre de passer du statut de voisins à celui d'assassins ? L'histoire ne nous le dit pas.

 

Les émeutiers sont discrètement protégés par les soldats du FLN qui sont chargés de surveiller le bon déroulement du massacre ; ils s'enfuiront dès l'arrivée des soldats français.

 

Les hordes algériennes connaissent évidemment chaque famille européenne et chaque maison ; la veille encore, les uns et les autres ont bu ensemble un verre de thé sur le banc, en face des maisons. Ils ont parlé de la mine, des enfants, de football aussi. Une paisible conversation.

 

Les femmes sont occupées à préparer le déjeuner, les enfants jouent dans leur chambre, la chaleur est torride.

 

Les Européens que la meute rencontre sont égorgés sur place. Arrive le camion rentrant de la mine. Il est assailli, le chauffeur a la gorge tranchée. Un deuxième camion se présente, les ouvriers français subissent le même sort que les précédents.

 

Les photographies des scènes d'horreur n'ont jamais été publiées par décence pour les victimes. Que l'on sache cependant que la petite Bernadette Mello, qui n'a que cinq jours, est tronçonnée sur le rebord de la baignoire, sous les yeux de sa mère. Les monstres l'obligent à assister à l'exécution de son bébé. Elle est ensuite violée, puis on lui ouvre le ventre et l'on y replace les morceaux déchiquetés de son enfant.

 

Faustin Mello est surpris. Il se repose dans sa chambre. Il est amputé des bras et des jambes à la hache dans son lit. Dans une autre famille, les tueurs n'épargnent pas une fillette de onze ans ni sa grand-mère, âgée de soixante-seize ans.

 

Les Français se barricadent chez eux, essayant de résister aux assaillants. Les femmes arabes ont rejoint les émeutiers. Elles aussi, comment se sont-elles muées si rapidement de voisines aimables en meurtrières sanguinaires ?

 

Elles poussent de sinistres youyous stridents tout en appellent au djihad (la guerre sainte), tandis que les hommes surexcités sortent les Européens de leurs maisons, les traînent dans la rue, et les tuent à coups de pelles et de pioches. Des familles entières sont ainsi exterminées.

 

Lorsqu’une unité de l'Armée française arrive sur place, les soldats sont pris de nausée découvrant le carnage. Les larmes aux yeux, lèvres closes, grondants de colère, ils alignent les morts qui n'ont plus d’aspect humain sur la place du village.

 

Les parachutistes français se déploient sans attendre dans la région, l'engagement du feu avec les rebelles est rapide et brutal. Apprenant l'horreur d’El-Halia, des civils français se transforment en justiciers et, à leur tour, tuent sans discernement les Algériens qu'ils croisent.

 

Zighout Youssef est heureux. L'objectif qu'il s'était fixé est atteint. Les photographies des musulmans assassinés par les Français vont circuler dans les chancelleries et feront la une de la presse internationale. Pas un seul media n'évoquera le massacre des Français d'El-Halia.

 

Dans vingt ans, ou moins, que restera-t-il de l'attentat de Barcelone, du Bataclan à Paris, de celui de Nice et des autres qui ne vont pas manquer d’être perpétrés prochainement ? La vérité sera-t-elle dite ? Où sera-ce une fois de plus le triomphe de la barbarie et du mensonge ?

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