RICHARD LISCIA - UN JOURNALISTE EXCEPTIONNEL - ADIEU MON FRÈRE
Par Alain Chouffan
J’ai du mal à croire qu’il est parti. Je le croyais éternel ! Il a été pour moi, comme un frère, un père aussi. Il avait des idées sur tout. Érudit, brillant, percutant. C’était une plume et une voix. Richard, pour moi, c’est toute une histoire. Une histoire qui a commencé alors que j’étais très jeune. 20 ans, ou moins. Tout jeune étudiant en pharmacie, à Tunis, je cherchais un job pour l'été.
Un ami journaliste, Gérard Sebag, en partance pour Paris, m'a proposé de prendre sa place à La Presse de Tunisie, qui appartenait à Henri Smadja, et où se trouvaient déjà André Mamou et Guido Boccara. Ne connaissant rien du journalisme, je me suis quand même présenté au journal. Richard Liscia en était le rédacteur en chef. C’était en juillet 1962, pendant la crise de Bizerte. Il m’a demandé de faire le compte-rendu d’un match de foot le dimanche.
Evidemment, mon premier article était nul ! Il m’a donné une chance. Il m’a tout appris. Au point d’en devenir une passion. Et d’abandonner ma pharmacie pour poursuivre des études de droit et de sciences économiques. Dans le but d’être journaliste. Engagé au Nouvel Observateur, j’ai repris contact avec Richard Liscia. A Paris, il est devenu une bombe. Du jamais vu ! Il a collectionné tous les titres prestigieux. Et quels titres. Époustouflants ! Il commence en douceur : simple reporter à « La Presse de Tunisie » en 1956, puis rédacteur en chef (1962-1967) mais en même temps correspondant du quotidien Paris-Presse sous le nom de François Latour. Après La presse de Tunisie il collabore à La Voix de l’Amérique , à Washington, où il fait un journal parlé à destination de l’Afrique du Nord ( 1967-1970). Installé à Paris, on le sollicite de toute part. A commencer par le quotidien Combat ou il est nommé rédacteur en chef-adjoint (1970-1974), puis il passe au Quotidien de Paris, toujours en tant que rédacteur en chef (74-78), à France-soir , rédacteur en chef (79-81), au quotidien de Claude Perdriel Le Matin (81-82). Il change de formule : il passe dans les hebdomadaires ! Comme Directeur de la rédaction des Nouvelles Littéraires (82-83) et à VSD , directeur adjoint (83-84).
Retour au Matin directeur de la rédaction (1985)et au Quotidien de Paris (86-87) en tant que directeur ur adjoint. Et puis là, il explose en 1987 : il devient Directeur des rédactions de toutes les publications du Groupe Quotidien du médecin (87-2007). Quel parcours ! Je défie un journaliste de faire mieux ! Depuis 2007, Richard Liscia est chroniqueur politique au Quotidien du médecin.
Sur toute cette exceptionnelle carrière journalistique, je lui ai demandé, un jour, quel était son plus haut fait d’armes. Il réfléchit : “c’est, je pense, la publication du quotidien italien Repubblica dans le Quotidien de Paris en 1975. Sur l’idée de Philippe Tesson, qui a marqué ma vie professionnelle, je suis allé chercher à Lisbonne la production d’une journée de la rédaction du quotidien Republica que nous avons traduite en français et publiée. Les ouvriers du livre communistes empêchaient la sortie du journal socialiste. Ce qui nous a valu quelques bonnes ventes du Quotidien et a été mentionné dans le monde entier. J’ai été interviewé par deux magazines américains. À Lisbonne, je rentrais à mon hôtel, un homme probablement aliéné s’est jeté sur moi et je n’ai dû mon salut qu’à ma veste dont je me suis servi comme une muleta de toréador.
A Washington, j’ai rencontré l’antisémitisme pour la première fois : l’équipe française était composée de soixante-huitards virés de leurs radios. Ils me haïssaient et j’ai fini par partir parce que Henri Smadja m’a fait une offre d’emploi à Combat. C'est lui qui nous a faits, puis c’est avec Philippe Tesson que j’ai eu une très grande amitié. Mention spéciale à sa femme, Marie Claude Tesson Millet, avec qui j’ai travaillé vingt ans. Une femme formidable. Quant à Tesson, c’est un prince du journalisme.
A Tunis, en 1966, à l’occasion du dixième anniversaire de l’indépendance de la Tunisie, j’ai publié en Une la photo d’un garçon de dix ans prise à l’école dirigée alors par la femme de Flavio Ventura. en train de danser. Ce qui m’a valu les compliments de Bourguiba. Il l'invitait à ses dîners et me disait « La Presse », c’est bien « , en me tapotant la joue. Tu sais qu’il était journaliste. Donc je lui répondais : " Venant d’un spécialiste, le compliment me va droit au cœur. A un moment donné, Bourguiba était furieux des traductions en français de ses discours en arabe concoctés par ses conseillers. Sur suggestion du ministère de l’information, il a décidé de me confier les traductions pour que je les mette en bon français. Je l’ai fait plusieurs fois, mais à moment donné, j’en avais eu marre et je leur explique qu’il fallait que je retourne à mon travail.”
Richard Liscia est mort le 18 Janvier à 89 ans, emporté par un emphysème pulmonaire lié au tabagisme.
Adieu mon ami, mon frère...
Son parcours incroyable :
Reporter à « La Presse de Tunisie » en 1956.
Rédacteur en chef de « La Presse » en 1962-1967 Correspondant de Paris-Presse sous le nom de François Latour
Journal parlé en français à la Voix de l’Amérique à Washington à destination de l’Afrique du Nord 1967-1970.
1970-1974 Rédacteur en chef-adjoint à Combat
1974-78 Directeur de la rédaction du Quotidien de Paris
1979-1981 Rédacteur en chef de France-Soir.
1981-1982 Rédacteur en chef du Matin
1982-1983 Directeur de la rédaction des Nouvelles Littéraires
1983-84 Directeur adjoint de VSD
1985 Directeur rédaction le Matin
1986-1987 Directeur adjoint le Quotidien de Paris
1987-2007 Directeur des rédactions de toutes les publications du Groupe Quotidien du médecin
Depuis 2007, chroniqueur politique au Quotidien du médecin.
Richard Liscia a quand même trouvé le temps d’écrire deux livres : Le Conscrit et le général (1980) et Rachel et Raphaël (1983), tous deux aux Éditions La Table Ronde
Photo (au Quotidien du médecin) par S. Toubon
Français
Commentaires
Richard Liscia
Quel Grand Home
que sa mémoire soit Bénie pour l’Eternité
🙏🙏🙏