SIMON ET NINETTE, par Paul Zarka

SIMON ET NINETTE

 

Simon et Ninette mes grands parents, Souvenirs vécus ou rapportés.

 

Simon est né quelques années avant l’arrivée de la France en Tunisie dans une famille pauvre et nombreuse, peu cultivée comme l’était la majorité des juifs pauvres à cette époque en Tunisie. Il a été très jeune, coursier dans un magasin d’un parent éloigné. 

 

Très vite son désir d’émancipation le range aux cotés de la culture française, je me souviens que Victor Hugo était son idole, une grande photo de celui ci était accrochée au coté du Moise de Michel Ange dans une pièce principale de son appartement au 73 avenue de Londres.

 

Vers 1908 il épouse Ninette avec laquelle il eut 6 enfants.

Il convient de dire d’emblée que Simon a misé sur la culture française quand à la langue et l’éducation scolaire dont ont bénéficié ses enfants, les garçons en priorité. Simon à pu élever ses 6 enfants grâce a un commerce de bon rapport qu’il a partagé avec un associé, Il s’agissait d’une mercerie située à la rue Es-Sadikia à Tunis.

 

Quant à Ninette ma grand-mère qui a eu le mérite d’élever cette nombreuse famille il faut dire que je l’ai bien mieux connu que Simon, ayant cohabité avec eux au 73 avenue de Londres les 5 premières années de ma vie. C’était tout d’abord une excellente cuisinière tant sur les repas quotidiens que sur les repas du shabbat ainsi que sur les repas de fêtes. Je me souviens encore des odeurs de sa délicieuse Kamounia qui cuisait 24 heures durant la nuit du shabbat sur un Kanoun dédié à cet effet. Plut tard je me fis l’obligation d’aller la manger avenue de Londres tous les samedi midi jusqu'à l’âge de 17 ans en 1962 année où elle quitta la Tunisie. C’était pour moi le meilleur moment de ma semaine.

 

Mes rapports avec Ninette étaient fait d’une grande complicité dès que j’eus 7 ou 8 ans car c’est elle qui m’appris à jouer aux cartes et au rami en particulier. Elle aimait à ce point les cartes qu’elle m’offrait à chaque partie une petite somme qui devait servir pour moi de mise de départ. Mais pendant longtemps elle gagnait systématiquement les parties jouées avec moi au point qu’en grandissant j’avais commencé a trouver cela suspect et ayant fait un peu plus attention je m’aperçus qu’elle trichait en permanence ! C’est alors que le rapport de force s’inversa en ma faveur. Cela avait duré 5 années durant au rythme d’une fois par semaine.

 

Oui Ninette Hayat était très rusée et je l’aimais beaucoup pour cette raison. On ma rapporté plusieurs de ses ruses pour carotter à Simon l’argent dont elle considérait avoir besoin. Je reviendrai sur toutes ses ruses mais je vais raconter ici la plus fameuse d’entre elles :

 

La ruse de ROBA VECCHIA.

 

Roba Vecchia était un fripier ambulant des rues de Tunis faisant commerce de l’achat et de la vente de vêtements usagés. Il transportait des monceaux de vieux vêtements dans une vieille poussette à la limite de la rouille. Ninette entretenait avec Roba Vecchia des rapports excellents en lui vendant les vêtements familiaux qu’elle considérait comme usagés. Du point de vue de Simon cela paraissait un peu exagéré vu le renouvellement de vêtements qui était à la charge de sa bourse. S’il fermait l’oeil en général il pouvait arriver qu’il rentre dans de grande colère à l’occasion de vêtements se présentant comme quasi neufs. On comprend alors pourquoi Roba Vecchia aimait tant Ninette !

 

Un jour Simon acheta un magnifique chapeau neuf très chic et très élégant chez le chapelier le plus réputé de Tunis. Il le portait notamment dans le parcours qu’il empruntait entre son domicile et son travail arborant fièrement sa coiffure comme le faisait les Messieurs chics de l’époque à Tunis. Rentré à la maison le chapeau de Simon était accroché soigneusement au porte manteau du vestibule. Ce chapeau étant son plus beau il ne le mit pas tous les jours le réservant pour de grandes occasions ou il rendait visite à des fournisseurs importants.

 

Un mois après cet achat alors qu’il s’apprêtait à rejoindre son travail pour une importante journée il décida de mettre son beau chapeau. Quelle ne fut pas sa surprise de ne pas le trouver accroché au porte manteau. Il demanda à Ninette qui fut elle aussi très surprise de cette disparition. La famille se mit à chercher le beau chapeau dans le moindre recoin de l’appartement sans succès. Simon rentra dans une colère folle accusant Ninette de tous les maux qu’il subissait. Il ne pu apaiser sa colère qu’en rachetant le même chapeau chez le chapelier de luxe quelque temps après. Et les choses rentrèrent dans l’ordre.

 

EPILOGUE

 

Quelque temps après, alors qu’il portait son beau chapeau tout neuf qui lui avait coûté le double d’un prix très élevé, Simon aperçut au loin Roba Vecchia. Il s’en approcha, et quelle ne fut pas sa surprise de voir Roba Vecchia poussant sa poussette de vieux vêtements, et portant le même chapeau que lui ! 

 

PAUL FELIX ZARKA 

paulzarka@mac.com

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