Tunisie : lancement du premier festival Queer du pays

Tunisie : lancement du premier festival Queer du pays

Par Syrine Attia

 

L’association Mawjoudin organise pendant quatre jours un festival cinématographique autour des questions relatives aux droits de la communauté LGBTQI. Une manière de propulser le débat sur la scène publique.

La Tunisie, pays de la première radio gay de  la région MENA,  lance son premier festival Queer. Du 15 au 18 janvier, à Tunis, le Mawjoudin Queer Film Festival met en effet à l’honneur les questions des genres et de la sexualité non normative. Une initiative inédite dans la lutte pour les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transexuelles, queers et intersexes (LGBTQI), lancée par les associations qui militent pour les droits des minorités sexuelles et des droits humains en Tunisie.

Depuis la révolution de 2011, plusieurs associations telles que Shams, Damj, Chouf ou encore Mawjoudin, à l’origine de ce festival, sont sorties de l’ombre et ont obtenu un statut légal en Tunisie. Depuis, elles multiplient les actions pour permettre au débat de faire irruption sur la scène publique.

Le but est aussi d’enclencher une évolution juridique en appelant à la dépénalisation de l’homosexualité – puni jusqu’à trois années d’emprisonnement en Tunisie.

« Célébrer la différence »

Mawjoudin a été créée en 2014, avant d’obtenir son statut légal d’association en 2015. « Nous voulons vivre dans une société où la discrimination, l’homophobie et le sexisme n’existeraient pas. Une société qui fait la promotion de l’intégrité, de la dignité et qui célèbre la différence », écrit l’association sur son site, pour résumer sa vision.

Nous cherchons avant tout à offrir des espaces sûrs dédiés aux personnes en détresse

Abir, une militante de l’association contactée par Jeune Afrique, explique que pour parvenir à un tel objectif, l’association agit sur trois volets : « Nous cherchons avant tout à offrir des espaces sûrs dédiés aux personnes en détresse pour les aider sur le plan médical et psychologique. Nous proposons également des activités culturelles et des cercles de parole, où il est possible d’aborder les questions relatives à la communauté LGBTQI en toute liberté. Nous avons, en plus de cela, initié des formations en petits groupes sur les questions de genre, des droits humains mais aussi de sexualité et de féminisme. »

L’association dispose aussi d’un club de cinéma « Cinexist » et organise de manière semi-mensuelle des projections de films et des débats. Elle a également organisé plusieurs campagnes dans le pays, dont celle de « Hatta houni famma mithliya » (« Ici aussi, l’homosexualité existe », en français). Des membres ont été invités à y participer en envoyant à l’association des photos portant le message de la campagne, accompagné du nom de leurs villes et du hashtag #Mawjoudin.

Une idée reçue présente l’homosexualité comme « une extravagance de la banlieue nord de Tunis »

Cette campagne avait pour but de lutter contre l’idée reçue que l’homosexualité en Tunisie est « une extravagance de la banlieue nord de Tunis », réputée comme étant le lieu de résidence de la bourgeoisie tunisienne.

L’association voulait montrer que l’homosexualité n’est reliée à aucune classe sociale ou région. « Nous voulions aussi accentuer la décentralisation de nos actions pour étendre la lutte sur tout le territoire », explique la militante.

Le Mawjoudin Queer Film Festival

Pour annoncer la tenue du Festival, l’association n’a pas hésité à utiliser une affiche et un teaser qui représentent très explicitement ces différentes identités. Une décision qui a reçu plus de messages d’encouragements que de messages d’insultes, selon Abir.

Mieux comprendre ce que signifie le fait d’être queer, mais aussi le lien entre le politique et la communauté LGBTQI

Malgré la bonne réception du message par le public, l’association Mawjoudin reste vigilante. Pour assurer la sécurité de l’événement, elle n’a communiqué les lieux des manifestations culturelles qu’à travers le bouche-à-oreille. Une mesure jugée nécessaire, selon la militante, surtout en l’absence des autorités policières.

Ce festival, qui se tient jusqu’à jeudi, s’articulera autour de films sur les identités de genre et les orientations sexuelles non-normatives. Il débutera par une cérémonie d’ouverture lors de laquelle seront présentés les membres du jury dont des activistes LGBTQI algériens et marocains, invités pour l’occasion. Le documentaire tunisien « Under the Shadow» signé Nada Mezni Hafaidh récompensé aux dernières Journées Cinématographiques de Carthage sera également projeté.

Une exposition de deux bandes dessinées réalisées par l’un des membres de l’association et élaborées à partir des témoignages de personnes LGBTQI en Tunisie seront quant-à-elles présentées pendant la cérémonie de clôture. « C’est dans l’esprit de l’art participatif que nous avons réalisé ce projet », précise Abir.

Pendant le festival, des panels se tiendront également autour de l’art et de la résistance Queer. « Ces discussions entre spécialistes permettent à l’auditoire de mieux comprendre ce que signifie le fait d’être queer, mais aussi le lien entre le politique et la communauté LGBTQI », soutient la représentante de l’association.

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