LA CRÉATION DE L'ETAT D’ISRAËL, D'ANDRÉ CHOURAQUI

LECTURES DE JEAN-PIERRE ALLALI - LA CRÉATION DE L'ETAT D’ISRAËL, D'ANDRÉ CHOURAQUI

Natif d’Aïn Témouchent, en Algérie, André Chouraqui, traducteur génial de la Bible et du Coran, a été délégué permanent de l’Alliance Israélite Universelle et, après avoir fait son alyah en 1958, il a été maire adjoint de Jérusalem en 1965. Mort le 9 juillet 2007, il repose à Jérusalem.

C’est une chance inouïe pour tous ceux que l’histoire de l’Etat d’Israël intéresse, que le fils aîné de l’écrivain, Emmanuel, ait retrouvé dans les archives familiales, la thèse de doctorat en droit  de son père, thèse soutenue à l’Université de Paris le 15 novembre 1948 devant un jury présidé par le professeur Georges Scelle assisté de Madame Bastid et de Monsieur Rousseau.

Intitulée dans un premier temps, en 1948, « La création des Etats palestiniens », cette thèse, publiée sous le titre plus conforme à ce que l’Histoire a finalement choisi, « La création de l’Etat d’Israël », apporte un éclairage irremplaçable sur les étapes qui, au fil des ans, a permis ce véritable miracle qu’aura été la renaissance d’un Etat juif en terre d’Israël.

On réalise qu’il aura fallu un concours de circonstances exceptionnel, l’ouverture bienvenue de fenêtres d’opportunité successives, pour que l’incroyable se produise : le mauvais choix de la Turquie lors de la Première Guerre mondiale, son remplacement à la tête de la Palestine par la Grande-Bretagne, les bonnes dispositions de ce pays et de ses dirigeants à l’égard du mouvement sioniste, la Déclaration Balfour, l’attrait millénaire du peuple juif pour le pays d’Israël, l’alliance des dirigeants arabes comme le mufti de Jérusalem, Hadj Amine El Husseini avec les nazis et, surtout, le refus arabe de toute concession aux Juifs.

C’est tout cela ajouté à la grande maturité politique des chefs sionistes, notamment Ben Gourion et Chaïm Weizmann, qui auront accepté in fine, une souveraineté sur une parcelle infiniment plus modeste que celle qui leur avait été promise, de la terre ancestrale, qui aura permis au rêve de Theodor Herzl de se réaliser.

On découvre avec intérêt le contenu du traité de Sèvres comme celui du traité de Lausanne, l’organisation du mandat britannique sur la Palestine, de 1922 à 1948, les innombrables travaux des commissions, le « Churchill White Paper » et son incidence sur l’immigration juive, le « Passfield White Paper », les troubles antijuifs fomentés par des Arabes, la création de la Commission Peel, les plans de partage successifs, l’infâme Livre Blanc de 1939, qui verra des dizaines de milliers de candidats juifs à l’alyah refoulés et emprisonnés, le « Mac Donald White Paper », la commission d’enquête anglo-américaine, le plan Morrisson, les Congrès sionistes successifs, le recours à l’ONU, les travaux de l’UNSCOP, l’attitude en dents de scie des Américains, la mission du comte Folke Bernadotte…

Sur le Livre Blanc, l’opinion de Chouraqui est sans appel : « L’Angleterre, en fait, trahissait la mission qui lui avait été donnée par la Société des Nations et, dans ce manquement à la parole donnée, l’Agence juive refusait d’accepter cette politique contraire au droit international comme aux exigence les plus élémentaire de la morale…aux réfugiés chassés des pays hitlériens et fascistes, l’Angleterre fermait, pour ainsi dire, les portes d’une espérance unique ». Chouraqui révèle un élément peu connu : cette politique consistait à sacrifier le Mandat dans l’espoir de voir des centaines de milliers d’Arabes s’engager dans les Forces Alliées !!! On le sait, dans la réalité, les choses furent tout à fait différentes. Si l’on put dénombrer 12445 Musulmans qui furent recrutés en Palestine pour servir dans les armées alliées, ce chiffre est à comparer à celui des 85781 hommes et 50262 femmes juifs palestiniens qui se joignirent aux forces anti-hitlériennes.

Une chance pour le peuple juif aura été que depuis l’an 63 avant JC, lorsque Pompée prit d’assaut Jérusalem, la Palestine n’ait jamais été un Etat indépendant. Il n’empêche, remarque Chouraqui : « 1 200 000 Arabes s’opposaient à l’Etat juif et voulaient créer un Etat arabe indépendant ».

Le 29 août 1947, la Commission des Nations unies approuva à l’unanimité onze recommandations, estimant que « les droits inconciliables des Juifs et des Arabes ne pouvaient s’harmoniser que par une solution transactionnelle, ‘le partage’ qui permettrait le règlement le plus réaliste et les plus pratique du problème ». C’est cette ligne de conduite qui conduira l’assemblée générale des Nations unies à voter le fameux plan de partage le 29 novembre 1947 : 33 voix contre 13 et 10 abstentions dont celle de la Grande-Bretagne. Alors que les Juifs, malgré les concessions douloureuses consenties, étaient enthousiastes, les Arabes, furieux, s’opposèrent à cette résolution. Tandis que le Mandat prenait fin le 14 mai 1948, à 6h01, heure de New York, deux minutes plus tard, l’Etat juif était proclamé.

70 ans après, Israël, nation start-up de plus de huit millions d’habitants, est un bel exemple de réussite et de tolérance. Les Arabes palestiniens, eux, dirigés par un Mahmoud Abbas gangréné par un antisémitisme et un négationnisme virulents, n’ont pas encore trouvé le chemin de la raison et de la fraternité avec leurs voisins juifs.

Un cahier iconographique agrémente cet ouvrage véritablement exceptionnel. Un grand bravo !

Jean-Pierre Allali

(*) Editions Erick Bonnier. Avril 2018. Préface de Yehuda Lancry. 376 pages. 23 euros.

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