« Le jour où Jean-Paul II a demandé pardon à Dieu pour les fautes commises par l’Église contre les juifs »

« Le jour où Jean-Paul II a demandé pardon à Dieu pour les fautes commises par l’Église contre les juifs »
 

 

 

Il y a 25 ans, le 26 mars 2000, Jean-Paul II priait à Jérusalem devant le Kotel et demandait pardon à Dieu pour toutes les violences et les crimes commis par des catholiques contre les juifs. Un geste prophétique, rappellent le grand rabbin Moché Lewin et Christophe Le Sourt.

    Moché Lewin, Christophe Le Sourt,

Pour permettre, surtout aux jeunes générations, de mesurer l’ampleur du geste prophétique posé par Jean-Paul II au Kotel, à Jérusalem, le 26 mars 2000, il est nécessaire de rappeler combien le renouvellement de la fraternité entre juifs et catholiques fut une des priorités de son pontificat.

Dès le 12 mars 1979, soit à peine cinq mois après son élection, le pape Jean-Paul II reçoit en audience, à Rome, des membres d’organisations juives. Dans un discours programmatique, il explique combien la déclaration conciliaire « Nostra Aetate», dont nous fêtons cette année le 60ème anniversaire, avait ouvert une nouvelle phase dans nos relations.

Il précise, « comme vos représentants l’ont rappelé, c’est le IIe concile du Vatican qui a marqué le point de départ de cette phase nouvelle et prometteuse des relations entre l’Église catholique et la communauté religieuse juive. Il est en effet dit clairement que « scrutant le mystère de l’Église, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham » (NA, n°4) »Jean-Paul II conclut son propos sur l’impérieuse nécessité d’engager un dialogue afin de surmonter les hostilités du passé et travailler au bien de l’humanité. Rapidement, du reste, il utilisera souvent la formule « être ensemble une bénédiction pour le monde ».
 

« Quiconque rencontre le Christ rencontre le judaïsme »

Lors de son déplacement en Allemagne, en novembre 1980, il rencontre, à Mayence, les représentants de la communauté juive. Dans son intervention, il reprend à son compte une formule de l’épiscopat allemand « Quiconque rencontre le Christ rencontre le judaïsme », puis il affirme avec force que la première alliance conclue par Dieu avec le peuple d’Israël « n’a jamais été révoquée ». Cette expression, devenue emblématique de son pontificat, souligne que l’Église ne remplace pas le peuple d’Israël. Façon, aussi claire que ferme, de récuser la théorie de la substitution laquelle, de façon séculaire, avec d’autres préjugés, a largement nourri l’antijudaïsme chrétien, ce que Jules Isaac appelait « l’enseignement du mépris ».

Le 13 avril 1986, Jean-Paul II effectue une démarche qui va marquer considérablement les esprits. La première visite d’un pape à la synagogue de Rome. Se plaçant dans le sillage de Jean XXIII et de la déclaration conciliaire Nostra Aetate, il prononce des mots qui marqueront, et marquent encore, l’histoire des relations entre juifs et catholiques : « La religion juive ne nous est pas extrinsèque (…) Nous avons avec elle des rapports que nous n’avons avec aucune autre religion ; vous êtes nos frères préférés et d’une certaine manière on pourrait dire nos frères aînés. » Il achève son propos en dénonçant, à nouveau, très fermement, l’antijudaïsme chrétien « Il ne peut y avoir de prétendue justification théologique de mesures discriminatoires envers les juifs » lesquels « ne sont ni repoussés ni maudits ».
Un accord entre Israël et Rome

La signature de l’Accord entre le Saint-Siège et l’État d’Israël est un événement historique qui montre le chemin parcouru depuis le « non possumus » adressé par le pape Pie X à Théodore Herzl le 25 janvier 1904. Le 30 décembre 1993, à la demande de Jean-Paul II, et sur la recommandation de plusieurs évêques français, le Saint-Siège conclut cet accord. Cet événement était attendu depuis longtemps. Certes, le texte est avant tout juridique et technique et ne comporte guère de développements théologiques. Soulignons combien cette reconnaissance de l’État d’Israël par le Saint-Siège est la preuve manifeste d’une notable évolution de l’Église. En effet, avant le Concile Vatican II, la dispersion du peuple juif était souvent considérée comme la conséquence d’une culpabilité collective de la mort de Jésus. La déclaration conciliaire s’étant opposée à ce point de vue, l’Accord fondamental est donc la mise en pratique de l’enseignement du Concile. Parallèlement, le Saint-Siège réclame la création d’un État Palestinien avec des garanties de sécurité pour Israël.

Lors du Grand Jubilé de l’an 2000, le 23 mars, Jean-Paul II se rend au lieu éminemment symbolique de Yad Vashem, le Mémorial de la Shoah. Là, devant de nombreuses personnalités, parmi lesquelles son ami d’enfance Jerzy Kugler survivant de la « solution finale du problème juif en Europe », Jean-Paul II déclare « En ce lieu de mémoire solennelle, je prie avec ferveur que notre douleur pour la tragédie qu’a souffert le peuple juif au XXe siècle conduise à un nouveau rapport entre les chrétiens et les juifs »

Au terme de son pèlerinage, il se rend au Kotel. Accompagné du cardinal Roger Etchegaray, il y est accueilli, entre autres, par l’ancien Grand Rabbin de France René Samuel Sirat. Grâce à l’INA, nous pouvons revoir les images saisissantes d’un pape à la santé vacillante qui, lentement, s’approche du mur. Il prend le temps d’une longue prière personnelle puis, comme nombre de croyants juifs et chrétiens, dépose, dans un interstice du Kotel, une supplique. Il s’agit d’une demande de pardon à Dieu pour les fautes commises, par les membres de l’Eglise au long des siècles, contre les juifs. Ce geste, en plus de sa charge symbolique très forte, nous exhorte tous, plus que jamais, à « nous engager à vivre une fraternité authentique ».

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