Le Piano du Juif inconnu

Le Piano du Juif inconnu

C’est une photographie en noir et blanc. Elle représente des pianos parqués, comme orphelins, dans un sous-sol du Palais de Tokyo. La légende précise qu’ils ont été confisqués à des familles juives pour être donnés à des familles allemandes. La fin de la guerre les avait laissés là, attendant leurs pianistes. Certains reviendront, d’autres jamais. L’étonnante histoire de ces instruments confisqués perdure encore aujourd’hui.

Les Allemands estiment que les juifs sont responsables des bombardements alliés sur leurs villes. Comme ils sont responsables, ils doivent payer et leur mobilier doit être saisi pour être transféré en Allemagne et être distribué aux victimes des bombardements. C'est la "Möbel Aktion".

1er épisode : Le Piano du Juif inconnu 

Septembre 1942. Quatre déménageurs pénètrent dans un appartement du 25 Quai de Bourbon. Dans le salon se trouve un piano de marque Bechstein. Il y a longtemps qu’il n’a pas émis un seul son : depuis juillet 1940, depuis que son pianiste s’est réfugié à Colomiers, chez un ami, puis a été interné au château de Chazeron. Il est juif, mais a été pris pour de toutes autres raisons. Il s’appelle Léon Blum. Son piano fait partie de milliers d’instruments et de partitions confisqués par le régime nazi de 1940 à 1944, dans le but d’écarter les artistes juifs de la création musicale. Une immense opération de pillage débute en 1940 : d'abord dans les grandes collections d'artistes renommés, comme Gregor Piatigorski, Wanda Landowska ou Arthur Rubinstein, puis en 1942 dans près de 40 000 appartements parisiens appartenant à des Juifs exilés ou déportés. Les objets sont destinés à meubler les foyers allemands sinistrés par les bombardements, et sont triés par des Juifs employés de force et cachés dans 3 camps d'internement dissimulés au cœur de Paris : Austerlitz, Lévitan, et Bassano.

Le déménagement des pianos
Le déménagement des pianos• Crédits : Bundesarchiv, Koblenz

Au sein de l'ERR, une administration nazie chargée du pillage des biens culturels, on crée en août 1940 le Sonderstab Musik, un département spécialisé dans le vol de la musique. 

C'est un pillage radical, car les Allemands vident tout, y compris les prises de courant et même les manteaux de cheminées.

Il se sert dans les objets pillés et confisque manuscrits, instruments, partitions, et tout ce qui pourrait permettre aux artistes de jouer. Certains instruments -les meilleurs d’entre eux-, sont offerts au Reichs Bruckner Orchester, un orchestre officiel du régime. Mais la majorité est stockée, dans l’attente d’être acheminée vers des organisations nationales-socialistes ou des familles allemandes : au Palais de Tokyo, dans une aile du musée des Beaux-Arts, ou encore dans un garage de la rue de Richelieu… 

À la fin de la guerre, près de 1 200 pianos y sont abandonnés. Une opération de restitution débute. Exposés dans diverses places de Paris, certains retrouvent leurs propriétaires. Ainsi Léon Blum, qui, à la sortie du camp de Buchenwald, retrouve son fidèle piano Bechstein, exposé au Palais de Tokyo. D’autres sont prêtés aux musiciens spoliés n’ayant pu retrouver leurs biens. Du reste, on perd alors la trace.

Avec : 

Willem de Vries, musicologue, Annette Wieviorka, historienne, Jean-Marc Dreyfus, historien, Benjamin Fellmann, historien de l'art, et Vincent Lunel 

Un documentaire d'Hélène Bigot, réalisé par Alexandra Malka. Prises de son Loïc Duros et François Rivalan. Mixage Catherine Derethe. Archives INA : Haude Vassent. Extrait deMonsieur Batignole de Gérard Jugnot. Avec la collaboration d'Adèle Cailleteau

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