Le suicide français

Le suicide français (info # 011601/17) [Analyse]

Par Claude Berger* © Metula News Agency

 

Le  coup bas porté contre Israël par François Hollande en vue de contraindre l’Etat hébreu à des « négociations » est aussi un coup bas porté contre la France. On ne peut en effet prétendre simultanément lutter contre le terrorisme islamiste qui frappe le monde occidental et particulièrement l’Hexagone, ménager l’islam en voie de radicalisation, et lui trouver des circonstances atténuantes, allant jusqu’à taire son nom à la Conférence de Paris sur le Moyen-Orient, sur l’air du « pas d’amalgame ». Ou encore, soutenir les doléances palestiniennes, qui comprennent l’avenir du Hamas au pouvoir à Gaza, obsédé par l’éradication d’Israël.

 

Le refus par le monde arabe du fait juif ne date pas d’aujourd’hui. Statut de dhimmis, statut d’infériorité, puis refus de tout Etat juif lors du plan de partage de 1947, sans jamais envisager, ensuite, la création d’un Etat palestinien sur la partie qui sera occupée par les Jordaniens entre la Guerre d’Indépendance et celle des Six Jours. Soit sans créer d’Etat palestinien durant 19 ans de contrôle arabe absolu du territoire aujourd’hui revendiqué, et sans que l’Etat arabe qui gouvernait ces territoires n’ait transféré sa capitale à Jérusalem.

 

Le conflit israélo-palestinien fut la première manifestation de l’islamisme, avec, à sa tête, le Mufti Amin Al-Husseini, proche d’Hitler, deux ans en poste à Berlin. Proche également du gouvernement de Vichy, Hadj Amin, comme on l’appelait, était un chef palestinien issu des Frères Musulmans, exfiltré par la France après la Guerre pour qu’il échappe aux prisons anglaises et probablement à la potence.

 

Le refus culturel du fait juif dans le monde arabo-musulman n’est que la manifestation d’un refus cultuel. Mais c’est, ces jours, du refus du monde occidental, un monde formaté par une matrice culturelle chrétienne, qu’il est question.

 

Il y a de quoi s’étonner : comment Hollande et Ayrault, empruntant la voie tracée par Obama et  Kerry, sont-ils aveugles à ce point pour prétendre imposer comme frontière  la ligne de 1967, qui n’était qu’une ligne d’armistice avec les Jordaniens, ainsi que la partition de Jérusalem ? Aveugles et peu lettrés, pour s’inscrire dans l’offensive menée contre la légitimité d’Israël, Etat du peuple juif. Aveugles et peu lettrés pour bafouer l’histoire du peuple juif et nier ses liens avec la terre d’Israël

 

Chateaubriand, en 1806, avait déjà perçu cette tendance anti-juive et anti-israélienne avant l’heure, tapie dans l’inconscient culturel français, également formaté, des siècles durant, par une matrice culturelle chrétienne dirigée contre les Juifs, « ennemis du genre humain et hostiles à Dieu » selon Paul, et qui ont « le diable pour père » selon Jean. Or l’auteur de l’ « Itinéraire de Paris à Jérusalem » déclarait : « Quand on voit les Juifs dispersés sur la Terre… on est surpris sans doute mais pour être frappé d’un étonnement surnaturel, il faut les retrouver à Jérusalem ; il faut voir ces légitimes maîtres de la Judée esclaves et étrangers dans leur propre pays ». Oui, Messieurs Hollande et Ayrault, « légitimes maîtres de la Judée » dixit Chateaubriand il y a 210 ans.

 

Votre incapacité à décrypter l’islamisme aux portes du minuscule Israël vous rend inaptes à identifier l’islamisme qui désormais nous agresse. La gauche au pouvoir, plus encore que la droite actuelle, a sécularisé les grands traits des Epitres de Paul ; non seulement la vindicte contre les Juifs, que l’on retrouve chez les pères fondateurs de la gauche, Marx, Proudhon, Bakounine, Fourier, pour lesquels le Juif est à l’origine de la chute et porteur d’un complot permanent, mais aussi la théorie du « renversement », par laquelle les derniers seront les premiers avec au bout de leur révolte, le Jugement dernier résumé dans le soir final. Cet inconscient culturel s’est également exprimé à droite. Souvenons-nous du discours de de Gaulle du 27 novembre 67 sur « le peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », et de Raymond Barre, dont l’un des propos impliquait que les Juifs n’étaient ni innocents ni français ?

 

L’antisionisme de gauche, qui se targue de dénoncer un « colonialisme israélien », n’est donc que la forme d’un antisémitisme qui ne se cache plus et qui enchaîne à la fois « un peuple de trop et un pays de trop ». L’adaptation de la théorie de Frantz Fanon [qui lui ne l’a jamais appliquée à Israël. Ndlr.] n’était donc qu’une sécularisation de l’une des matrices culturelles chrétiennes du renversement. Grâce à elle, les Juifs pouvaient aussi prendre la stature du bourreau aux dépens des Palestiniens, qui eux étaient transformés en « victimes  des Juifs ». Cela ne pouvait, évidemment, que soulager l’archi-culpabilité de l’Occident dans sa participation à l’extermination des Juifs d’Europe.

 

Israël se voit désormais accusé de tous les défauts par la plupart des media français, désigné pays d’apartheid par les gauches illettrées, alors que près de 20% de la population israélienne est d’origine arabe. Israël, conscient des dangers de l’islamisme radical, ne fait que se défendre.

 

La France, inconsciente, ne se défend que mollement, préférant des actions militaires lointaines à la libération de ses cités métropolitaines occupées. Des cités, cette une très sérieuse enquête d’opinion qui l’affirme, dans lesquelles plus d’un quart de la jeunesse musulmane s’identifie à l’islamisme radical. Le suicide français se joue là, sur une scène du théâtre des banlieues : le Juif y est dominateur et la pauvre victime y est palestinienne et musulmane.

 

On peut, on doit souhaiter une atmosphère paisible entre Israéliens et Palestiniens, mais il faut d’abord en finir avec le refus du fait juif, qui implique que tout projet palestinien est « Judenrein » et que tout dialogue direct est exclu. Et ce sont Hollande et Obama qui viennent de l’exclure, en déclarant ce que "seront les conclusion du marchandage" avant qu’il n’ait commencé : retour d’Israël sur la ligne d’armistice indéfendable de mai 1967, et partage de Jérusalem. Que reste-t-il à négocier ? Pour quelle raison Mahmoud Abbas devrait-il s’asseoir avec Binyamin Netanyahu et faire des concessions ?

 

Enfin, du côté de l’aveuglement français, il est temps de faire l’état des lieux du monde arabo-musulman : déchiré dans ses perpétuelles guerres sunnites-chiites, embourbé dans ses dictatures, ensanglanté dans ses guerres civiles, ce qui constitue le tableau auquel est confronté Israël en première ligne.

 

Temps de comprendre comment sévit cette vieille matrice antijuive et désormais anti-israélienne dans l’inconscient culturel. J’ai mémoire que le statut des Juifs de 1940 était passé comme une lettre à la poste et, qu’après la guerre, il fallait faire silence sur « les événements ». C’était à peine s’il ne fallait pas exhiber un certificat médical pour justifier une absence scolaire de deux années d’enfant caché. Ce travail de décryptage du vieux fond inconscient antijuif et anti-israélien, du côté chrétien-laïque,  est plus que jamais d’actualité.

 

Les arabo-musulmans ont à faire le leur et pour leurs raisons. Du moins s’ils entendent vivre un jour en paix avec Israël.

 

 

 

Notes :

 

* auteur de « Pourquoi l’antisémitisme ? », aux Editions de Paris. Egalement « Itinéraire d’un Juif du siècle » et «  Finir avec le salariat » dans la même maison.

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