Sauvons le patrimoine juif tunisien de l'oubli et de la destruction, par Marc Knobel

Marc Knobel 

Historien et essayiste
 

Dans un article daté du 22 février 2017, Webdo.tn rapporte que la synagogue désaffectée de la Hafsia construite dans les années trente par Jean Sebag et Aimé Krief, allait partiellement devenir un café.

Désaffectée et délaissée depuis de longues années, la petite synagogue de la rue Achour se trouve en plein quartier de la Hafsia, là où se situait la hara de Tunis. Seule l'architecture du bâtiment et sa porte ornée de menoras (chandeliers) gravées dans le bois renseignent sur la destination initiale de cet édifice. Depuis plusieurs années, des travaux sont en cours pour transformer cet espace en café et ces derniers jours, climatiseurs et cheminées viennent de faire leur apparition.

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La reconversion de cet espace va donc s'accélérer et comme ce fut le cas des nombreuses synagogues de ce quartier, la dernière d'entre elles va aussi disparaître, précise Webdo.tn.

Les photographies de Mourad Ben Cheikh Ahmed, qui ont été publiées par LostinTunis.com, que j'ai vu par la suite, m'ont littéralement glacé.

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Que voit-on? Les murs sont décrépis, lézardés, défoncés ; le mobilier est détruit, les bancs sont renversés, les tables ont été cassées, retournées, détruites, le tout a été saccagé, ravagé, anéanti, pour ne pas dire pulvérisé. Les Livres Saints qui chantent la louange à Dieu, sont écrasés, déchirés, jetés à même le sol, dans un état de décomposition constante.

Dois-je préciser ici qu'en ce Lieu règle toujours une sacralité? Que l'on y chantait le nom de Dieu? Et que le Dieu des Juifs n'est autre que celui des Musulmans, car il est le même?

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L'auteur de cet article est très attaché à la Tunisie, parce que ma propre mère y a vécu et a chanté son pays, tout au long de sa vie. L'auteur de cet article a, pour la Tunisie, une grande sympathie. La Tunisie, je l'aime. Parce qu'elle chante en mon cœur et qu'elle n'est pas n'importe quel pays. Je vois la Tunisie comme un pays de tolérance, de gentillesse infinie, de beautés innombrables et je me soucie de la ce qu'il lui arrive et prie pour que son peuple connaisse la paix et le développement. Dans l'Al Huffington post Maghreb, ces derniers mois, je n'ai pas cessé de rappeler mon attachement au peuple tunisien et cet amour filial.

Mais, la Tunisie a aussi un patrimoine. Que gagnerait-elle à effacer de sa mémoire, à liquider de sa mémoire le patrimoine Juif tunisien? Juif, certes, parce qu'il y avait des synagogues, des lieux qui étaient fréquentés par des Juifs, mais ces lieux spécifiques s'incorporaient dans un univers architectural et culturel essentiellement tunisien. En ce sens, ils faisaient partie du paysage historique de ce pays. Les Juifs de Tunisie, ce furent environ 100.000 personnes qui ont choyé, aimé, adoré ce pays et qui n'ont jamais cessé de chanter son rythme, son sang, sa beauté infinie.

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Que gagnerait-on à ce que tout ce patrimoine disparaisse? Ne restera-t-il un jour que la magnifique synagogue la Synagogue de la Ghriba, à Djerba, la plus vieille Synagogue d'Afrique du Nord? Que l'on offrirait au regard des touristes?

Dans les colonnes de l'Al Huffington post Maghreb, j'avais raconté mon immense émotion lorsqu'à l'invitation de Son Excellence Mohammed Ali Chihi, ancien ambassadeur de Tunisie en France, je m'étais rendu au pèlerinage de Djerba. L'article était titré "Juifs et musulmans ensemble, la magie d'un pèlerinage en Tunisie".

Je veux encore croire ici qu'il sera possible de prendre conscience mes chers amis tunisiens que vous devez, devrez restaurer et protéger ce patrimoine universel. Dans l'article de Webdo.tn, il est précisé qu'un projet de musée de la Hara de Tunis est actuellement à l'étude et pourrait voir le jour au sein de cet édifice lui donnant une nouvelle destination.

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Au-delà de ce qui pourrait arriver à la synagogue de la Hafsia, je veux dire ici que si la Tunisie se distingue d'autres pays, c'est parce qu'elle a été un pays de tolérance et d'ouverture.
Elle doit le rester.

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