Terres promises - Alfonso Campisi - Ilaria, de Favignana à Tunis

Ilaria, de Favignana à Tunis

 

Chercheur universitaire et écrivain de talent, Alfonso Campisi a publié plusieurs ouvrages en Tunisie. Son nouveau livre met en scène un voyage dans la Sicile d’après-guerre. À paraître aux éditions Arabesques.

Alfonso Campisi est un passionné. L’homme porte, chevillées au coeur, la Sicile, sa terre natale, et la Tunisie, son pays d’adoption. Fondateur d’une chaire universitaire ayant trait à la culture sicilienne, Campisi est un véritable passeur entre deux pays unis et désunis par la trame imperturbable de la grande histoire.

 

Ilaria ou la valeur

de l’archétype

Car la Sicile est d’abord d’une proximité absolue, une sorte d’Andalousie à nos portes mais qui n’a pas encore été complètement rattrapée par la dimension mythique de son histoire.

Des guerres puniques aux mouvements migratoires du dix-neuvième siècle en passant par les Aghlabides et les Hafsides, la Sicile fait partie intégrante de notre histoire. Pour être exact, nous avons une longue histoire en commun dont l’inépuisable écheveau n’a pas encore été complètement saisi par la recherche, l’art ou la littérature.

C’est dans les interstices modernes de cette histoire que Campisi travaille. À l’image d’une Marinette Pendola dont l’oeuvre est écrite en italien , il investit un terreau fertile et ouvre de nouvelles perspectives francophones devant cette immense friche entre histoire et imaginaire.

Nous ne connaissons pas vraiment la Sicile! Et Alfonso Campisi prétend pallier cette insuffisance grâce à son travail aussi bien universitaire que littéraire. Avec “Terres Promises”, il nous offre une immersion dans la Sicile d’après-guerre à travers le personnage d’Ilaria dont le profil, le vécu et la mémoire, se confondent avec toute une génération de Siciliens.

Tentés par l’Amérique, surtout New-York et l’Argentine, beaucoup de ces Siciliens ont quitté leurs îles à cause de la pauvreté, des horizons rognés où des tremblements de terre.

 

L’histoire d’une migration

Certains ont choisi la Tunisie, l’Afrique, une terre dont ils ne doutaient pas de la latinité, une terre si proche que par beau temps, on pouvait y venir en barque. De Lampedusa, Carloforte ou Favignana, ils furent des milliers de familles à faire le voyage, rêvant d’une nouvelle vie.

Dans son livre à paraître aux éditions Arabesques, Alfonso Campisi singularise Ilaria dont le prénom s’impose à nous alors qu’en creux, elle porte tant de patronymes, tant de noms de familles auxquelles l’auteur rend hommage. Ce sont les Campo, Caruso, Strazzera, Giacalone ou Gandolfo qui renaissent sous nos yeux et entre les lignes, comme pour nous rappeler qu’ils sont loin d’être des ombres et que leurs lignées, leur sang et leur chair, sont toujours vivants parmi nous.

Au passage, Campisi nous parle de ces familles laborieuses qui ont défriché les terres, bâti des immeubles et des villes entières, exercé tous les métiers. Il nous raconte aussi toutes les Petites Siciles qu’ils ont créé à travers la Tunisie, comme pour ne jamais couper le cordon ombilical avec les villes de là-bas, Trapani, Palermo et toutes les autres.

 

Une Sicile qui habite nos villes et nos mémoires

Dans “Terres Promises”, Campisi nous restitue des vies, telles qu’elles furent, telles qu’elles sont. Ce faisant, il nous invite aussi à retrouver notre propre part de Sicile. Car s’ils s’appellent aujourd’hui Bellalouna ou Gemara, certains Tunisiens ont aussi porté les noms de Boriello ou Ducoli.

Qu’ils soient les héritiers des Lomellini de Tabarka, ceux des Livournais de souk el Grana ou des maçons du quartier de la Petite Calabre, ils ont tous un lien aussi profond qu’insécable avec les deux rives de la même mer. Et s’ils sont de la lignée des Borsellino, Campisi ou Biolchini, c’est qu’ils sont justement des cousins de la belle Ilaria, ce personnage forgé par notre auteur et qu’on dirait jailli à la fois des tréfonds de nos mémoires, de l’écume de nos vies et des rues de nos villes.

Un livre à lire dès sa parution qui se fera simultanément en Tunisie et en France, en attendant une traduction dans la langue de Dante et pourquoi pas dans l’idiome sicilien.

 

Hatem BOURIAL

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