VISITE. En pleine transition politique et économique, la Tunisie recèle quelques lieux qui valent le détour. Découverte.
PAR NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE EN TUNISIE, GHIZLAINE BADRI - Le Point Afrique
Sans faire le tour de tout ce que la Tunisie compte de trésors, ce parcours du musée du Bardo à Djerba en passant par Dkhila montre la diversité d'un pays qui veut se relancer.
Le musée du Bardo
Aménagé en 1882 dans un ancien palais beylical, déserté dès l'accession au trône d'Ahmad Bey en 1837, au profit du palais de la Marsa, le musée du Bardo tient son nom du mot espagnol prado, que les Arabes, prononçant « brado », ont déformé en « bardo ». Prado signifie « jardin » ou « pré ». Comme les palais souverains de Carthage, d'Hamam Lif, de La Marsa ou de la Goulette, le Bardo a en effet été originellement construit dans les plaines qui entouraient la médina de Tunis. Deux palais se côtoient dans le parc : l'ancien borj qui est aujourd'hui occupé par la Chambre des députés, alors que le bâtiment plus récent, ancienne résidence des monarques construite au milieu du XIXe siècle, abrite l'une des plus importantes collections du bassin méditerranéen, faisant du Bardo le second musée du continent africain, après le musée national égyptien du Caire. Il retrace, sur trois niveaux, l'histoire de la Tunisie et de toutes les civilisations qui l'ont traversée et détient officiellement la collection de mosaïques la plus importante du monde. La plupart des pièces exposées ont été exhumées du sol tunisien, retraçant ainsi plusieurs dizaines de siècles d'histoire. La découverte fortuite de l'épave d'un navire au large de la cité de Mahdia en 1907 accroît considérablement les collections.
Réaménagée au milieu des années 2000 pour permettre l'exposition d'un plus grand nombre de pièces, la salle des Puniques rassemble les objets archéologiques de l'ère punique de Tunisie (IXe – IIe siècle av. J.-C.). Il s'agit essentiellement de stèles rituelles ou funéraires ainsi que des statues de culte en terre cuite.
La salle du mausolée de Carthage, qui la suit, laisse voir un mausolée stuqué retrouvé sur le site antique de Carthage ainsi que de nombreuses mosaïques, provenant principalement de Thuburdo Majus et de Carthage. S'ensuit la salle des mosaïques marines, qui illustre sur des mosaïques de très grands formats différentes scènes liées à la mer, puis la salle des Numides, qui expose un grand nombre de stèles illustrant le Panthéon des divinités de cette civilisation présente sur toute l'Afrique du Nord du Xe au 1er siècle avant J.-C.
La salle des trésors, en face, abrite une collection numismatique et de bijoux puniques d'une rare qualité. La salle d'Hercule et Dionysos, un peu à l'écart, garde encore les stigmates de l'attaque terroriste du 18 mars 2015 ; les murs et les vitrines souffrent encore des trous des balles qui ont causé la mort de 24 personnes et blessé 45.
Dkhila : la tête dans les étoiles
Peu de personnes sont au courant de l'existence d'une station de contrôle des satellites géostationnaires en Tunisie. Elle est pratiquement la deuxième plus grande et plus importante des stations dans le monde arabe. Bâtie par Arabsat en 1985 et inaugurée en 1986, cette station était au départ destinée à être une station de soutien à celle de Riyad, en Arabie Saoudite. Mais depuis quelque temps, elle est devenue, carrément, une station stratégique pour Arabsat et qui sous-traite ses services à d'autres opérateurs satellitaires.
Située à 1h15 de route de Tunis, Dkhila est une petite commune de la délégation de Tebourba (gouvernorat de la Manouba). Malgré les vestiges de l'époque coloniale (comme les églises, prouvant l'importance historique du lieu avant d'être marginalisé depuis l'indépendance), nul ne peut se douter qu'il existe un endroit bien caché et qui est à la pointe de la technologie pas loin de Tebourba.
En contemplant le paysage, on comprend vite le choix de cette station durant les années 80. C'est une plaine entourée à 360 degrés par des collines et des monts, un endroit idéal pour installer ce centre de transmission satellitaire, car la topographie du terrain le préserve des éventuelles perturbations radioélectriques.
Fin 1998, début 1999, Arabsat a pris l'initiative de lancer la transmission numérique. Cette opération a permis, tout de même, de réduire considérablement les frais de transmissions satellitaires de 3 millions de dinars/an (en analogique) à 300 000 dinars par an et par chaîne (sur le numérique). Les deux systèmes ont cohabité jusqu'à 2003. Et c'est la raison pour laquelle beaucoup de ces équipements sont maintenant hors tension. Bien que d'autres coins de la salle servent, actuellement, pour le monitoring du signal de la flotte des satellites Arabsat, ainsi que la qualité de diffusion des chaînes
Djerba : ville-musée
Une ville riche en musées qui regroupe le musée des arts et traditions populaires de Houmt Souk qui a été aménagé à la fin des années 1970 dans l'ancienne Zaouïa de Sidi Zitoun, un sanctuaire de style mauresque construit au xviiie siècle sous l'instruction du caïd de l'île Ben Ayed. Il abrite le cénotaphe du cheikh Abou Baker Ezzitouni, un savant théologien sunnite. Ce musée permet de découvrir les richesses folkloriques de l'île : costumes de divers groupes sociaux, bijoux fabriqués par les artisans, exemplaires du Coran ou encore ustensiles de cuisine. Devenu musée du patrimoine traditionnel de Djerba en 2008, il a rouvert après des travaux d'extension et de réaménagement dans un ensemble comprenant, outre la zaouïa restaurée, un nouveau bâtiment de 2 000 mètres carrés reprenant l'architecture traditionnelle de l'île.
Djerba offre à ses visiteurs le musée de Guellala, qui a été ouvert en 2001, et qui expose également des collections sur le patrimoine djerbien. Avec plus de 4 000 mètres carrés d'exposition, il offre une série de pavillons indépendants développant chacun un thème (fêtes, traditions et coutumes, artisanat, mythes et légendes, musique traditionnelle, mosaïques ou encore calligraphie arabe). Il reçoit environ 100 000 visiteurs par an. Pour ce qui est de Jemmaâ Fadhoun, mosquée située à proximité de la route reliant Houmt Souk à Midoun et dont la fondation remonterait au XIe siècle, elle a été transformée en musée permettant au visiteur de découvrir comment les mosquées ont servi de refuge aux habitants lors d'attaques et de sièges et leur permettaient de se défendre et d'assurer leur survie.
À proximité du phare de de Taguermess se trouve un parc à thèmes s'étendant sur douze hectares : Djerba Explore. Il abrite un village traditionnel djerbien reconstitué, le Lella Hadhria Museum, qui présente un panorama de l'art tunisien et du monde arabo-islamique, un circuit du patrimoine djerbien et la plus grande ferme aux crocodiles du bassin méditerranéen.