Le désarroi des électeurs juifs français de gauche

Le désarroi des électeurs juifs français de gauche

 

Un dilemme occupe les débats et les réseaux sociaux depuis la dissolution de l'Assemblée nationale et l'annonce d'un accord électoral entre partis de gauche le 14 juin

« On va aller au moins pire » : les législatives plongent dans le désarroi les électeurs juifs de gauche, qui veulent faire barrage à l’extrême droite mais voient « un gros problème d’antisémitisme » à La France insoumise.

Le dilemme occupe les débats et les réseaux sociaux depuis la dissolution de l’Assemblée nationale et l’annonce d’un accord électoral entre partis de gauche le 14 juin.

Du côté des institutions, le CRIF a été très clair : « que le PS puisse encore envisager une alliance avec LFI est une honte absolue », a affirmé son président Yonathan Arfi, selon qui la France insoumise a « fait de la haine des Juifs son fonds de commerce électoral ».

L’accusation d’antisémitisme est revenue régulièrement dans la campagne des européennes, notamment lorsque Jean-Luc Mélenchon a estimé le 2 juin que « l’antisémitisme reste résiduel en France ».

La déclaration a indigné la communauté juive, alors que les actes antisémites flambent (+ 300 % au premier trimestre) depuis l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas sur le sol israélien le 7 octobre. Mardi, deux adolescents ont été mis en examen pour viol et violences à caractère antisémite sur une jeune fille de 12 ans à Courbevoie.

Marine Le Pen en a profité pour fustiger « la stigmatisation des Juifs » par « l’extrême gauche » après que Jean-Luc Mélenchon, « horrifié » par les faits, a dénoncé le « racisme antisémite ».
La tête de liste aux élections européennes de la « La France Insoumise » Manon Aubry (au centre droit), le fondateur de la formation Jean-Luc Melenchon (au centre, à gauche) et la députée Mathilde Panot (à gauche), lors d’une manifestation en soutien aux Palestiniens à Paris, le 8 juin 2024. (Crédit : Sameer Al-Doumy/AFP)

« Faire barrage »

« On considère qu’évidemment, il y a un gros problème d’antisémitisme à LFI », ce qui « décrédibilise toute la gauche dans sa bataille contre l’extrême droite », explique Lorenzo Leschi, porte-parole du collectif de gauche Golem.

Mais « l’extrême droite est le principal danger qui menace les Juifs et la société française, et il faut faire tout ce qui pourra empêcher qu’elle arrive au gouvernement le 7 juillet », affirme-t-il à l’AFP : « C’est compliqué, mais c’est une évidence pour nous de faire barrage, y compris en soutenant le Front populaire. »

Car la démarche n’est pas simple.

Interpellé le 14 juin sur France Inter par un auditeur lui faisant part de sa « douleur », le candidat Place Publique aux européennes Raphaël Glucksmann a résumé les enjeux : « Vous avez face à vous un choix qui est extrêmement difficile, je l’entends, mais la menace qui pèse sur nous est infiniment trop grande. »
Raphael Glucksmann, candidat principal du Parti socialiste français (PS) et de Place Publique à l’élection européenne, lors de la soirée électorale après le vote, à la Bellevilloise, à Paris, le 9 juin 2024. (Crédit : Sameer Al-Doumy / AFP)

Nul n’a oublié à gauche les sorties antisémites de Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, malgré la drague de l’électorat juif engagée par le Rassemblement national qui lui a succédé. Et beaucoup ont été consternés d’entendre Serge Klarsfeld assurer qu’il préfèrerait voter RN face à LFI.

« Ca fait complètement bizarre », affirme à l’AFP Emmanuel Revah, humoriste et militant contre l’antisémitisme, qui pense lui aussi voter pour le Nouveau Front populaire « quel que soit le candidat », car « le plus important est de battre le RN ».

« C’est très difficile, je rationalise en me disant je préfère voter pour un candidat ou un parti qui est juste un petit peu antisémite, que pour un parti qui l’est complètement », ajoute-t-il.

Cette accusation d’antisémitisme est vivement contestée à LFI. Mardi, plusieurs intellectuels ont publié une longue « réponse collective à une infamie » sur le site d’Au poste du journaliste David Dufresne.

« Pas le choix »

Dans cette période d’interrogations, « les gens sont en colère, déboussolés, très angoissés », affirme à l’AFP Judith Cohen Solal, co-autrice de La main du Diable sur l’extrême droite et les électeurs juifs.

Mais les électeurs de gauche s’inscrivent dans une logique « on va aller au moins pire. Ils se disent, même si ça me fend le cœur, je le ferai » ajoute-t-elle. Avec toutefois une limite, selon elle : « Ils ne voteront pas pour les candidats les plus sulfureux. »

Se revendiquant « A-partisan » et tenant des valeurs républicaines, le collectif Nous Vivrons, visé par une plainte de députés LFI, estime lui que « la lutte contre le RN ne justifie aucune alliance avec des antisémites ».

« Ce qui nous horrifie le plus, c’est la chute du Parti socialiste », assure à l’AFP sa porte-parole Sarah Aizenman. Et la posture du collectif pour les législatives est claire : « Au premier tour ni RN, ni Front populaire » et « Au second ni RN, ni LFI ».

Beaucoup se projettent surtout dans l’après-législatives, en espérant une clarification.

« On n’a pas le choix, on vote pour n’importe quel candidat contre le RN », affirme à l’AFP Brigitte Stora, autrice de L’antisémitisme, un meurtre intime.

Mais ensuite, « il faut mettre Mélenchon hors-jeu, lui et ses petits capitaines », ajoute-t-elle.

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