L’Iran joue avec le feu - David Bensoussan

L’Iran joue avec le feu - David Bensoussan

 

Apaiser l’Iran, vainement
Apaiser l'Iran s'avère être une entreprise futile. Le pays, par le biais de ses proxies, exerce une influence déstabilisatrice au Proche-Orient. Il intervient dans le choix du premier ministre irakien; il déploie près de 70 000 milices chiites en Syrie ; le Hezbollah, avec ses 50 000 combattants, impose sa loi au Liban, tandis que les Houtis dominent une partie importante du Yémen. La voie maritime importante du détroit de Bab el-Mandeb est aujourd’hui en danger.  

Durant son mandat, le président américain Obama a souhaité que l’Iran rejoigne la famille des nations civilisées. Pour cela, il a réduit les sanctions et libéré près de 150 milliards de dollars sans exiger en retour l’arrêt de l’expansion militaire iranienne au Croissant fertile. La voie diplomatique optimiste retenue s’avéra vaine, car c’est tout le contraire qui s’est produit. Obama aura été l’architecte involontaire de l’instabilité grandissante au Moyen-Orient.

L'Iran fournit un soutien massif en armements au Hezbollah, à Gaza et aux Houtis, menaçant ainsi les pays sunnites du Golfe et Israël. Par ailleurs, l’Iran a menacé de fermer l’accès à la Méditerranée. Les pays riverains de la Grande Bleue commencent à réaliser que les 150 000 missiles du Hezbollah dirigés contre Israël peuvent également être réorientés vers des cibles en Méditerranée.

L'instabilité dans la région s'inscrit dans le contexte plus large de la tension croissante entre les nations démocratiques et autoritaires, alimentant des conflits potentiels au Moyen-Orient, en Ukraine et à Taiwan.

Or, les tentatives d'apaisement de la part de la Maison-Blanche se heurtent à une réalité où l'Iran, soutenu par la Russie et la Chine, maintient une posture agressive.

Le régime iranien prend de l’assurance du fait qu’il fournit de grandes quantités de drones à la Russie et que son commerce avec la Chine va croissant. Ce rapprochement sino-iranien a facilité la rencontre des leaders iraniens et saoudiens ainsi que l’obtention pour l’Iran d’un siège dans l’Organisation de coopération de Shanghai et l’entité élargie des pays émergents (BRICS).

Misère iranienne

L’Iran a besoin de rentrées de 127 milliards pour équilibrer son budget. Les exportations de pétrole ont rapporté 25,5 milliards en 2022 et 42,6 milliards en 2023. Cela dit, une grande partie du budget iranien est octroyée aux Gardiens de la révolution, lesquels imposent leurs volontés radicales dans la majorité des instances publiques et privées. Le prix des denrées alimentaires augmente de 40% par année  et 30% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté (défini par un revenu inférieur à 7 $ par jour). L’été passé, les températures ont atteint 60 degrés Celsius dans le Sud de l’Iran forçant des centaines de milliers de personnes à migrer vers les grandes villes.

Les pays sous influence iranienne bénéficient de l’aide militaire de plusieurs milliards de dollars, mais vivent une réalité économique déprimante. Ainsi et à titre d’exemple, le Liban est au bord de la banqueroute, la guerre civile a fait plus de 300 000 morts au Yémen et près de 500 000 morts en Syrie.
Les destinées de l’Iran sont entre les mains de l’Ayatollah Khamenei, âgé de 84 ans. La répression des contestataires iraniens est écrasée sans pitié par le régime ; les modérés et les pragmatistes ont été écartés du parlement. Par le passé, l’Iran s’est montré résilient face aux sanctions prises à l’international et il ne faut pas s’attendre à un changement de cap des dirigeants iraniens dans un proche futur quand bien même des sanctions plus sévères seraient appliquées.

De Charybde en Scylla

Le président américain Biden n’a pas réussi à contenir l’agressivité iranienne en abrogeant le statut de terroriste aux Houtis du Yémen, en offrant 6 milliards pour libérer 6 otages américains en Iran et un autre 10  milliards tout récemment. Sous la présidence Biden, 151 attaques ont été perpétrées contre les forces américaines au Moyen-Orient par des milices contrôlées par l’Iran. Ce pays se joue des apaisements entrepris par la Maison-Blanche.

Il semble bien que la proximité des porte-avions américains en Méditerranée décourage l’Iran d’impliquer le Hezbollah dans une nouvelle guerre avec Israël, se contentant d’échanges de tirs à la frontière israélo-libanaise.

Mais voilà que l’Iran ouvre un nouveau front dans le Golfe de Suez au Sud-Ouest de l’Arabie, au niveau du détroit de Bab el-Mandeb par lequel transitent annuellement 12% des échanges commerciaux mondiaux, dont un cinquième des exportations de pétrole. Chaque année, un billion de dollars de marchandises transitent par le canal de Suez ;  17 000 navires utilisent ce passage pour ravitailler les pays de la Méditerranée et de l’Europe via le canal de Suez. Déjà certaines compagnies préfèrent contourner l’Afrique, quitte à allonger le voyage de quelques milliers de kilomètres avec un délai supplémentaire de plusieurs jours.

En 2016, les Houtis avaient lancé des missiles sol-mer contre les navires américains. La riposte américaine a consisté à détruire les radars côtiers du Yémen. Les Houtis ont récemment envoyé des missiles balistiques d’une portée de 800 km, menaçant le passage du canal de Suez et l’État d’Israël. Une coalition d’une vingtaine de pays a été formée sous l’égide des États-Unis pour assurer la circulation maritime dans le détroit de Bab el-Mandeb.

Les provocations de l'Iran mettent en péril les voies maritimes mondiales. En outre, le pouvoir de nuisance de l’Iran dans le détroit d’Ormuz au Sud-Est de l’Arabie met en danger la circulation maritime empruntée pour faire transiter 45% des exportations mondiales de pétrole. L’Iran a également attaqué deux navires-chimiquiers au large de l’Inde.

L’Iran teste les réactions de l’Occident et des pays du Moyen-Orient et de la Méditerranée ; son agressivité va croissant. Dans la conjoncture actuelle, tout semble indiquer que la confrontation avec l’Iran n’est qu’une question de temps. 

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