Par rage et par haine

Par rage et par haine(info # 012912/16)[Analyse]

Par Stéphane Juffa © MetulaNewsAgency

 

Suite à l’adoption de la résolution 2334 du Conseil de Sécurité, à l’unanimité moins l’abstention des Etats-Unis, nous n’allons pas pousser des petits cris de vierge effarouchée, ni parler de honte, ni encore multiplier les qualificatifs exprimant le dégoût. D’autres l’ont fait à notre place, et ça ne fait pas avancer le schmilblick.

 

Il est préférable d’analyser cette décision et d’envisager la réunion que le Quai d’Orsay prépare à Paris pour le 15 janvier, avec la perspective d’un nouveau vote à l’ONU, qui interviendrait avant le 20 janvier, date du départ de Barack Obama, et qui pourrait sanctionner l’Etat d’Israël bien davantage que la résolution de la semaine dernière.

 

Il faut bien avouer, et je m’exprime bien entendu en mon nom personnel, que l’exercice de M. Netanyahu, consistant, d’une part, à claironner sur tous les toits qu’il soutient la solution à deux Etats, et, de l’autre, à s’employer, de toutes ses forces, à créer ou à élargir des implantations dans le territoire contesté, a de quoi exaspérer même les plus fervents défenseurs d’Israël.

 

Si le chef de l’exécutif israélien entendait vraiment favoriser la création d’un Etat palestinien, il s’abstiendrait d’encourager l’installation d’Edennistes sur les terres sur lesquelles un tel Etat devrait voir le jour.

 

On peut certes voir un trait de génie dans ce double langage, mais l’on peut aussi considérer que Binyamin Netanyahu se moque du monde, ne pensant qu’à renforcer sa coalition gouvernementale, et que le monde a fini par lui rendre la monnaie de sa pièce. Ce n’est pas une surprise, depuis des mois, voire des années, le feu était à l’orange.

 

Je voudrais préciser que je ne trouve, quant à moi, aucune intelligence à ce double langage, pas plus que de l’élégance et encore moins un projet politique. Un projet politique c’est autre chose, c’est la faculté qu’ont les authentiques hommes d’Etat de prévoir l’avenir et d’élaborer un projet qui fasse évoluer les choses en direction de l’objectif qu’ils se sont fixé. A mes yeux, Netanyahu est un dirigeant de shtetl mais pas le capitaine d’un Etat moderne et démocratique, à l’instar d’Israël.

 

Quoi qu’il en soit, il existe une différence fondamentale autant qu’évidente entre la politique menée par M. Netanyahu, ou par un autre Premier Ministre, d’ailleurs, et les intérêts vitaux de l’Etat d’Israël.

 

Posé différemment, plusieurs points de la résolution 2334 n’ont rien à voir avec la question des implantations. Ceux qui l’ont votée ont instrumentalisé le prétexte des implantations afin d’hypothéquer rien de moins que la pérennité de l’Etat hébreu.

 

J’en veux pour exemple l’oukase qui tente d’imposer à Israël l’établissement d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967. Or, dans la conjoncture actuelle du Moyen-Orient, et dans son évolution prévisible, ces frontières ne sont tout simplement pas défendables, et font peser sur les Israélites de ce pays le spectre inadmissible d’un nouveau génocide.

 

Celui qui vote une résolution exigeant que la frontière d’un Etat palestinien hostile passe à 14 km de la mer, dans la région de Netanya, ne souhaite tout simplement pas de bien aux Juifs.

 

C’est dans cette acception que le vote des membres du Conseil de Sécurité est irrecevable, et qu’il ne va pas sans rappeler la conférence d’Evian de 1938, de sinistre mémoire, lors de laquelle tous les Etats de la planète avaient abandonné les Juifs allemands et autrichiens dans les griffes d’Hitler, alors qu’ils pouvaient encore agir différemment et éviter le génocide.

 

On notera aussi, dans cette résolution, la proposition tendant à interdire toute activité israélienne dans la partie orientale de Jérusalem. Or cette prise de position, surtout lorsqu’elle s’exprime dans une résolution du Conseil de Sécurité, est délibérément offensante, parce qu’elle ne tient pas compte de l’histoire et de l’héritage de cette ville.

 

Adopter un texte qui ambitionne de couper un peuple de son unique lieu saint, probablement le plus important temple de la spiritualité judéo-chrétienne, participe ni plus ni moins d’un crime intellectuel contre l’humanité.

 

Face à ces atteintes préméditées, le peuple d’Israël ne peut que resserrer les coudes, et faire face d’un seul tenant à autant de mauvaise foi, de volonté de nuire, d’oubli de l’histoire, et des manquements des leaders d’Europe et des Etats-Unis d’Amérique à leur responsabilité dans la préservation de l’unique démocratie du Moyen-Orient.

 

Les choses peuvent également se dégrader davantage du fait de la volonté commune, mais alimentée par des raisons différentes, de Messieurs Obama et Hollande. Pour le second nommé, président d’un pays qui, depuis le Général de Gaulle, s’est porté aux avant-postes de toutes les initiatives diplomatiques anti-israéliennes, il s’agit surtout de flatter les électeurs musulmans de nationalité française à la veille des présidentielles d’avril prochain. Un calcul douteux et à court terme, inspiré par le désir de survie politique du parti socialiste français.

 

La prétention du gouvernement français d’agir afin de faire avancer la paix au Proche-Orient n’est pas crédible : son double vote à l’UNESCO acceptant d’effacer la mention "Mont du Temple", et de la remplacer exclusivement par "Esplanade des Mosquées", enlève toute vraisemblance à l’intention affichée par Hollande et Ayrault de jouer les médiateurs objectifs.

 

Mais ce n’est pas tout. C’est aussi la continuité logique et naturelle de la politique du Quai d’Orsay, qui, depuis sa création, n’a cessé de s’opposer aux Israélites et aux Israéliens.

 

La France d’aujourd’hui est pleine de politiciens et d’intellectuels qui exècrent publiquement l’Etat hébreu, à l’instar de Benoit Hamon, de Pascal Boniface, d’Edgar Morin-Nahum, de Jean-Luc Mélenchon, et d’Olivier Besancenot. Mais, contrairement à ce que d’aucuns s’efforcent de promulguer, cette détestation traverse allégrement les frontières politiques, pour se retrouver, intacte, dans le discours d’un Alain Juppé, ou, et c’est bien pire, d’un François Fillon, parce qu’il est un candidat plausible à la présidence de la République française.

 

Or Fillon n’a-t-il pas évoqué, le 23 novembre dernier sur Europe 1, le "fait" que la France avait dû, par le passé, remettre à sa place la communauté juive qui refusait de respecter ses règles ?

 

A quelle époque M. Fillon faisait-il allusion ? A celle où le plus français des capitaines s’était vu dégrader en place publique, sous les cris de mort aux Juifs, après avoir été reconnu coupable de trahison en faveur de l’ennemi ?

 

Ou était-ce, à son retour de quatre ans d’Ile du Diable, lorsque le Capitaine Dreyfus vit, lors du procès de Rennes, sa culpabilité réaffirmée par le tribunal ? Pour rappel, le verdict contre Dreyfus a été cassé sans renvoi (peut-être la Cour de Cassation redoutait-elle un troisième verdict de culpabilité !), le Capitaine sans reproche a été gracié et réhabilité, mais la justice française n’a jamais reconnu son innocence.

 

Ou était-ce lorsque l’Assemblée nationale a transmis, de son plein gré, gauche et droite confondues, les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, ou lorsque celui-ci décréta les lois racistes antijuives, que les Israélites de l’Hexagone contrevinrent aux règles de la République ?

 

L’attitude que le candidat de droite leur reproche était-elle celle qui fut la leur, lorsqu’avec les Républicains espagnols, ils prirent les armes contre l’occupant nazi, alors que des millions de Français chrétiens s’accommodait fort bien de sa présence ou frayait avec lui ? Si l’on soustrait les Juifs et les "Espagnols" de la Résistance, il n’en reste pas grande chose ! A part en 1944, certes, à la libération, lorsque les mêmes gendarmes qui poussaient les enfants à Drancy dans les wagons à bestiaux à destination d’Auschwitz paradèrent dans le défilé des vainqueurs.

 

Etait-ce encore quand, en 2000, la télévision d’Etat de cette même France diffusait dans le monde sa mise en scène de l’exécution par les Israéliens de Mohamed Dura, que la communauté israélite a trahi les règles de la République ?

 

Est-ce, enfin, en entretenant cette usine à haine antisémite qu’est l’AFP, qui est au journalisme ce que la métastase est au cancer, avec ses "bébés-colons", ses "territoires palestiniens occupés depuis 1967", ses bilans frelatés, mêlant pêle-mêle les assassins arabes et les enfants qu’ils ont tués, que la France répare toutes les injustices qu’elle a faites à ses Juifs ? Pour lesquels elle n’a jamais reconnu ses fautes ni demandé pardon !

 

Avec un tel passif, la France n’a tout simplement pas le droit de se trouver en première ligne pour fragiliser les perspectives d’existence du peuple d’Israël sur sa terre. Elle devrait, dans ce sens, suivre l’exemple de l’Allemagne, qui, consciente de son passé, s’abstient de toute décision qui pourrait hypothéquer la survie des habitants de l’Etat hébreu.

 

Si l’on voulait vraiment se scandaliser, c’est après l’accusation portée par François Fillon qu’il fallait le faire. Dans le cas de Barack Obama, l’analyse est encore plus simple, et là non plus, elle n’a rien à voir avec la politique menée par Bibi Netanyahu ou la recherche d’une quelconque justice pour les Palestiniens.

 

Pour connaitre de la vérité, il faut un minimum de mémoire ! Comme celle qui nous permet de rappeler que, lors de la première visite à Barack Obama de feu Shimon Perez, alors président de l’Etat d’Israël, Obama l’avait fait entrer à la Maison Blanche par une porte dérobée et avait refusé de se faire photographier avec lui. Or Shimon Perez n’était pas Binyamin Netanyahu et l’authenticité de sa recherche pacifique ne saurait être remise en doute par un esprit serein.

 

Le reste n’est que remplissage, accommodements avec la réalité, par un président américain n’ayant jamais supporté l’idée de l’existence d’Israël.

 

Accommodements, car Obama a dû composer avec un Congrès radicalement favorable à Jérusalem, qui ne l’aurait pas laissé prendre de décisions aliénant sa sécurité.

 

Barack Obama et son pygmalion John Kerry, au poste de secrétaire d’Etat, ont mené une politique étrangère catastrophique pour les Etats-Unis, et ont négocié et signé avec les Iraniens le pire accord international depuis celui ratifié par Chamberlain et Daladier avec le Chancelier Hitler. Dans huit ans et demi, Téhéran pourra fabriquer sa bombe atomique en toute légalité.

 

Certes, Barack Obama a rongé son frein en voyant les deux chambres du Congrès ovationner debout à une vingtaine de reprises le Premier Ministre israélien, lorsque celui-ci est venu leur parler de l’accord sur le nucléaire perse.

 

Mais je reste d’avis, comme je l’ai expliqué plus haut, que l’antagonisme du président sortant à l’encontre d’Israël était largement antérieur à ces passes d’armes, et même à son premier emménagement à la Maison Blanche.

 

Maintenant, pour toutes ces raisons moins avouables les unes que les autres, alors qu’ils n’ont plus rien à perdre, Obama et Hollande se déchaînent littéralement contre l’Etat hébreu.

 

S’il restait un moindre refuge pour abriter la raison, les chefs d’Etats qui ont participé au vote de la résolution 2334 et qui prendront part, parmi 70 autres pays, à la réunion de Paris du 15 janvier, réaliseraient qu’il existe quelque chose de carrément pathologique dans le fait de faire voter des résolutions et d’établir des plans de résolution de conflits à long terme, cinq jours avant de quitter la présidence.

 

Ils reconnaitraient, ces chefs d’Etat, que la première cible des deux hommes estceux que leurs concitoyens choisissent pour les remplacer, et dont ce sera le privilège exclusif de déterminer la politique étrangère de leur pays, lorsque Obama et Hollande seront en maison de retraite. Ce que leur orgueil pousse ces deux hommes à faire, c’est essayer de réduire la marge de manoeuvre de ceux qui leur succéderont.

 

Et puis il y a cette rage, cette incurie, cette insouciance incroyable, en mettant sciemment en danger la vie d’un peuple qui n’a jamais, dans son histoire, œuvré contre les intérêts de la France ou de l’Amérique, bien au contraire .

 

On peut même attester que, dans ces deux pays comme dans tous les Etats européens, n’en déplaise à M. Fillon et avant lui au Général de Gaulle, les Israélites ont, de tout temps, constitué les plus fidèles citoyens, n’hésitant jamais à prendre les armes pour défendre leur pays d’adoption, où ses valeurs républicaines et démocratiques, lorsqu’elles étaient en danger.

 

Quant à la profession de foi d’une heure de John Kerry hier, qu’a-t-on à faire de ses projets et de ses convictions, vingt-deux jours avant qu'il ne rentre définitivement chez lui ? Lui et son patron sont devenus soudain aussi frénétiques qu' "irrelevant" !

 

Le 20 janvier et à la fin avril, les successeurs d’Obama et de Hollande définiront la politique de leurs nouveaux gouvernements et, partant, leur positionnement par rapport au différend israélo-palestinien.

 

En Amérique, Donald Trump balayera sans doute d’un coup de manche les tentatives puériles et egotiques d’Obama de changer le cours de l’histoire à la 90ème minute de son second mandat. En France, ce sera plus délicat, car le niveau de rhétorique et de sémantique hostile à Israël transpire dans tous les partis, dans tous les journaux, sur toutes les chaînes de télévision et parmi une majorité d’intellectuels. Le seul espoir sensé de voir l’Hexagone échapper à cette spirale d’exécration se trouve peut-être dans la candidature de Manuel Valls, qui fut l’un des seuls politiciens tricolores de premier rang à ne pas participer à l’établissement de l’environnement fétide qui s’est abattu sur son pays. 

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