Tunisie: «Béatrice Slama, un siècle», ou le récit d’une femme savante

Tunisie: «Béatrice Slama, un siècle», ou le récit d’une femme savante

 

Par Olfa Belhassine

C’est dans ce cadre que le film «Béatrice, un siècle», d’Heger Charf a été projeté en première mondiale, samedi dernier, à la salle Tahar Cheriaâ. Une salle comble, débordant de personnalités politiques, d’intellectuels, d’universitaires… des hommes et des femmes, qui ont soit connu Béatrice Slama, longtemps professeur au lycée Alaoui puis à l’Université du 9 avril, soit été inspirés par ses écrits féministes ou encore pris son personnage comme modèle et repère.

Elle s’insurge contre toutes les formes d’enfermement

Béatrice Slama, Bice pour les intimes, a traversé le siècle, née en 1923 à Tunis, elle s’est éteinte à l’âge de 95 ans en septembre 2018 à Paris. Elle est juive, communiste,activiste pour l’indépendance de la Tunisie dans les années 40 et 50, féministe et spécialiste de la littérature des femmes. Et ne cesse jusqu’à la fin de sa vie de s’insurger contre toutes les formes d’enfermement tout en militant pour un humanisme en partage.

Etonnante par sa curiosité de toute chose, son vif appétit de savoir, elle est au terme de son existence d’une lucidité, d’une clairvoyance et d’une sérénité à couper le souffle. C’est ainsi que la filme Heger Charf avec beaucoup de délicatesse dans son appartement parisien ou dans les parcs où elle aime se promener les matins d’hiver.

Le documentaire revient sur les étapes clés de sa vie, dans un va-et-vient entre l’enfance et la jeunesse tunisienne dans une riche famille d’origine juive de Gabès et l’intégration en France grâce notamment à une participation active aux événements de mai 68 et à la vie universitaire de la faculté de Vincennes.

De son engagement politique au Parti communiste tunisien, elle dit en citant son article très connu intitulé «La déchirure» : «Mes quinze années à Alaoui, mes rapports privilégiés avec les élèves, mon intervention à leurs côtés lors de l’entrée de la police dans l’établissement en 1952, les pétitions, les grèves, qui m’ont liée avec certains collègues, notamment destouriens, n’auraient pas été les mêmes si je n’avais pas été communiste ».

Mais le statut de juif n’est pas commode avec la montée de la dictature des jeunesses destouriennes. Béatrice, son mari, le médecin Ivan Slama, et ses enfants sont contraints au départ en 1965. «On ne cesse jamais d’appartenir au pays de sa naissance», témoigne-t-elle sur un ton d’amertume dans le documentaire ou encore «Venir en touriste au pays de ses origines… je n’ai jamais cessé d’en souffrir».

Visible est la complicité qui unit le temps des interviews Heger Charf et Béatrice Slama. La confiance que ressent apparemment cette intellectuelle engagée envers la réalisatrice rend possible un récit libre et parfois imbibé d’émotion. Mais toujours apaisé et généreux.

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