LE CRIME DE SAMUEL SCHWARTZBARD, DE RÉMY BIJAOUI
L’assassinat, en 1926, à Paris, de l’ataman ukrainien, Simon Petlioura par un horloger juif, Samuel Sholem Schwartzbard, , est, on le sait, à l’origine de la création de la LICRA.
Avocat, Rémy Bijaoui, après avoir consulté les attendus du procès de Samuel Schwartzbard et décortiqué la presse de l’époque comme les nombreux ouvrages consacrés à l’affaire, nous propose un retour en arrière édifiant et instructif.
Le cas est en effet étonnant, hors du commun. L’horloger juif, né en Bessarabie, a, incontestablement, le 25 mai 1926, au Quartier Latin, assassiné avec préméditation l’ancien dirigeant ukrainien, l’ataman Simon Petlioura. Sept balles de pistolet à bout portant. Et, pourtant, après une instruction de sept mois et un procès qui s’ouvre le 18 octobre 1927 devant la Cour d’Assises de la Seine, Samuel Schwarzbard sortira libre, acquitté.
Des précisions intéressantes sur l’assassin nous sont données : Schwartzbard est né en Russie, en 1886, dans la région de Smolensk. Plus tard, sa famille s’établira à Balta, en Ukraine. Face au déferlement antisémite, le jeune Samuel adhère, à 19 ans, à un mouvement juif d’autodéfense. Il séjourne en Autriche, en Russie et en Hongrie avant de rejoindre la France. En 1910, il est mineur à Saint-Étienne puis horloger à Paris où il rencontre Anna, qui deviendra sa femme et, lorsque la Guerre éclate, il est mobilisé. Le 1er mars 1916, il est grièvement blessé dans la Somme. En 1917, quand la Révolution russe éclate, il rejoint la Russie où il demeure trois ans. De retour en France, en 1920, il s’installera comme horloger à Ménilmontant. En 1925, il a obtenu la nationalité française. À la fin de sa vie, Schwarzbard a choisi de s’installer en Afrique du Sud où il est mort le 3 mars 1938. Sa dépouille a été, plus tard, transférée en Israël, dans le « Carré des Héros » du cimetière de Beer Shéva.
Défendu par le brillant maître Henry Torrès, ténor du barreau, lors de débats présidés par le conseiller Flory, avec, face à lui, le défenseur de la veuve de Petlioura, le non moins célèbre maître Campinchi, Schwarzbard, qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés, expliquera par le menu, sa haine de l’ataman, responsable à ses yeux des innombrables pogromes qui ont frappé l’Ukraine et entraîné la mort de milliers de Juifs dont des membres de sa propre famille.
L’habileté d’Henry Torrès, assisté de Serge Weill-Goudchaux et de Gérard Rosenthal aura été de déplacer les débats d’une simple affaire criminelle à un véritable réquisitoire contre les pogromes, en Ukraine, en Russie et ailleurs et de faire, en somme, le procès de l’antisémitisme.
Bernard Lecache, journaliste qui avait, au moment du procès, réalisé une enquête sur les pogromes en Ukraine et écrit un ouvrage sur le sujet : « Quand Israël meurt » et qui, en 1919, déjà, avait lancé dans Le Journal du Peuple un appel pour la création d’un Comité de Défense pour les Juifs opprimés, réunit le soir même du verdict d’acquittement, un groupe d’amis parmi lesquels Joseph Kessel. Place Blanche, à la brasserie Marianne, ils lancent les bases d’une association loi de 1901 : la Ligue Internationale Contre les Pogromes, qui deviendra plus tard la LICA puis la LICRA. Parmi les premiers adhérents : Victor Bash, Léon Blum, Albert Einstein, Edmond Fleg, Maxime Gorki, Paul Langevin, la comtesse de Noailles, Georges Pioch, Séverine et André Spire.
L’auteur, très honnêtement, ne laisse pas dans l’ombre, une question qui a agité le monde intellectuel au fil des ans : Petlioura était-il vraiment antisémite, a-t-il lui-même organisé des pogromes. Certains de ses défenseurs diront qu’il aimait les Juifs et avait même installé plusieurs d’entre eux dans son gouvernement. Une chose est sûre : il était le chef et, dès lors, sa responsabilité était entière face aux exactions de ses propres troupes.
Un travail très intéressant et très utile.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Imago. Octobre 2018. 192 pages. 20 €.
Commentaires
tromperie sur la marchandise
C'est dès le premier paragraphe que monsieur Allali, ne sachant plus quoi inventer pour tirer la couverture à droite, fait subir à la vérité un sort peu enviable : cet épisode ne fut aucunement à l'origine de la création de la... LICRA mais (comme rappelé, mais en fin d'article seulement) de la Ligue internationale contre les pogromes ensuite devenue LICA, clairement marquée à gauche et dont la très ultérieure LICRA ne tarda pas à dilapider l'héritage avant que son président le nommé Aidenbaum ne passe le relais à droite en adoubant son successeur le nommé Patrick Gaubert, faut plus s'gêner...
C'est dès le deuxième paragraphe aussi que monsieur Allali, ne sachant plus quoi inventer pour spéculer sur l'ignorance des internautes, nous assure que l'auteur de ce livre aurait décortiqué-sic on ne sait quoi là où on est au contraire en présence d'une très médiocre compilation : et je suis bien placé pour le savoir puisque les nécessités de la recherche m'ont amené à me pencher sur tout ce qui concerne M° Torrès, d'une part, et M° Campinchi, d'autre part (et avec une même sympathie dans chacun des deux cas).
L'adverbe "très honnêtement" sur lequel s'ouvre l'avant-dernier paragraphe, et dont on sait bien qu'il n'est généralement présent que par antiphrase n'est là que pour faire de la retape à ce qui est présenté sans vergogne comme un questionnement inédit alors que la question fut abordée au cours du procès et que Swartzbard, juif et anarchiste exemplaire, donna lui-même la réponse : en aucune façon il n'accusait Petliura d'avoir donné l'ordre des pogromes -mais de les avoir laissés commettre.
L'allégation finale selon laquelle il s'agirait d'un "travail très intéressant et très utile" est là pour nous rappeler que c'est en France, qu'est née la méthode Coué... Car s'il y a toujours quelque puérilité à "refaire le procès" on est ici devant une entreprise qui frôle le révisionnisme et par laquelle le nommé Bijaoui tente d'exorciser ce qui lui donne de l'urticaire mais qui constitue l'essentiel au regard de l'historien, à savoir : il se trouva de courageux jurés, devant la Cour d'Assises de la Seine, pour décider d'un acquittement qui dans la France peu philosémite de l'époque n'allait pas de soi.
Pour le reste il va de soi que les juifs sont des gens comme les autres -et qui ont droit à leurs opinions comme les autres (en supposant qu'il s'agisse ici d'une..."opinion" et non texte écrit par d'autres). Mais si, comme son patronyme peut le laisser penser, monsieur Alalli est juif il donne ici une image peu valorisante d'un peuple qui sait aussi donner, dieu merci : des Scholim Schwartzbard.