Dalila Meksoub chante l’Andalousie des lumières

Dalila Meksoub chante l’Andalousie des lumières

Accompagnée de sa mandoline, la musicienne, cantatrice et professeur oujdie de Tarab Gharnati Dalila Meksoub a conquis le public de Dar Souiri lors de la 16e édition du Festival des Andalousies Atlantiques à Essaouira avec sa nouvelle version d’une ancienne Qsida culte louant le prophète Mohamed, écrite par le poète juif et Maâlem Ayouch Benmouyal Souiri, et interprétée dans les années 60 par le Maître Ahmed Pirou. Un concert unique célébrant le vivre-ensemble de l’Andalousie des lumières qui restera longtemps dans les annales.

 

 

C’est votre première participation aux Andalousies d’Essaouira ?

Oui, je suis super contente de participer à ce grand festival, qui est aussi une grande fête de la musique, et ravie de participer avec de grands artistes. Ce festival est unique au monde parce qu’il véhicule des valeurs du vivre ensemble, de tolérance et d’ouverture, c’est un exemple qui démontre que plusieurs religions peuvent cohabiter ensemble, Musulmans, Juifs et Chrétiens. Dieu merci, ils ont cohabité ensemble depuis des siècles et c’est essentiel de le rappeler de nos jours. Le festival encourage aussi les jeunes talents à se produire et à dépoussiérer un art qui tombe souvent dans les oubliettes.

C’est la 1ère fois que vous interprétez sur scène la qsida louant le prophète Mohamed écrite par le poète juif, le Maâlem Ayouch Benmouyal Souiri ?

Oui, les paroles de cette qsida sont du Maâlem Ayouch Souiri, un auteur juif prolifique et mémoire inépuisable de la tradition Gharnatie. Ahmed Pirou l’avait chanté avec une version nouvelle, je suis la 2e à l’interpréter sur scène en lui intégrant 4 « Toubou3 », je l’ai réarrangé pour avoir une nouvelle version du refrain et c’est la 1ère fois qu’elle se joue Live.
C’était laborieux de réarranger une telle oeuvre ?

Oui, surtout que je n’avais pas beaucoup de temps, j’ai donc veillé des nuits entières pour parvenir au résultat escompté. Ce n’était pas facile d’incorporer le Gharnati sur de nouvelles paroles, ce sont des louanges du prophète Mohamed, (4 gammes : Tabaâ sikah, Mawal, Zidane, Raml al Maya, puis Madh…

Comment est née votre passion pour le style Gharnati ?

Ma mère jouait au banjo sur scène, malheureusement, elle n’a pas pu continuer dans ce domaine, et donc, j’ai voulu assurer la relève. J’ai toujours aimé depuis toute petite le Tarab Andaloussi, et la musique classique en général, je l’écoutais souvent à la télévision.
J’ai débuté à l’association « Al Andaloussia », puis, « Al Moussilia », avant d’intégrer l’association « Tarab » pour la musique Gharnati, où j’ai approfondi mes études musicales et acquis de précieuses techniques vocales auprès de mon mari, le grand maître feu Mouhssine Zemmouri. Il m’a transmis les vraies techniques de base du genre, (Sanaâ, Noubat, Dhil, …Sa mort est une grande perte pour la ville Oujda.

Vous jouez plusieurs instruments ?

Oui, je manie le violon, la mandoline et récemment je m’entraîne à la kwitra pour élargir mon champ musical. C’est la 1ère fois que je joue sur scène avec cette ancienne mandoline qui date d’avant la naissance de mon mari, et qui est lègue de un héritage de sa famille. Elle a une valeur inestimable, elle est sacrée pour moi !

Pourquoi avoir choisi le Tarab Gharnati ?

C’était le seul choix qu’on avait à Oujda. Malheureusement, à Oujda, on est limité, à part le Reggada et le Rai, il n’y a que le Gharnati, pas de Tarab Andaloussi ni Melhoun…J’ai dû intégrer une association pour acquérir de l’expérience. Une fois qu’on a maîtrisé le chant et un instrument, on peut par la suite choisir sa voie.

Vous avez aussi ce souci de préserver notre patrimoine musical judéo-marocain dont plusieurs anciennes qsayed qui sont tombées dans les oubliettes ?

Exactement, j’ai repris plusieurs qsaids interprétées par les grands comme la judéo-algérienne Reinette L’Oranaise, Samy Al Maghribi, Line Monty, Salim Halali, Fadila Dziria, Abdelkrim Dali…pour préserver ce patrimoine judéo-marocain et judéo-algérien.

La transmission de l’art est aussi importante pour vous ?

Oui, je suis professeur de Tarab Gharnati, j’ai une Chorale, d’ailleurs, je ne remercierais jamais assez Abdellah Makhtoubi de Meknès pour son aide. mC’est à Casablanca que je me suis vraiment lancée, et aujourd’hui, je me sens comme une ambassadrice du Tarab Gharnati et du Chgouri à Casablanca.

Chgouri, c’est un style très particulier. Comment l’abordez-vous ?

Oui, les artistes qui chantent du Chgouri chez nous se comptent sur les bouts des doigts. C’est pour cela qu’on veut préserver ce patrimoine musical judéo-marocain et le faire découvrir aux jeunes générations. Il ressemble beaucoup au Tarab Gharnati, il est différent de l’Andaloussi et du Melhoun, c’est pour cela que je n’ai pas eu de mal à approcher le Chgouri, ce sont les mêmes gammes (Toubou3) et les mêmes Maqam…

Qu’en est-il pour le chant ?

Contrairement à d’autres villes, à Oujda, on doit d’abord apprendre à jouer d’un instrument puis après cela, on passe au chant. Il faut d’abord maîtriser la base, la mélodie avant de se lancer dans le chant. J’ai commencé à 13 ans et je ne me suis jamais arrêté depuis. Et l’aventure dure depuis 16 ans !

Vous avez toujours su que vous alliez faire carrière dans la musique ?

J’ai toujours souhaité percer dans le domaine, j’ai commencé petit à petit. Heureusement que j’ai quitté Oujda pour Casablanca, parce que mes débuts se sont faits dans la capitale économique.

Des artistes avec qui vous voudriez faire un duo ?

Oui, énormément. Mon souhait est de chanter avec des artistes et des formations algériennes qui chantent la Nouba du début à la fin, je suis une grande passionnée de la Nouba complète.

Pensez-vous un jour passer à la composition ?

Pourquoi pas. Mais ce n’est pas chose facile !

Des projets ?

J’ai enregistré Qasida « El Waldine » de Abdelkader Chaou et Nadia Benyoucef, une version arrangée par Mouhssine Zemmouri. Peut-être que dans l’avenir, je ferais ma propre composition.

 

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